44 - L'épave humaine

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Alors que le bip du commencement de l'enregistrement venait de se faire entendre, la jeune femme chercha à contrôler sa voix qui jusque-là, n'avait fait que trembler.

— Ouais, euh, c'est moi, Philo. Je viens d'entendre que ta boite vocale est saturée. Je ne pensais pas t'avoir laissé autant de messages.

La blonde soupira de sa propre intervention. Qu'est-ce qu'on s'en foutait de ça, d'apprendre qu'elle ne pensait pas l'avoir harcelé à base de messages vocaux...

L'après-midi était déjà bien entamé. Et elle était encore en pyjama dans sa chambre.

La jeune femme n'avait même pas prévenu qu'elle ne pourrait pas assurer son poste au travail. Elle n'avait même pas laissé un SMS à Mathias pour qu'il fasse la commission. Car elle avait été bien trop occupée à rappeler Lloyd puis à essayer de lui faire comprendre qu'elle ne s'était pas foutu de lui.

Le portable collé contre la joue, Philomène poussa la porte de sa chambre et le constat qu'elle fit en arrivant dans le séjour vide la déprima encore plus : Mia était partie.

Plusieurs heures étaient passées depuis que la guichetière toulousaine avait montré à sa meilleure amie son plus grand secret. Plusieurs heures depuis que la châtaine avait ravalé ses larmes, parce qu'elle s'était sentie trahie.

Plusieurs heures que la jeune femme avait déclaré qu'elle avait besoin de prendre l'air. Et plusieurs heures que Philomène n'avait plus aucune nouvelle de celle avec qui elle partageait son logement.

Bien qu'elle ne pouvait pas lire dans les pensées d'autrui, Philo avait tout de même compris que cela n'annonçait rien de bon. Avait-elle perdu Mia aussi ? Quelle serait la prochaine annonce pourrie de la journée ?

— Je t'en supplie Lloyd, pleura Philomène. Je te jure que je ne voulais pas te faire de mal. Tu te souviens la fois où tu es arrivé à l'appartement et que j'étais dans une tenue étrange, et que j'ai roté puis t'aie foutu à la porte ? Comme je t'ai dit ensuite, j'ai toujours été comme ça. Et ça a toujours fait fuir les hommes.

Philomène posait son cœur sur la table. Elle l'ouvrait, le disséquait et le torturait pour essayer de réparer celui de son british.

C'était douloureux. Très douloureux. Même si elle se doutait que ce n'était pas pire que pour ses amis et son petit ami.

— Je me doute qu'en ce moment-même, tu n'es pas sur ton portable. Tu dois avoir à faire avec le mariage de ton frère. Je lui souhaite toujours tout le bonheur du monde.

La jeune femme se sentait vide.

Parce que même si elle souhaitait vraiment tout le bonheur du monde au frère de Lloyd, elle, elle était la femme la plus triste au monde.

Car tout ça, elle ne l'avait pas vu arriver.

A aucun moment, elle s'était dit qu'elle risquait de révéler toute l'expérience d'autrefois en rejoignant Lloyd à l'aéroport. Elle s'était juste dit qu'elle se transformait en héroïne de comédie romantique. Elle s'était juste dit qu'elle aimait son british et qu'il allait lui manquer.

Mais jamais, ô grand jamais, elle n'avait pensé que c'était vraiment la dernière fois qu'elle le verrait.

Au lieu de renforcer leur amour, elle l'avait détruit, en laissant ce stupide portable à côté du blond.

Non, Philomène savait qu'au fond, ce n'était pas ainsi qu'elle devait réfléchir... Car téléphone présent ou pas sur les lieux du crime, elle n'aurait pas dû rendre des comptes à ses abonnés. Elle n'aurait pas dû se laisser entraîner. Pas de cette façon. La situation lui avait échappé.

— Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que je ne veux pas que tout ce que nous avons vécu soit effacé. Parce que j'étais sincère avec toi. Je te le jure ! C'est vrai que j'avais besoin qu'on m'aiguille, car j'ai toujours tout foiré en amour et que cette fois-ci, je ne voulais pas faire les mêmes erreurs. Pas avec toi, Lloyd. Tu es devenu trop précieux pour que je te perdre ainsi.

Ce silence qui lui répondait en contre partie, c'était trop douloureux.

— Le jour où tu m'as foncé dessus, avec ta guitare, je sortais d'un énième vent. J'étais désespérée. J'avais vu Camille, quelques jours plus tôt. Ça m'avait chamboulée. Et je songeais sérieusement à ne plus rien tenter. Puis tu es apparu.

Ses larmes ne s'arrêtaient plus de couler.

— Tu es apparu comme le plus beau cadeau du ciel. Tu étais si beau, si gentil, si formidable. C'était comme si je venais de rencontrer un ange.

Philomène revivait l'instant. Elle ressentait à nouveau toutes les émotions qui l'avaient gagnée lors de leur rencontre.

— Tu étais parfait Lloyd. Et moi, moi j'étais effrayée. Car je me disais que je ne pouvais pas laisser partir l'homme formidable que la vie m'avait permis de rencontrer. On venait de m'offrir une nouvelle chance, et je ne voulais pas la rater, encore une fois.

Tout ce qu'elle disait, c'était plus vrai que vrai.

— Oui, j'ai demandé de l'aide à mes abonnés et oui, je me suis laissée entraîner. Mais ce n'était pas dans le but de te faire mal. C'était dans le but de changer. De devenir quelqu'un de meilleur. Mais au final, c'est toi qui m'as permis de devenir meilleure. Alors je t'en supplie, ne me laisse pas !

Philomène se rendait compte que jamais elle s'était mise autant à nue qu'en ce moment. Et ça l'effrayait autant que ça la faisait pleurer. Car elle réalisait à quel point elle aimait cet homme. Alors qu'il n'était entré dans sa vie que depuis quelques mois.

— Tu sais, j'ai tout révélé, à Mia. Je lui ai montré le blog. Car elle aussi n'était pas au courant. Personne ne l'avait en fait. C'était mon secret. Et tu sais quoi ? Elle est partie, elle aussi. Pourquoi faut-il que je fasse toujours du mal aux personnes que j'aime ? Pourquoi !

Désormais, la jeune femme était en colère et pleurait en même temps. Elle se détestait d'avoir agi ainsi. Parce qu'au début, ce blog avait été son échappatoire pour ses peines de cœur, mais qu'avec le temps, elle s'était parfois demandée si elle n'avait pas abusé de parler de ses amis et sa famille, sans même avoir eu leur accord.

Comment aurait-elle réagi si ça avait été l'inverse ?

Certes, elle n'avait jamais fait ça dans le but de devenir célèbre ou bien de faire du mal. Seulement elle réalisait maintenant qu'elle avait violé la vie privée de ses proches.

— Lloyd ! continua-t-elle en s'essuyant les yeux. Je t'aime ! Et si je pouvais revenir en arrière, j'effacerais tous les posts que j'ai publiés. Je ferais les choses diffé...

Le bip de la fin d'enregistrement lui fit réaliser qu'elle avait encore une fois de plus trop parlé. Et désormais, elle savait qu'elle ne pourrait plus laisser de message.

Tout était fini.

Lloyd, Mia. Et bientôt Simon et Damian.

— Je suis désolée, craqua-t-elle en portant les mains à sa tête.

Ce jour-là, Philomène pleura durant des heures.

Ce jour-là, elle ne sortit pas de chez elle.

Ce jour-là, elle crut qu'on lui arrachait le cœur sans arrêt.

Car ce jour-là, Philomène se rendit compte du mal qu'elle avait fait à ses proches. Un mal plus sournois et pire encore que celui qu'elle avait pu faire autrefois en se comportant comme la fille égoïste et immature qu'ils avaient rencontrée.

Parce que ce jour-là, elle venait de franchir la zone de non-retour.

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NDA : C'est un chapitre pas très joyeux. Pas du tout même.

On apprend que Lloyd ne répond pas à Philo et que cette dernière est détruite. On apprend également que Mia a mis les voiles. Et on se doute que cette dernière va se confier auprès de son petit ami et que Damian finira aussi par apprendre l'histoire.

Bref, la merde arrive les amis !


Quel phénomène cette Philomène 1 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant