Koryan (Chapitre 7)

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Koryan ouvrit les yeux sans savoir tout de suite où il se trouvait. Il était allongé dans un tout petit espace blanchâtre, et une lumière clignotait à gauche de sa tête pour le réveiller assorti à une petite sonnerie désagréable.

Ses réflexes de soldat lui firent tout de suite allonger la main pour appuyer sur la poignée à sa droite proche de sa cuisse, faisant ainsi automatiquement se lever la coiffe qui le surplombait jusqu'alors et cesser l'alarme.

Il était dans un caisson de repos. Une fois celui-ci ouvert, il se redressa péniblement et s'assit au bord, ses jambes pendant dans le couloir. L'autre caisson en face du sien était ouvert, et Aldéric finissait d'enfiler un tee-shirt sur son torse nu, terminant de s'habiller.

Ils échangèrent un coup d'œil, puis Koryan grogna.

— Pourquoi tu dors ici et pas dans la cabine de commandant ?

Au léger froncement de sourcils de l'héritier et au flamboiement brusque de ses yeux rouges, il comprit qu'il venait de faire une erreur. Il se repassa mentalement sa phrase dans son esprit avant de brusquement comprendre et de se forcer à corriger à contrecœur.

— Navré du tutoiement, je n'étais pas réveillé. Croyez moi, je n'en ai pas plus envie que vous. Bref, que faites vous ici ?

Même s'il avait conscience de ne pas pouvoir dépasser certaines limites, Koryan tenait à se montrer fort, sans lâcheté malgré l'air peu amène de son cousin.

— J'ai reçu le même entraînement que vous à l'Académie et je suis toujours plus à l'aise dans un caisson de repos que dans une couchette beaucoup trop sophistiquée. Pour la douche, c'est la porte coulissante au fond, acheva le jeune homme avant de s'éloigner à l'opposé pour rejoindre le cockpit, sa veste élégante sur l'épaule.

Koryan resta stupide, assis sur place et le regardant partir avant d'écouter son pas décroître dans le couloir. Il ne s'était pas attendu à ce que l'héritier soit aussi peu... salon. Sa mère lui avait toujours parlé d'Aldéric comme d'un enfant inapte à gouverner, regrettant toujours sa mère disparue huit ans plus tôt, et incapable de survivre très longtemps au milieu des intrigues du pouvoir.

Pour la première fois, le jeune homme prit conscience du fait que son cousin avait dû survivre déjà à beaucoup de complots. Une pensée qu'il ne s'était jamais autorisée à avoir se fraya un chemin dans son esprit, semant le doute avant qu'il ne l'écarte. Aldéric pouvait-il faire un meilleur empereur qu'Erwan ? Jusque là Koryan n'avait jamais imaginé que le contraire, et il détesta cette possibilité.

Furieux contre lui-même, il se leva d'un bond, se pencha vers les tiroirs imbriqués dans le mur sous son caisson pour prendre de quoi s'habiller et rejoindre ensuite la petite salle du fond.

Elle comportait trois cabines de douche et un lavabo, le sol étant couvert de petits carreaux blancs neutre.

Koryan se déshabilla, entra dans la première et se lava rapidement avant de ressortir et de se préparer en quelques minutes. Si l'Académie donnait un aperçu de la vie militaire, l'armée avait totalement achevée d'entraîner le jeune homme à ne jamais prendre trop de temps le matin.

Or, malgré cela, Aldéric avait réussi à être debout avant lui, et cette idée l'exaspérait.

Il revint dans la pièce de repos puis franchis un couloir longiligne en passant devant différents compartiments du vaisseau, jusqu'à atteindre la poupe et la salle de contrôle. Son cousin était assis dans l'un des deux sièges, éloigné du tableau de bord où les appareils étaient suffisamment réglé pour ne nécessiter actuellement aucune intervention humaine.

En se laissant tomber sur son siège, Koryan remarqua pour la première fois une photo collée à la vitre, représentant une jeune femme souriante. Il avança pensivement la main, comme pour l'effleurer, mais un cri furieux d'Aldéric l'en empêcha.

— Arrête ça tout de suite !

Koryan fit légèrement pivoter son siège, stupéfait de cette explosion de colère. L'héritier lui avait montré la haine qu'il éprouvait envers lui, mais l'avait habitué ces dernières heures à des réactions froides et détachées, induisant une bonne dose de maîtrise de lui-même. A l'opposé de cette explosion.

— Qui est-ce ? Votre petite-amie ?

Il savait qu'il n'aurait pas dû le provoquer mais la tentation était trop forte. Aldéric parut cependant retrouver son calme, tournant son regard rouge vers les étoiles devant eux.

— Espèce d'imbécile. Vous ne reconnaissez pas votre tante ? C'est une photo de ma mère, Danaé.

Koryan se retourna lentement pour fixer de nouveau l'image. Cela faisait trop longtemps qu'elle avait disparu et il devait s'avouer n'avoir jamais regardé attentivement cette femme sur les rares photos où elle apparaissait aux côtés de son frère, Tancrède, le père du jeune homme.

— C'est à cause d'elle que vous me détestez. Parce que vous pensez que je suis responsable en partie de sa disparition... comprit-il enfin.

Il regretta aussitôt d'avoir lâché cela à haute voix. Bien sûr que sa famille était responsable ! La seule question était de savoir qui. Etait-ce ses parents ? Si c'était cela, ils ne le lui avaient jamais dit. Alors Laurent ? Ou Clarence junior ? Les possibles coupables étaient trop nombreux. L'un des princes d'Astra en tout cas, ayant tout intérêt à faire monter plutôt sur le trône Erwan, qui avait fait mille promesses pour s'allier chacun de ses neuf oncles.

— Ce n'est pas le cas ? demanda soudain Aldéric, rompant le flot des pensées se bousculant dans l'esprit du garçon.

Une brusque envie de franchise le saisit qu'il jugea aussitôt ridicule, lui qui dans n'importe quelle autre situation où il ne puisse être soupçonné, aurait dégainé son arme pour tirer à bout portant et exécuter froidement son cousin qu'il avait face à lui.

— Non. Je veux dire que je n'ai aucune idée de l'identité de celui qui a fait disparaître ma tante Danaé, si ce n'était effectivement pas un accident de vol tout simplement, ajouta-t-il un peu précipitamment.

Aldéric haussa les épaules, avant de murmurer après s'être rembruni :

— Comment vous croirais-je ? Vous avez accepté l'exil de votre propre sœur ! Accepter que l'on tue ma mère ne devrait pas vous avoir posé beaucoup de problème non plus...

Koryan eut l'impression qu'il venait de lui enfoncer dans le coeur un poignard. Une douleur telle qu'il en ressentait chaque fois que l'on parlait d'Alyana le saisit et il vit trouble pendant quelques secondes.

— Ne parlez pas d'elle.

— Ne dites rien sur ma mère.

Ils se turent ensemble et fixèrent de nouveau le ciel qui paraissait immobile devant eux, refusant d'échanger une nouvelle parole.

Quatre mois. C'était le temps du voyage, et Koryan était de plus en plus persuadé que cela allait être un enfer.

Oméga T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant