Au tout début...

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Il n'est pas facile en tant que jeune étudiante fraîchement sortie de l'école de Journalisme de trouver un travail dans un secteur aussi saturé que le nôtre.
Pourtant mon directeur d'école, m'avait déjà proposé d'aller faire un stage dans une société de la place.
Je n'étais pas trop tentée parce que ce que je voulais moi c'était d'être une journaliste reconnue, une sorte de petite star de l'écran. Je ne voulais pas être dans une entreprise où personne ne me verrait à la télévision. Je ne voulais pas rester dans l'anonymat et demeurer inconnue. Le destin, cependant est infaillible. Après être passée dans différents médias sans réel résultat ni contrat ni salaire conséquent, j'ai décidé un jour sur un coup de tête d'appeler le Monsieur avec qui mon directeur d'école, Monsieur Tall, m'avait mis en rapport pour effectuer un stage.
Sur mon lit, téléphone entre les mains ou plutôt, cette chose qui me servait à appeler et répondre, j'ai composé avec beaucoup de difficulté le numéro de celui qui serait mon futur patron.
J'entendis la tonalité de l'appel au bout du fil, je n'étais ni stressée ni paniquée. Je ne m'attendais ni à une réponse positive ni à une négative. Je me disais juste que Dieu fera le mieux pour moi. Il décrocha.
-Allo oui. Dit-il. Une belle voix, un peu rauque.
-Allo oui, Monsieur Dramé, Sophia Ndiaye à l'appareil. Je vous appelle de la part de Monsieur Tall de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Dakar.
-Ah oui. Bonjour Mademoiselle.
-Il m'a dit de vous contacter dans l'espoir que vous m'offriez l'opportunité d'effectuer un stage au sein de votre entreprise en tant que journaliste.
-Oui, oui. Il m'en avait parlé. Vous savez quoi? Attendez la fin du mois parce que là je m'apprête à aller à Paris. Rappelez à la fin du mois et je vous fixerai un rendez-vous.
-D'accord Monsieur Dramé. Au revoir.
-Au revoir Mademoiselle Ndiaye.
Il raccrocha et moi aussi. Je me suis dit qu'il semblait gentil. Quelque soit sa personnalité, ce qui est sur est qu'il avait une belle voix.
A l'époque, j'étais tellement épuisée à force de vouloir trouver un travail descent qui me permettrait de subvenir à mes besoins et à celles de ma famille. Notre situation financière n'est pas du tout rose. Nous peinons à joindre les deux bouts et en tant que fille aînée de la maison, notre pauvreté me pesait lourdement. Mon rêve est de sortir mon père, ma mère, ma petite soeur et mon petit frère de cette misère qui constituait notre quotidien.
"Neyla, tu as pu joindre le Monsieur dont tu me parlais ?", entendis - je ma mère me demander. Sa question m'extirpa de mes pensées.
-Oui, il m'a dit de venir à la fin du mois. Ai-je répondu.
-Ah Dieu est Grand. Je prie pour qu'il te donne ce travail et que cela ouvre les portes de ta réussite ma fille. Moi qui suis ta mère, je suis épuisée, fatiguée et je ne sais pas quand tout cela se terminera.
-Maman, Dieu est Grand tu l'as dit, un jour tout cela que de mauvais souvenirs et des histoires que nous raconterons en riant.
-Je l'espère ma fille, je l'espère. J'ai sacrifié toute ma vie pour vous mes enfants. Je ne vais pas à des cérémonies, je n'achète ni or ni habits riches. Tout ce que j'ai sert à vous nourrir, vous vêtir et payer vos écoles.
-J'en suis consciente maman. Même si je fais beaucoup d'erreurs et de bêtises , je suis consciente de tes sacrifices.
-Oui je sais que tu es une battante. Donne moi ma pochette et pars acheter du poivre à la boutique, il n'y en a plus dans la cuisine.
Je me suis alors levée pour aller à la boutique. Nous habitions dans un immeuble de 5 étages situé dans le quartier mythique de Colobane. Comble de tout, il n'y avait pas d'ascenseur, je faisais des va et vient plusieurs fois dans la journée pour aller à la boutique, au marché, faire mes courses personnelles, au fil des mois je m'étais habituée aux escaliers. Maman, non. Le poids de l'âge y jouait aussi, de ce fait elle ne sortait que rarement, parfois une fois dans la journée, parfois pas du tout.
Quand je descendais de l'école elle m'appelait pour me demander de faire tous les achats dont elle aurait pu avoir besoin car elle ne pouvait pas descendre les escaliers.
Nos amis et familles avaient même du mal à nous rendre visite car appréhendaient la hauteur et les marches.

J'aimais bien cet immeuble moi, par contre même si maman et moi n'habitions que dans une chambre où il y avait un lit, un matelas, un fauteuil et une télé. La pauvreté était passée par là. Mon petit frère et ma petite soeur habitaient quant à eux, avec papa dans la grande maison familiale. Moi, je ne voulais pas abandonner maman suite à son divorce d'avec papa. Elle avait décidé de mettre terme à son ménage, elle avait décidé de se battre seule et moi j'avais décidé de la soutenir éternellement peu importe les étapes de sa vie. Le fait d'avoir habité ensemble seules, dans une minuscule chambre nous a rapprochées, nous sommes amies et confidentes. Nous sommes solidaires et unies.
Les jours s'écoulèrent et la fin du mois arriva. 15 jours après le coup de fil que j'avais donné à Monsieur Dramé. C'était le moi de Mai, alors je le rappela un matin, il me demanda de passer l'après-midi, c'était un mercredi d'ailleurs. Mercredi, mon jour porte - bonheur. Je n'avais rien dit à ma mère car je ne savais pas comment se passerait l'entretien ni qu'est ce que j'allais en tirer. Je ne voulais pas qu'elle y fonde trop d'espoir pour être déçue par la suite.
Ce jour là, je portais une jupe rouge et un chemisier blanc. Le rouge est ma couleur porte bonheur, je la porte toujours quand je veux avoir quelque chose et pour ce rendez-vous je n'avais pas failli à ce rituel qui m'est propre.
Avant d'y aller, je suis passée voir mon copain, Georges. Il m'a toujours soutenue que cela soit dans les études ou dans le domaine professionnel. Le voir me donnait de la force, du courage et une confiance inouïe en moi. Car il me disait toujours "tu vas y arriver".

Et comme toujours, Georges m'avait prodiguée des conseils sur ma façon de parler, de me comporter et m'avait même demandé si j'avais déjà fait des recherches sur l'entreprise en question. Bah non, je n'y avais pas pensé, alors il m'a prêté son ordinateur et grâce à lui j'ai pu faire des recherches rapidement.

Recherches qui m'ont servi car une fois dans le bureau de Monsieur Dramé, la première chose qu'il m'a demandé après les salutations c'était "Mademoiselle Ndiaye connaissez-vous Africa Infos?". Evidemment, j'étais fière de répondre par l'affirmative.

-Oui, Monsieur Dramé j'ai eu à faire quelques recherches sur votre chaîne de télévision que je suis d'ailleurs très souvent. Je connais des émissions telle que ''Africa Economie" ou encore ''La marche du développement". Je vous suis souvent. Ai-je répondu avec une confiance en moi qui me dépassait.

-Ah c'est bien ça Mademoiselle. Avez-vous déjà eu à faire des stages ailleurs.

-Oui j'ai été au Jounal Online, à Canal 7 Radio en tant que journaliste. Je me suis également essayée à l'animation musicale au sein de Chérie Fm Dakar.

-Bien, pourquoi avez-vous choisi ce métier?

J'adore cette question et j'adore y répondre.

-Vous savez, depuis que je suis à l'école primaire, mes maîtres et maîtresses d'école me disaient que j'avais une bonne plume. J'ai toujours aimé écrire, j'ai grandi dans un environnement où mon père nous a initiés très tôt à la lecture. Au fil du temps, à force d'écrire je me suis dit que je pourrais être journaliste en plus je suis curieuse, j'aime aller vers l'information.

-Avez-vous une référence dans le métier.

-Oui, la journaliste sénégalaise Minielle Barro Seye.

-Bien Mademoiselle vous pouvez commencer dès Lundi prochain en tant que stagiaire. Vous aurez un salaire de 100000 francs Cfa.

-Merci Monsieur Dramé...

-A Lundi.

-In Shaa Allah.

Je suis partie en disant au revoir à Monsieur Dramé avec une joie indescriptible! Heureuse parce que j'allais avoir pour la première fois de ma vie un salaire de 100000 francs moi qui étais tellement heureuse de ramener ne serait-ce que 10000 francs Cfa à la maison, j'aurai désormais 10, 10000 francs chaque fin du mois. Un tel salaire en tant que stagiaire, je me demande combien doivent être payés ceux qui ont des contrats dans cette entreprise. Super! Je n'espérais pas autant. Je voulais retourner chez Georges, mon porte-bonheur mais j'étais trop pressée d'apprendre la nouvelle à maman. Je voulais l'appeler mais je n'avais pas d'unités dans mon téléphone.

J'ai sauté sur le premier car rapide que j'avais vu. Une fois à l'intérieur je me disais que la première chose que je ferai avec mon salaire, c'était tout d'abord d'arrêter de prendre ces cercueils sur pneus.

-Passe, passe, passe! Cria l'apprenti.

Les passagers donnèrent des pièces entre 50 et 100 francs Cfa. Certains donnaient des billets ou des pièces de 500, attendant la monnaie.

-Hey "aparenti", le prix du transport est de 75 francs et je t'en ai donné 100, rends-moi ma monnaie, dit tout d'un coup une vieille. Une vendeuse de poissons plus précisément, elle était assise dans le car accompagnée d'un panier qui sentait les tripes de poissons tout tacheté de sang.

-Mère, le "pass" est de 100 francs vous êtes montée à Grand-Dakar et vous partez au centre-ville. C'est à 100 francs. Répondit l'apprenti sur un ton quasi-irrespectueux.

-Bilahi à cause de votre impolitesse vous allez durer dans le métier d'apprenti de car rapide, vêtu de vos pantalons sales et troués. Vous n'avez aucune vergogne. Riposta la vieille en n'oubliant pas de proférer des insultes.

Et c'était toujours ainsi dans les transports en commun, chamailleries et disputes entre chauffeurs, apprentis et clients. Dès fois les coxeurs s'y mêlaient. Le tout dans un brouhaha indescriptible accompagné du son des claxons de voiture, du hurlement des vendeuses de rue et des insultes qui sortaient de la bouche des chauffards impolis.

Oser L'Amour Au Bureau (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant