Alyana (Chapitre 27)

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Alyana regrettait depuis quelques minutes de ne pas s'être enfuie du quartier général tant qu'elle pouvait encore le tenter.

Elle était assise sur une chaise inconfortable au milieu d'une vingtaine de personnes installée de même autour d'une table de bois brut éraillée.

Alexandre se tenait derrière elle, main sur l'arme à sa ceinture, et Julien était absent de la pièce, alors qu'il était le seul qui aurait pu un peu soulager la tension qui habitait l'adolescente.

La seule à être installée dans un large fauteuil était la chef de l'organisation mais elle discutait actuellement d'un air sombre avec l'homme à sa droite, un quadragénaire au cheveux argentés et coiffés avec soin. Il jetait de fréquents coups d'œil à la jeune fille Et n'était pas le seul à agir ainsi.

Si tout le monde conversait avec son voisin, les regards semblaient aimantés vers Alyana qui s'agita sur sa chaise, sentant plus que jamais qu'elle n'était ni à sa place ni la bienvenue.

— Bon. Quelqu'un m'explique ce que je suis sensée faire ? questionna-t-elle d'une voix forte, n'y tenant plus. Je suis venue à votre réunion sans rien dire mais je ne compte pas rester toute la soirée si c'est juste pour vous voir échanger des messes basses...

Alexandre lâcha un grognement derrière elle mais l'homme aux cheveux argentés se détourna de son interlocutrice pour venir poser ses coudes sur la table et prêter toute son attention à la princesse.

À la vue de cette attitude, chacun se tut petit à petit, comme répondant à un signal invisible.

— Tiens, tiens, aussi impatiente que tous les petits nobles... Miss déteste ne pas avoir toute l'attention ?

La voix de l'inconnu n'était pas seulement méprisante : elle sentait aussi le danger, et Alyana eut du mal à résister à son envie de reculer et se plaquer au dossier de son siège pour échapper au regard pénétrant du nouveau venu pourtant assis à l'autre bout de la table.

— J... Je n'ai jamais été au centre de l'attention.

C'était un aveu difficile à lâcher, et l'adolescente tacha d'ignorer l'habituel pincement au cœur. Elle ferma les yeux, répétant des explications qu'elle avait l'impression d'avoir faites déjà trop souvent.

— Vous ne connaissez pas les miens. Les derniers sourires de mes parents dont je me souvienne remontent à mes cinq ans... Jusqu'à cette visite chez un médecin qui a déclaré que je n'avais pas le gène.

Un regard haineux de sa mère, une flamme de colère dans celui de son père... Et une claque monumentale d'Erwan qu'elle n'avait jamais oubliée. Cela avait été le résultat d'une simple visite chez un spécialiste qui s'était déplacé chez eux. Elle se souvenait encore de cette journée. Elle avait joué toute la journée avec Koryan... Il faisait beau, et sa mère l'avait embrassé lorsqu'elle lui avait apporté un petit bouquet de fleurs sauvages... Une attention qu'elle n'avait plus jamais eue après cela.

— J'aime ma famille... crut-elle bon d'ajouter. Mais eux ne m'aiment pas... Alors je finis toujours par les haïr, lorsque j'attarde mes pensées sur eux. Si vous vous inquiétez de ce que vous pouvez faire de moi... Sachez que je ne trahirai jamais votre révolution si c'est bien ce que vous préparez... Les seigneurs d'Astra m'ont trop exclue pour que je puisse leur souhaiter de conserver leur position.

L'inconnu hésita, troublé visiblement, et leurs regards se croisèrent lorsque ce fut lui qui alla s'adosser à son siège. La chef de la petite assemblée à côté de lui attendait visiblement son avis sans savoir quoi dire.

Aucune des autres personnes présentes ne semblait prête à prendre la parole, et Alyana comprit que la partie se jouerait entre ce nouveau venu et elle même.

— Je vais finir par croire vraiment que vous êtes une petite Astra... Je ne pensais pas en rencontrer un jour ici.

La jeune fille sentit qu'il la jaugeait, la tête légèrement penchée et les yeux plissés.

— Avec onze oncles... Vous devez bien savoir que nous sommes tout de même un certain nombre de princes d'Astra.

— Enfin... Si je ne m'abuse, notre bien-aimé empereur n'a pas d'enfant et votre tante Danaé est probablement morte. À son propos... Qu'avez vous pensé en apprenant sa disparition il y a quelques années ? Alors qu'il est évident que vos parents sont liés à cet événement ?

Sa voix transpirait le fiel en évoquant l'empereur mais il changea de ton et d'attitude en abordant le sujet de la mère d'Aldéric. Alyana sentit un frisson glacé la traverser et elle baissa la tête, pour laisser ses cheveux blonds cacher son regard azur. L'inconnu ne lui laissa malheureusement pas ce plaisir.

— Ne vous détournez pas pour répondre... Je veux voir votre visage.

À regret elle obéit et redressa la tête. À défaut d'avoir été acceptée par sa famille, elle conservait intact en elle une terrible volonté de paraître forte et de faire honneur à son nom, ce qui lui faisait regretter cet instant de faiblesse.

— Encore aujourd'hui, j'ignore le fin mot de la disparition de ma tante. Quant à ce que j'en ai pensé... J'ai grandis avec la certitude que mon frère aîné était fait pour régner à la place de l'héritier actuel. J'ai fais la fête autant que je le pouvais dans le palais désert – hormis les serviteurs – où je me trouvais. Et, encore aujourd'hui, je crois que je me réjouirai malgré moi si le prince Aldéric venait à mourir... Je vous l'ai dit : l'amour et la haine se disputent mon âme depuis des années, et vous n'y changerez rien.

Des cris s'élevèrent de part et d'autre de la table. Alexandre lâcha quelques mots furieux qui furent étouffés par le bruit ambiant et qu'Alyana ne comprit pas. Du reste elle ne se retourna pas, le regard toujours ancré dans celui de l'inconnu aux cheveux d'argent. Elle venait de prendre conscience que s'il la fascinait autant, c'était parce qu'elle avait l'impression de le connaître.

— Qui êtes vous ? demanda-t-elle sans se soucier des reproches haineux qui pleuvaient sur elle.

Danaé avait su conquérir les cœurs... Comme leur oncle Antoine. C'était bien les seuls princes d'Astra à savoir plaire aux foules mais Alyana ne leur enviait pas ce talent. Ses propres parents étaient bien plus puissants que le gouverneur de l'Egrabe, et ce tout en étant cordialement détesté de ceux qui les entouraient.

— J'ai servi votre père. Tancrède Astra. Et je vous ai déjà croisée princesse... Vous n'aviez pas sept ans... Mais déjà ce regard revendicateur que vous arborez aujourd'hui. Cela me permet au moins d'être sûr que vous n'avez pas menti...

Un nouveau frisson parcouru l'échine de la jeune fille. Elle ne parvenait plus à suivre ce combat verbal mais s'efforçait de tenir.

— Alors si vous savez qui je suis... À quoi tout ceci rime-t-il ?

Elle écarta les mains pour désigner tous ceux qui les entouraient et l'homme eut un curieux sourire.

— Je tâche de vous comprendre et de déterminer si vous pouvez nous aider ou non. Vous avez répondu franchement à ma question et c'est un bon point pour vous même si je n'approuve pas votre réponse... Sachez que moi même et tous ceux autour de cette table savons ce qu'est devenue la princesse Danaé. Vous ne pouvez que vous mettre chacun d'entre nous à dos en parlant d'elle comme vous le faites...

Elle eut l'impression qu'il venait de lui enfoncer un poignard dans la poitrine. Haletante et plus pâle qu'un spectre, elle se pencha vers la table pour reprendre la parole dans un souffle bas que tout le monde perçu puisque le silence était retombé.

— Et... Pouvez vous me révéler cette vérité que vous affirmer connaître ?

Elle avait peur sans savoir pourquoi. Qu'en avait elle à faire d'apprendre l'histoire de sa tante, et ce uniquement s'ils disaient la vérité ?

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 15, 2018 ⏰

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