Koryan (Chapitre 4)

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Koryan se contenta de grimacer. Il n'avait pas visité tout le vaisseau mais celui ci devait bien avoir la place de loger deux personnes et d'assurer leur subsistance pendant quatre mois malgré sa petite taille.

Décidément, il détestait la situation.

— A cause de vous, je vais perdre ma formation avec mon commandant. Je ne monterais pas en grade avant plus d'un an du coup... grogna-t-il.

Son cousin lui lança un coup d'œil bref avant de revenir aux derniers réglages des appareils de bord devant eux.

— Si vous n'avez pas peur de vous faire massacrer par la personne que vous désirez tuer, je peux vous entraîner.

Koryan lança un regard à son tour méprisant à son cousin.

Il avait beau jouer au fier et savoir visiblement se débrouiller dans un appareil sans serviteur, le jeune homme ne l'imaginait pas capable de battre un soldat de carrière.

— Je ne désire pas votre mort bien que je ne vous porte pas dans mon coeur... Et c'est moi qui vous massacrerait. Nous allons donc éviter, parce que je n'ai pas envie de me faire démolir par votre oncle, l'empereur.

Notre oncle, se contenta de rétorquer Aldéric avant de se pencher pour enclencher une manette proche du sol.

Un léger vrombissement se fit alors entendre en même temps que les quatre moteurs de l'appareil se mettaient en marche. Koryan prit brusquement conscience que dans quelques minutes il ne pourrait plus faire demi tour et serait vraiment lancé pour un voyage d'environ quatre mois avec la personne qu'il projetait de tuer en famille depuis ses treize ans, quoi qu'il en dise par ailleurs...

L'héritier se redressa alors et reprit la parole, tout en appuyant sur une touche de l'écran de bord pour ordonner la fermeture des portes extérieures.

— Il est assez dur à vivre je reconnais. Mais je crois qu'il m'apprécie à peu près autant que vous... donc cessez de me parler de lui comme si nous avions un lien particulier. Autre chose, arrêtez de croire que je ne peux pas me défendre seul. Si je perds un combat contre vous, j'en serais quitte pour un mois en caisson réparateur pour me remettre sur pied, voilà tout. Je ne pense pas que cela soit le cas cependant...

— Alors j'accepte votre proposition de – comment dites vous cela ? – ah, oui, m'entraîner. Nous verrons bien en combat singulier qui est le meilleur de nous deux.

Aldéric hocha froidement la tête, remettant d'un geste de la main ses immenses cheveux blancs en place dans son dos.

— Nous verrons. Lorsque nous aurons bien démarré et que le vaisseau sera sur une trajectoire stabilisée, nous brancherons le pilotage automatique.

Koryan accepta, jetant un coup d'œil à travers la vitre en face de lui. Le chignon serré qui lui retenait les cheveux lui allait bien, accentuant son air décidé, mais ce reflet ne suffit pas à amener un sourire à ses lèvres.

Il avait peur, terriblement. D'Aldéric d'abord, mais plus encore de sa famille. Ils n'allaient pas attaquer, ils n'allaient pas mener à bien le complot... Ils n'allaient pas le mettre en danger.

Il en était absolument certain un moment, avant que ses doutes ne reviennent le hanter plus fortement.

— Avez vous un dernier adieu à faire à Papa-Maman ? Ou à votre chérie peut-être ? demanda alors d'un ton narquois Aldéric, tirant violemment le jeune homme de ses pensées.

Il rougit, furieux, et sentit un picotement désagréable l'envahir. Le bout de ses ongles changea légèrement de couleur et il laissa échapper un grognement. Non. Pas de mutation maintenant !

Il se contint à temps, et secoua la tête en signe de dénégation sans prendre la parole pour répondre.

Aldéric cliqua alors de nouveau sur l'écran, sans plus sourire, établissant la communication avec l'une des tours de contrôle de la gigantesque station de départ.

— Allo, ici YoayiS, l'appareil de Aldéric Astra. Je demande l'autorisation de décoller...

Koryan lui glissa un coup d'œil sans compléter. À la place de son cousin, il aurait précisé son titre, rien que pour leur rappeler qu'ils n'avaient pas intérêt à lui donner une réponse négative, de toute façon. Mais Aldéric ne lui ressemblait pas, et la réponse de la tour ne tarda pas à leur parvenir.

— Demande enregistrée. Vous pourrez décoller sur la piste où vous vous trouvez, la quatorze, lorsque les trois appareils qui sont en manœuvre auront terminé, d'ici quelques minutes...

Si la vitre haute du vaisseau ne permettait pas de distinguer la piste, les caméras internes renvoyaient des images similaires à celles que Koryan gardait en tête : une foule suffocante se pressant sous la chaleur et des vaisseaux atterrissant et décollant dans tous les sens. L'appareil de l'empereur, le plus gros de toute la planète, avait décollé depuis une heure, et depuis tout son entourage suivait à intervalle régulier, prenant la direction de Positum.

Les deux jeunes gens patientaient depuis à peine un instant lorsque la voix du contrôleur aérien repris à travers les haut-parleurs du vaisseau.

— Allo ? Voie dégagée. Veuillez confirmez votre départ...

Aldéric enclencha un levier et rapprocha son fauteuil au plus près de la vitre et de la lunette réglable. En surprenant le regard heureux qu'il eut pendant un instant et qui le transfigura, faisant de lui un autre homme pendant quelques seconde, Koryan comprit que son cousin aimait passionnément le pilotage.

— Confirmé, lâcha celui-ci tranquillement.

Il venait d'appuyer sur une dernière touche et le vaisseau commença immédiatement à s'avancer sur la piste porté par son fin coussin magnétique. Koryan attacha précipitamment sa ceinture, tandis qu'Aldéric éteignait la connexion avec la tour de contrôle pour se concentrer sur sa manœuvre.

L'appareil prenait de la vitesse entre les mains solides de l'héritier et, bientôt, il commença lentement à s'élever avec grâce, bien plus en douceur que si Koryan l'avait conduit, pour brusquement démarrer sa course à l'assaut du ciel, actionnant les moteurs d'appoint.

Le soldat se sentit plaqué au fond de son siège, incapable de respirer tandis que le vaisseau s'enfonçait toujours plus haut dans les nuages, mais Aldéric ne paraissait rien ressentir de tout cela, laissant même exploser un cri de joie.

— Yeah !...

Il enclencha ensuite l'air pressurisé, et déclencha le mécanisme permettant de faire passer les moteurs d'appoint en aide interne, pour le confort intérieur, plutôt que pour la vitesse du vaisseau qui n'était plus nécessaire maintenant qu'ils avaient décollé.

Il leur faudrait encore quelques minutes pour atteindre le noir de l'espace, mais en attendant Koryan ne pouvait plus se faire d'illusion : il était prisonnier pour quatre mois de cette coque de métal et de son dangereux et insupportable pilote.

Oméga T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant