Be My Robin [Jason Todd]

XXIX.

Ashley n'était pas super chaude pour que Jason colle une balle entre les deux yeux d'Izumi Nako. Le mafieux avait beau avoir ordonné sa mise à mort et mis de sacrés moyens en place pour y parvenir, la jeune femme n'aimait pas trop l'idée que son copain bute quelqu'un. Elle savait pourtant que Jason n'en était pas à son coup d'essai en matière d'expédition à la morgue – que ce soit pour lui ou pour ses victimes d'ailleurs et ça c'était aussi glauque que badass – mais jusqu'ici, elle était toujours parvenue à se mettre des œillères afin de totalement ignorer le côté gâchette facile du justicier. Cette illusion dans laquelle elle s'était elle-même enfermée avait pris fin à l'instant où elle l'avait vu rompre le cou du yakuza quelques minutes plus tôt dans la réserve et là, bien qu'elle soit parvenue à le dissimuler, elle avait paniqué sévère. Parce que même s'il s'avérait au final que le type n'était pas vraiment mort, le fait qu'il le soit avait eu le temps de s'imposer dans l'esprit d'Ashley qui s'était sentie littéralement disjoncter.

Ok, ces mecs n'étaient pas des bisounours. Ok, ils avaient pour la plupart des gueules aussi sympathiques que celle de Staline au réveil après un nuit à penser à tous les gens qu'il allait envoyer au goulag le lendemain. Ok, ils avaient l'habitude pas très cool de vouloir transformer Ashley en carpaccio humain dès qu'ils la croisaient. Mais bon. Ils devaient tous avoir une maman et cette maman serait probablement très triste si elle apprenait que son fils s'était bêtement fait tuer par Red Hood sur le prétexte un peu facile qu'il avait tenté d'assassiner une pauvre étudiante en premier.

Planquée derrière la porte dans la cage d'escalier, Ashley déboîtait nerveusement son pouce en réfléchissant à un moyen d'empêcher son chéri de commettre l'irréparable. Elle n'osait même pas jeter un coup d'œil du côté de la bataille qui faisait rage, de peur de voir une scène atroce du genre Jason en train de dépecer Izumi Nako, Jason qui mange Izumi Nako ou encore Jason qui dégomme les yakuzas comme des quilles en utilisant Izumi Nako comme boule. Cette dernière possibilité aurait été franchement marrante à voir, mais Ashley estima qu'il était peu probable qu'elle se produise car tout musclé qu'il fut, Jason n'était pas Chuck Norris et ne pouvait donc décemment pas soulever un homme faisant le poids d'un élevage d'ânes morts, pas même le temps de le propulser un peu plus loin. Il fallait se rendre à l'évidence : rien de bon ne se passerait dans la salle à manger où justiciers et yakuzas se tapaient tous joyeusement sur la gueule.

Ashley se sentit alors investie d'une grande mission : une mission de paix, d'amour et de réconciliation. C'était à elle de faire cesser les hostilités, par tous les moyens possibles. Évidemment, elle aurait pu entrer dans la pièce, chopper un katana qui serait passé par là et menacer de se faire un hara-kiri comme une héroïne de drama historique. Seulement, il n'y avait que Jason et Dick qui ne voulaient pas qu'elle meurt dans le tas, donc sa menace ne serait pas particulièrement efficace. D'autant plus que l'idée de claquer en s'éventrant elle-même ne la branchait pas de ouf.

L'étudiante envisagea donc une autre méthode un peu moins sanglante : débouler comme une furie et exiger avec force et détermination que tout le monde pose ses armes, se fasse un câlin, un bisou et la paix. Soufflés par son charisme naturel, les combattants n'auraient d'autre choix que de lui obéir et verseraient même quelques larmes d'émotion en se promettant de se faire un barbecue tous ensemble un de ces quatre mais sans karaoké parce que Kyary Kyary Pamyu ça allait 5 minutes et surtout sans Izumi Nako parce que sinon ils pouvaient dire adieu au rab de chipo.

C'était le plan parfait. Ashley ne voyait rien à y redire. A part peut être le fait qu'en sortant de sa cachette, elle prenait le risque de se prendre un coup de katana perdu et de finir scalpée avant même d'avoir pu prononcer son discours digne d'un prix Nobel de la paix. Et clairement, ça, ça l'aurait fait moyen.

Alors qu'elle tentait de trouver le moyen le plus prudent de s'approcher de la zone de guerre – autrement qu'en utilisant en guise de bouclier le pied perdu des jambes de mannequin qui traînait pas très loin d'elle parce qu'elle ne se voilait pas la face, ce n'était pas la protection la plus efficace du monde même si il ressemblait un peu à la patoune – le sol se mit à trembler sous la semelle de ses converses. En fronçant les sourcils, Ashley observa le parquet, puis releva subitement la tête en entendant un bruit de respiration très forte, dans le genre vieux bulldog qui vient de taper un sprint. A peine eu t-elle le temps de se demander si un être humain pouvait produire ce type de son qu'Izumi Nako en personne franchit le seuil de la porte et attrapa de sa main libre la rambarde de l'escalier, l'autre étant encombrée par sa réserve de beignets à la crevette qu'il n'avait pas abandonné. Totalement concentré sur sa fuite, le chef des yakuzas n'avait même pas prêté attention à la présence d'Ashley, recroquevillée contre le mur, qui l'observa passer avec de grands yeux, le souffle coupé par la trouille.