14. Dans le noir

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Musique : "The Shadow out of Time" (HP Lovecraft) - Graham Plowman


   Ethan, Haris, Kelilt, Lorik et Devlin avaient tous eues une longue vie préservée par la magie et leurs capacités. De longues vies durant lesquels ils avaient participé à des batailles contre des humains mais aussi contre une foule de créatures hideuses qui les avaient marqués à vie et avaient fait d'eux des hommes à l'esprit robuste. Chacun d'eux pensait avoir vu les pires horreurs de ce monde et avait de très bonnes raisons pour cela. Mais ce qu'ils virent dans cette sombre église abandonné des vieux quartiers de Barn, dépassait de très loin tout ce qu'ils avaient pu imaginer. L'horreur indescriptible qu'ils purent voir, sentir, et combattre les avaient changé pour le restant de leurs jours et un autre esprit que le leur ne l'aurait pas supporté. N'aurait pas pu concevoir qu'une telle chose puisse exister en dehors des plus horribles cauchemars d'un dément. Si bien que plusieurs d'entre eux tentèrent par la suite d'occulter ce passage de leur mémoire sans pour autant pouvoir échapper aux terribles songes qui les réveillerais certaines nuit sans lunes où les nuages couvriraient les étoiles.

   Lorsqu'ils arrivèrent devant le sinistre bâtiment et décidèrent en s'échangeant des regards inquiets de pénétrer à l'intérieur, ils s'attendaient tous au pire mais ils n'étaient pas au bout de leurs peines. L'intérieur de l'église était terriblement sombre. Sombre était pourtant un mot bien faible pour décrire les ténèbres insondables qui les avaient avalés. La lumière du soleil couchant brillait encore dehors et était visible lorsqu'ils regardaient vers la porte. Mais aucun rayon ne pénétrait à l'intérieur. Comme si un voile malfaisant empêchait toute réfraction par-delà la porte. Leurs yeux ne distinguaient aucune forme, aucune silhouette, aucun meuble ni aucun mur quel qu'il soit tandis que la lumière était visible à quelque dizaines de pas. La sensation était terriblement oppressante. Mais ce ne fût pas l'inefficacité de leurs yeux qui les plongea dans la panique. Car leurs autres sens surnaturels tels que la perception de psions ambiants ou la réfraction d'ondes ne fonctionnait pas non plus. C'était comme s'ils venaient de pénétrer dans un immense espace vide ou il n'y avait ni magie dans l'aire, ni surface pour réfléchir les ondes électromagnétique. Mais ce n'était pas cela. Car leurs propres corps eux existait pourtant ils ne se percevaient pas les uns les autres. Seuls les sons semblaient ne pas être avalés par l'obscurité. Entendre les voix de leurs camarades d'infortunes était très réconfortant et leur permettait de se sentir moins seuls. Cependant, mis à part la porte entrebâillée qui rétrécissait derrière eux, ils n'avaient aucun point de repère de l'espace et ne savaient même pas à quelle distance ils se trouvaient les uns des autres. Il était pourtant évident qu'ils se dispersaient. Kelilt et Ethan tentèrent de produire de la lumière sans grand succès, ni les flammes ni quoi que ce soit ne semblait pouvoir éclairer une quelconque surface et les lueurs elles même s'évaporaient après quelques pas seulement. Plus ils avançaient, plus la panique et le sentiment d'isolation les gagnaient. La notion de groupe n'avait plus aucun sens à présent.

   A intervalles réguliers, Ethan se retournait pour jeter un œil à l'extérieur, sans doute pour se rassurer. Mais lorsqu'il le fît cette fois, il vît l'espace d'une seconde une vague silhouette à la forme tout à fait révoltante se dessiner dans l'embrasure de la seule sortie qui devait être à plus de deux cents coudées maintenant. Puis son cœur manqua un battement. Comme s'il venait de prendre conscience de la situation en sortant d'une transe fébrile. La porte venait de se referme en claquant violement. Les vois éloignés de ses camarades lui parvenaient vaguement de tous les côtés. Toutes ses perceptions semblaient faussées. L'église ne faisait même pas la moitié de la distance parcourut. Tout ceci n'avait aucun sens et pourtant cela ne pouvait être que réel car la magie ne peut altérer les sens d'un armagicien. Il portait toujours son épée à la main et la pâle lueur de la flamme bleue qu'il percevait comme à travers un épais voile noir le rassurais et lui donnait l'illusion de ne pas être totalement désarmé face à ce néant. La seule chose qui lui parvenait désormais était la sensation du sol sous ses pieds qui semblait étrangement flasque depuis quelque temps. Plus il avançait, plus il avait l'affreuse impression de marcher dans de la vase. Soudain, tandis que sa rune de perception restait muette à ses appels, une terrible odeur lui parvînt. Elle était âpre et affreusement plus piquante de celle du poisson en décomposition. Les relents de mort lui soulevaient littéralement l'estomac lorsqu'il sentit une détestable présence lui effleurer la jambe. Il sursauta et s'écarta immédiatement. Il était certain d'avoir touché quelque chose. Ou plutôt quelque chose l'avait touché. Puis il se mit à entendre des bruits de pas étouffés à plusieurs reprises et venus de plusieurs directions. Il aurait donné cher pour y voir quelque chose. L'armagicien se faisait violence pour garder le contrôle sur sa respiration qui ne cessait de s'emballer à chaque nouveau bruissement feutré.

Blue Sword (Tome 2) - Haunted WorldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant