XXVIII.

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Depuis qu'il était revenu d'entre les morts, Jason ne se souvenait pas avoir eu aussi peur que ce jour là en voyant le bout de la queue de cheval d'Ashley disparaître dans le vide, du haut du toit de l'université. Luke et lui avaient poussé de concert un hurlement qui s'était perdu dans le vent et si à cet instant Damian n'avait pas eu le reflex fulgurant de plonger derrière elle, il n'osait même pas imaginer dans quel état il l'aurait retrouvée quelques mètres plus bas. Aucun doute sur le fait qu'il aurait eu du mal à la déloger du sol, même avec une bonne truelle.

Il était grand temps que cette histoire se termine une bonne fois pour toute. Au début il n'avait pas vraiment voulu y croire, mais plus il y réfléchissait, et plus ça lui semblait plausible : Ashley devenait de plus en plus barge à mesure que ce problème de yakuzas traînait. Et si au début ce petit côté fêlé le faisait simplement rire, à présent qu'elle se mettait bêtement en danger en allant jusqu'à se jeter du haut d'un bâtiment les mains vides, ça ne l'amusait plus mais alors plus du tout.

Pour la protéger, Jason avait donc d'abord envisagé une méthode simple et efficace : l'enfermer dans une cage au fin fond d'une cave avec un jeu Guitar Hero et des chicken tenders, le temps que l'affaire se règle. Cependant, outre le problème légal que posait cette solution, Jason était surtout effrayé non pas à l'idée qu'Ashley proteste, mais plutôt qu'elle se mette à apprécier l'expérience au point de l'éterniser pour vivre de rock et de poulet. Comme il ne souhaitait pas particulièrement troquer sa petite amie contre un furet domestique à taille humaine, il avait finalement songé à l'envoyer le plus loin possible de Gotham, mais il s'était heurté à une résistance qu'il n'avait pas anticipé. Pourtant, il aurait dû se douter que les choses ne seraient pas aussi simples que ça : Ashley était extrêmement proche de sa famille et de ses amis, or ils vivaient tous ici. Alors certes, elle envisageait de partir quelques mois au Japon, mais pas dans ces conditions là. Pas pour fuir. Dans l'idée, ça forçait le respect, Jason ne pouvait pas le nier. Mais lui, ça le faisait plus chier qu'autre chose qu'elle s'obstine à ne pas l'écouter de la sorte. Il aurait pu chercher de nouveaux arguments pour la convaincre de partir. Néanmoins, il n'en avait pas eu le temps : Isumi Nako, l'homme à abattre, le big boss des big boss s'était retrouvé là, juste sous leurs nez et ça, c'était le genre d'opportunité que le justicier ne pouvait tout bonnement pas manquer.

Droit comme un piquet face à la porte que le mafieux venait d'emprunter, Jason resserra légèrement le foulard d'Ashley noué autour de son poignet. Ce qu'il s'apprêtait à faire était stupide, il en avait parfaitement conscience. Entrer seul dans un repère ennemi sans connaître le nombre de personne se trouvant à l'intérieur, ni le plan de la planque, c'était juste un tout petit peu moins con que se jeter dans le vide en oubliant son bat-grappin. Cependant, il n'avait pas le choix : si il ne se pressait pas, il risquait de perdre sa seule chance de tirer une balle dans le front de Nako et ça, il s'y refusait. Dans la partie la plus reculée et secrète de son petit cœur, il regretta que Bruce et Damian ne soient pas là avec lui. Tous les deux avaient eu la délicatesse de les laisser seuls, Ashley et lui, lorsqu'ils avaient commencé à se disputer et Jason n'avait pas la moindre idée de l'endroit où ils s'étaient rendu en attendant que les choses se calment entre le couple. Il ne pouvait qu'espérer qu'ils n'étaient pas trop loin et qu'ils avaient bien reçu son signal. En attendant, il ne pouvait compter que sur lui même.

Sans perdre plus de temps, il abaissa la poignée de la porte et la poussa lentement avant de passer son casque dans l'entrebâillement pour repérer rapidement les lieux. Tout semblait calme, il se trouvait dans la réserve d'une boutique, probablement de vêtements compte tenu du nombre de portants entreposés un peu partout. Personne ne montait la garde, fait que le justicier trouva particulièrement étrange, bien que cela l'arrangea. Méfiant, il se faufila silencieusement dans le bâtiment avant de se planquer à couvert derrière une caisse, le cœur battant. A priori, pour le moment, il n'y avait rien à signaler. Tout était calme. Un petit peu trop calme. Et Jason n'aimait pas beaucoup ça. Il aurait préféré que ce soit un peu trop plus moins calme.

Be My Robin [Jason Todd]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant