Et il me cria dessus! (SUITE...)

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Ousmane le cameraman m'extirpa de mes rêves en me faisant savoir qu'il avait fini de prendre des images pour le reportage.

-Ah super, nous avons assez d'éléments je crois, cependant nous n'avons pas pris les partenaires à l'organisation de l'événement, ai-je dis.

-Oui c'est vrai, mais si nous les prenons peut-être que nous ne pourrions pas les insérer dans l'élément final.

-C'est vrai aussi, ce n'est pas intéressant de prendre des personnes en interviews et qu'en retour ils ne se voient pas sur l'écran. 

Nous parlions en rangeant le trépied, le micro et les fils dans un sac. Ousmane, comme tous les cameramen, avait toujours sa caméra par devers lui. D'abord parce que c'était fragile, ensuite ils peuvent se retrouver face à un événement qu'il faut filmer précipitamment et enfin c'est cher, si ils le cassent, ils seront obligés de les rembourser.

Je n'étais pas du tout pressée de quitter cet hôtel, mais je ne pouvais pas y rester  tout simplement parce que je n'avais pas de l'argent sur moi pour rentrer seule.

Donc, j'étais là à marcher vers la voiture où le chauffeur était resté pour nous attendre.  

-Vous retournez au bureau? Demanda Pape qui nous avait ouvert la porte de la voiture.

-Non, moi je rentre directement chez moi tu peux me déposer s'il te plaît? Je crois qu'Ousmane lui, doit retourner au bureau pour déposer son matériel. N'est-ce pas Ousmane?

-Effectivement, je ne peux pas rentrer avec eux, c'est contre les chartes de la maison.

Sur la route, je contemplais les lumières de Dakar, je voyais des personnes marcher, certaines seules, d'autres en groupe. Des groupes de jeunes qui parlaient à haute voix, s'esclaffaient, se donnaient des tapes quelque fois. Ces jeunes semblent tellement profiter de leur jeunesse contrairement à moi. Parfois, je voulais sortir, prendre du bon temps comme les jeunes de mon âge, aller en boîte de nuit ou au restaurant. Je ne pouvais pas parce que je n'avais pas les moyens, pour sortir il fallait de l'argent, avoir de quoi porter ou bien avoir des amies avec qui sortir. Les peu d'amies que j'avais était dans la même situation que moi. Nos seuls loisirs étaient de nous voir entre nous chez l'une ou l'autre. Les rares fois où nous pouvions aller en boîte c'était parce que nous étions sûres qu'il n'y avait pas d'entrées à payer et croyez-moi nous galérions pour avoir de quoi payer le taxi afin d'y aller.

Heureusement nous n'étions pas moches, il nous arrivait de tomber sur des hommes riches qui nous invitaient de temps à autre. Nous faisions toujours exprès de partir aux rendez-vous en étant deux ou trois. De ce fait, nous étions sûres qu'il allait non seulement nous payer de quoi manger mais il n'y avait aucune chance qu'il puisse se passer quelque chose. Le pire, c'est lorsque des hommes affamés de sexe, à la quête de jeunes filles invitaient l'une d'entre nous chez lui.

Nous nous passions le mot, nous préparions à y aller et faisions en sorte d'y aller toujours en nombre. L'homme qui s'attendait toujours à voir une fille, se retrouve face à une fille accompagnée de ses amies. Ainsi, il se retrouvait à acheter plus de boissons ou de la nourriture, à augmenter le prix du transport au retour et n'avait surtout pas l'opportunité de profiter de sa "proie" comme il avait prévu ou souhaité.

Yacine est ma sœur, Penda est ma meilleure amie. Nous avions d'autres copines qui étaient là avec nous, partageaient nos frustrations et peines, nos délires et disputes, nous nous consolions quand nous avions des problèmes avec nos petits-amis et nous nous entraidions  durant les périodes difficiles. C'était cela l'amitié et c'est toujours cela l'amitié.

L'amitié ce n'est pas la relation que nous avons avec une personne parce qu'on la voit, l'entend, reçoit des cadeaux d'elle tous les jours. L'amitié c'est cette capacité qu'ont deux personnes de s'entendre à merveille après être restées de nombreuses années sans s'entendre ni se voir. Cette capacité que deux personnes ont à se confier leurs moindres secrets sans peur ni manque de sincérité. L'amitié c'est ce sentiment qui te pousse à ne penser qu'à une seule personne précise lorsque nous sommes dans le tourment. Ces personnes qui sont là pour nous, qu'elles soient proches ou éloignées.

Dès fois nous avons tendance à confondre l'amitié ''kharito" et copinage ou camaraderie "andando''. Ce sont des notions qui sont totalement différentes parce que nous pouvons avoir de nombreuses connaissances, de multiples camarades mais les vrais amis ils sont peu nombreux et nous les reconnaissons en période difficile. Nous les reconnaissons parce que nos amis peuvent nous critiquer et nous juger, mais toujours en privé, devant les autres ils nous défendent toujours. Les vrais amis  ne nous dénigrent pas, ne nous jettent pas en pâture et surtout ne nous humilient pas devant les autres. Nos vrais amis nous pouvons les reconnaître et compter sur eux peu importe les circonstances, peu importe nos actes manqués ou non, peu importe notre richesse ou pauvreté.

Là sur la route de ma maison, je philosophais sur l'amitié, parce que je n'étais certes pas riche, mais j'avais et j'ai toujours de vrais amis sur qui compter, ces épaules sur lesquelles je pourrais toujours reposer ma tête pour l'alléger de mes peurs et tourments, ces personnes à qui tu parles sans t'auto-censurer parce que tu as peur d'être incomprise ou jugée. D'ailleurs je vous fais un coucou à vous mes amis et je sais que vous allez vous reconnaître.

Arrivée à la maison, j'étais encore plus découragée qu'au moment de partir en reportage. J'avais le vague à l'âme. Je pensais à ma mère, je vais demander à papa de me prêter son téléphone pour l'appeler et savoir comment elle se sentait.

C'est fou ce qu'ici à la Médina, les gens peuvent rester toute une journée devant leurs maisons, en partant ils sont là et en revenant je tombe sur les mêmes têtes. Je me demande si ils ont quelque chose à faire de leurs journées ou pire de leur vie.

Ahlala, il n'y a pas de lumière ici. Je déteste l'obscurité. Avant j'aimais bien le noir, avant que ma vie ne se transforme en tourments... Maintenant j'ai peu du noir, car je ne vois aucune lumière dans ma vie, donc, le fait de voir des lampes allumés me donnent de l'espoir en quelque sorte, cela me rendait heureuse.

Ce n'est pas que j'exagère mais cette maison ressemble à un repère de fantôme avec cette obscurité. Pourtant quand nous l'habitions il y avait des lampes partout, ma mère a  horreur du noir. 

-Papa pourquoi les lampes sont éteintes? C'est la première question que j'ai demandée en rentrant dans la chambre de papa.

-Tu sais ici nous faisons du ''trapèze d'électricité".

-C'est quoi trapèze?

-C'est à dire que nous avons des impayés d'électricité, c'est la raison pour laquelle à la nuit tombée nous n'allumons pas les lampes car il y a des agents de la SENELEC qui rôdent le soir pour voir qui "trapèze" ou non. Ils savent exactement quelles sont les maisons qui payent normalement et celles pour qui le courant a été coupé.

-Ah ok, je vois. Pourquoi vous ne payez pas l'électricité? Vous n'avez pas d'argent?

Oser L'Amour Au Bureau (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant