Koryan laissa échapper un nouveau grondement rauque lorsque son cousin parvint à sauter à sa gorge pour refermer sa gueule sur sa chair.
Quelques gouttes de sang perlèrent en plus sur le sol, en même temps que les deux bêtes qui avaient bondis l'une vers l'autre pour l'assaut final tombaient lourdement à terre.
Aldéric raffermit sa prise, pesant de tout son poids sur son cousin, et Koryan devina que s'il avait été sous forme humaine de la sueur aurait dégouliné par tous les pores de sa peau.
Il était fou de rage. Comment avait il pu se faire battre aussi aisément en quelques minutes ? Il peinait à respirer en même temps que son cousin accentuait la pression de ses crocs dans sa fourrure.
Koryan savait qu'il devait gémir, exposer un peu plus sa gorge pour signifier qu'il acceptait la perte de ce combat, mais il ne parvenait pas encore à s'y résoudre. Il était un excellent soldat et il lui était même arrivé de combattre dans des arènes à des concours. Il avait pratiquement toujours gagné...
La rapidité avec laquelle Aldéric l'avait mis hors d'état de nuire ne pouvait signifier qu'une chose : l'héritier était remarquablement puissant, et encore mieux entraîné que lui-même alors qu'il n'était pas militaire.
Sans aucune pitié et ne le voyant toujours pas demander grâce, celui-ci allongea sa patte avant posée jusqu'alors sur son échine pour le griffer profondément. La douleur de Koryan s'accentua et il retint de justesse un hurlement.
Furieux, mais sachant qu'il n'avait pas d'autres extrémités possibles, il se résigna à lâcher un sourd gémissement reconnaissant sa défaite.
Aldéric ôta aussitôt ses crocs de sa gorge et recula de deux pas, le toisant de ses yeux rouges. Sa fourrure blanche était tachée, mais plus du sang de Koryan que du sien, le blessé en était certain.
Sans un grognement de plus, le loup blanc fit demi-tour, rejoignant les cabines pour se changer. Le militaire se redressa péniblement, toujours sous sa forme mutante, songeant qu'il avait décidément beaucoup de mal à accepter cette manie qu'Aldéric avait de lui montrer sa nette supériorité puis de le planter sans un mot.
Il se sentit pourtant étrangement soulagé de ce brusque départ en se traînant péniblement à son tour vers la cabine où il avait laissé ses vêtements. La haine qui brillait dans les prunelles rougeoyantes du mutant qu'il avait affronté lui avait fait peur un instant. Si lui tuait Koryan... Personne n'aurait le pouvoir de le lui faire payer.
Pour la première fois de sa vie, la terreur paralysa un instant le jeune homme tandis qu'il mobilisait ses pensées pour reprendre forme humaine. Il y parvint rapidement grâce à son entraînement, sentant l'habituel picotement sous sa fourrure suivi de la disparition progressive de ses poils et de ses griffes au profit d'une peau lisse et d'ongles plats.
Difficilement, il entreprit ensuite de se lever à l'aide des barres d'appuis fixés au mur et commença à se rhabiller, retenant des grimaces de douleur chaque fois que ses vêtements entraient en contact avec ses tissus endommagés.
Force lui fut de constater cependant qu'Aldéric l'avait relativement épargné, bien plus que lui même ne l'aurait fait si le rapport de force n'avait été inversé. Seule la dernière griffure qu'il lui avait administré était réellement profonde, s'étalant de son épaule droite au bas de son dos.
En tâchant de renfiler sa veste d'uniforme, Koryan s'efforça d'éloigner la peur de son esprit. Si lui avait été à la place d'Aldéric, c'est à dire pouvant tuer en toute impunité quelqu'un qu'il haïssait, il l'aurait fait.
Pourquoi son cousin le gardait-il en vie ? Par lâcheté ? Ou parce que sa présence à bord de ce vaisseau lui permettait d'échapper au complot de ses oncles ?
Quoi que... Aldéric n'était pas totalement libre. Les princes d'Astra étaient extrêmement puissants, et indéniablement le plus fort après l'empereur était Tancrède, son père. Il aurait été ravi d'avoir un prétexte pour s'attaquer à l'héritier, même simplement dans le domaine juridique. En plus d'être fou de rage qu'on lui ait pris l'un de ses fils.
Koryan termina péniblement de boucler son ceinturon et se redressa en retenant une grimace de souffrance pour enfin sortir de la cabine. Il serait toujours temps ce soir de régler son caisson de repos en mode réparateur pour qu'il lui arrange au moins un peu la coupure dans son dos.
Aldéric n'était évidemment déjà plus dans la salle et le jeune homme le retrouva quelques minutes plus tard au centre de pilotage. Grâce aux automatismes, il n'était absolument pas nécessaire d'être présent, mais le prince avait déjà remarqué que la seule chose capable de tirer son cousin de sa froide réserve étaient les commandes du vaisseau.
Il se laissa tomber sans un mot dans son siège, commençant à s'habituer à leur routine, et ignora le regard sombre que posait sur lui Aldéric, dédaignant les appareils de bord.
— Pas trop démoli ? demanda celui-ci avec provocation.
Koryan venait de se faire humilier, il n'allait certainement pas avoir la bêtise de relever pour se lancer dans un nouveau combat qu'il perdrait immanquablement. Il grinça des dents, baissant les yeux vers la vitre pour ne pas fixer son interlocuteur. Son regard tomba sur la photo de sa tante et sa gorge se noua inexplicablement.
— Ça ira.
Sa franchise l'obligea à préciser :
— Je dois avouer... que vous m'avez surpris. Vous êtes un combattant digne des meilleurs rangs de l'armée si vous savez manier un pistolet-laser aussi bien que vous attaquez.
Il lui en coûtait de faire cet aveu. En plus de la peur qu'il s'efforçait de contenir, Koryan ne mentait pas : il lui était difficile de ne pas admirer un tel guerrier, lui qui passait sa vie à améliorer ses techniques pour devenir le meilleur, et qui avait déjà vu bien des hommes tomber sur certaines planètes rebelles ou sur la barrière extérieur de l'empire.
S'il n'avait pas été l'héritier et son cousin détesté, Koryan aurait adoré lui proposer de se joindre à son unité et de devenir l'un de ses compagnons d'arme. Enfin, il aurait vite été muté chef d'une unité, voir commandant impérial, poste dont lui-même rêvait.
— Je déteste la guerre, lâcha alors Aldéric, le tirant violemment de ses réflexions.
Un sourire ironique éclaira les traits de Koryan. Teinté de mépris également, même s'il était moins prononcé maintenant qu'il savait que son cousin était un combattant d'excellence.
— La guerre est toute ma vie. Comment espérez vous diriger un empire galactique sans combats ?
— Je sais que c'est impossible mais ma mère avant de disparaître m'a éduqué en me montrant la beauté qu'il existe en chacun de nous. J'ai toujours été d'accord avec elle... Chaque vie humaine est plus précieuse qu'un bout de terre et vaut le coût qu'on cherche toujours à l'épargner.
Koryan haussa un sourcil dubitatif.
— Ah oui ? Vraiment ? Et les humains ? Ceux qui ne peuvent ni se changer en loup ni faire usages de pouvoirs génétiques ?
Aldéric haussa les épaules, son regard venant se fixer sur la photo de Danaé toujours collée à la surface de verre.
— Ils valent autant que vous et moi.
— Tout le monde se moquerait de vous si l'on vous entendait dire une chose pareille.
— Peut-être. Je savais bien que vous ne pourriez pas comprendre...
La colère saisit de nouveau Koryan sans qu'il parvienne à saisir d'où elle provenait.
— Ah oui ? Et pourquoi ne le pourrais je pas ?
Le regard d'Aldéric brilla, semblant jeter des éclairs, lorsque ses pupilles rougeoyantes se fixèrent dans celui de Koryan.
— Vous avez sacrifié votre sœur à vos privilèges, refusant de les remettre en cause même pour elle. Comment pourriez vous me comprendre lorsque moi je vous explique que nous sommes égaux ? Si vous le pensiez aussi, jamais vous n'auriez accepté l'exil d'Alyana dans les bas-fonds des tours... Elle est peut être morte actuellement.
Les jointures des doigts de Koryan avaient blanchies tant il les serrait nerveusement.
— Non... murmura t-il d'une voix rauque. Vous n'avez pas le droit de dire ça. Je ne voulais pas !
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Oméga T1
Science FictionT1 Alyana Année 3678. Aldéric, l'héritier de pratiquement toute la galaxie, souffre de la disparition de sa mère. Koryan tente d'oublier sa sœur. A deux, ils pourraient peut-être revenir en arrière, pour retrouver Alyana et comprendre ce qui est arr...