Cherchez-vous un parfum mademoiselle...

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Mes premiers jours au sein de la rédaction n'étaient pas compliqués, je prenais de plus en plus goût à mon travail. Je faisais des progrès dans ma manière d'écrire des articles et je le sentais. Sur le plan personnel, je changeais, j'essayais de ressembler de moins en moins à cette petite fille qui vient de sortir de l'école. Ce n'était pas facile, cependant, le plus dur était de m'habiller chaque matin pour aller travailler.

Trouver des habits corrects à porter était un véritable combat pour moi. Je n'avais pas d'habits, je le savais, j'en étais consciente et je n'avais pas les moyens financiers pour en acheter.

Etant avec une mère qui ne travaillait pas, il m'arrivait de partir en reportage et que les organisateurs donnaient aux journalistes le prix du transport. Je prenais tant qu'il ne s'agissait pas de faire une longue queue pour l'avoir, je suis pauvre mais digne. Je ne partais pas en reportage pour avoir de l'argent mais plutôt pour avoir des informations et faire mes articles comme il se devait.

Quand par chance, j'avais de l'argent, je ne pensais pas à acheter des habits car je voulais les donner à ma mère pour qu'elle puisse aller au marché et cuisiner. Mon habillement n'était pas ma priorité. Bien qu'au bureau, je voyais que les filles s'habillaient élégamment, je me disais que j'attendrais mon salaire pour m'acheter de nouvelles choses, des habits, des chaussures, changer ma coiffure.

Cela ne m'empêchait quand même pas d'envier mes collègues femmes qui s'habillaient comme des reines même si elles n'étaient pas plus belles que moi. Ceci est mon point de vue.

Dans notre pays, dans ce monde d'ailleurs, je crois que les gens sont respectés en fonction de ce qu'ils portent. On en oublie le cœur et l'âme de la personne qui est en face de nous. Tout ce qui intéresse aujourd'hui c'est la marque du vêtement porté, le prix du tissage sur la tête, le coût du parfum, le prix du rouge à lèvres exorbitant alors que cela ne nous va même pas...

Malheureusement je suis tombée dans une entreprise où le Directeur tenait à l'image, plus qu'au travail peut-être. Jusqu'à présent je ne sais pas.

En tout cas, ce qui était sur est que je restais à ma place, un peu timide car j'essayais de savoir dans quel milieu je suis. J'essayais tant bien que mal de connaître la personnalité des personnes avec qui je partageais ce milieu.

Après deux semaines au sein d'Africa Info, le Directeur me fit appeler dans son bureau.

-Bonjour Mademoiselle Ndiaye. Asseyez-vous.

A cet instant précis, j'essayais de me rappeler quel type de bêtises j'avais commises pour mériter qu'il me fasse appeler dans son bureau. J'étais là assise mais j'étais angoissée.

-Alors et le travail ça va?

-Oui Monsieur, ça va bien.

-Mademoiselle Ndiaye si vous voulez durer dans cette entreprise, il faut que vous changiez votre façon de vous habiller! Nous ne sommes pas à la plage ici.

Il faisait sûrement référence au top que je portais, qui ressemblait plus à un sous-vêtement qu'autre chose. Je le savais, je savais que ce que je portais n'était ni bien, ni correct encore moins présentable, mais c'est ce j'avais. Sa remarque me fit mal mais je ne dis rien j'ai juste dit "d'accord''. Il continua...

-Et puis, cherchez-vous un parfum pour sentir bon. Merci c'est tout.

Je ne savais pas quoi répondre, je me sentais humiliée, dénudée car il avait sous-entendu que je sentais mauvais. A cet instant précis, mille et une question se bousculèrent dans ma tête: je sens mauvais? Est ce que je dérange mes collègues? Pourquoi ma mère ne m'a jamais rien dit à ce propos? A quel point je sens mauvais?

Je sortis de son bureau pour entrer dans les toilettes. J'ai beaucoup pleuré et ses mots résonnaient dans ma tête comme des coups de marteaux. Je me répétais que je sentais mauvais, je m'habillais mal et je me disais que si je n'étais pas pauvre je n'aurai peut-être jamais entendu cela. Si je n'étais pas pauvre j'aurai eu des habits corrects et beaux à porte. Et je pleurais. D'habitude je ne pleurais pas à cause de cela mais étant une personne digne et fière, ces mots-là avaient pénétré mon âme et déchiré mon cœur.

Pourtant ce n'était pas la première fois que l'on me disait "khana amo lo sol, tu n'as pas d'habits à mettre", surtout les filles que je considérais à l'époque comme mes amies. Il y a des personnes: amies, copines ou cousines qui semblent être dans ta vie que pour souligner les erreurs et attendre tes faux-pas pour en rire. Jusqu'à aujourd'hui il y a des personnes comme cela dans ma vie...

Je sortis finalement des toilettes, arrivée là où je devais m'asseoir j'ai failli juste prendre mes affaires et fuir parce que j'avais honte. Mais, je me suis dit que je ne pouvais pas me permettre de fuir à la première contrariété, au premier critique, que si je voulais arriver quelque part dans ma vie professionnelle, je devais apprendre à prendre sur moi et à ne plus pleurer.

A ne plus pleurer, c'est tellement difficile... A l'école on nous tire des balles à blanc, dans l'entreprise on nous tire avec des balles réelles.

Là je venais juste de sortir les premières larmes car par la suite j'en ai beaucoup, beaucoup sorties...

Oser L'Amour Au Bureau (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant