Expulsion

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Ainsi, Yacine était venue habiter chez moi. Comme nous avions souvent besoin d'argent, alors nous nous mettions à vendre des beignets et des jus durant le mois de ramadan pour avoir de quoi acheter des petites choses et participer à la dépense quotidienne.

Maman faisait les jus, les beignets et nous, nous étions chargées de les vendre. Le fait d'avoir vécu cela ensemble, d'avoir dormi sur le même matelas a fait que nous sommes devenues non seulement des amies mais aussi des sœurs.

-Allô Yacine?

-Allô ma puce, comment tu vas?

-Ça va super et toi?

-Pareillement. Dis j'ai besoin de fringues qui sont classes et jolies.

-Ah oui? Boy, mes habits sont trop petits pour toi.

-Shii, regarde rek tu en verras que je pourrais porter.

-Hum, je peux voler ceux de ma cousine sans qu'elle ne s'en rende compte. Tu en as besoin pour quand?

-Aujourd'hui même. C'est grave urgent sister.

-Wa mais je suis à Yoff dé! Tu es où toi? 

-Hum, je suis au bureau au point E.

-Ah je dois venir là-bas dans une heure de temps.

-Shii je ne peux pas attendre une heure de temps, diapp si rek. Aides-moi.

-Sheeu... Wa d'accord , j'arrive.

-Tu prends un taxi ou un bus?

-Un taxi, on m'a invitée au restaurant.

-Qui t'a invitée?

-Un pigeon. Un vieux rabougri qui pense que toutes les belles filles doivent passer dans son lit?

-Aie Yacine bayil mbarane! Arrête de sortir avec les hommes par intérêt.

-Bane par intérêt? C'est lui qui m'a trouvée, je prendrais l'argent de tout homme sans caractère ni vergogne qui me l'offre.

-Wa d'accord. Iow, je t'attends.

 30 minutes après, Yacine était là avec des habits mis dans un sachet noir. On se fît la bise, parlèrent de tout et de rien sur le chemin qui menait vers le restaurant où elle avait rendez-vous avec son "pigeon".

-Tu pars où pour emprunter des habits?

-A un reportage.

-Ah et tu ne peux pas porter juste ce que tu as?

-Si je peux, mais je n'ai pas envie que l'on me dise que je suis mal habillée.

-D'habitude tu t'en fous de ça! Des habits, de ce que les gens peuvent dire.

-Oui avant Yacine, avant... Maintenant je travaille et chaque entreprise a un code vestimentaire. Je me dois de respecter cela si je veux garder mon travail.

-Hum... Si tu le dis.

-Nous sommes arrivées, je rentre. Je te laisse plumer ton pigeon.

-Lol. Tu n'as pas besoin d'argent?

-Si, on a toujours besoin d'argent.

-Si il me donne de l'argent je t'enverrais quelque chose via un service de transfert d'argent.

-D'accord chérie. Bisous.

-Bisous à toi aussi.

Je suis partie, contente car j'avais de quoi porter et le chauffeur du bureau devait venir me chercher à la maison. De ce fait je n'avais pas besoin de me faire du souci pour le transport.

Quelle fût ma surprise lorsque je vis devant chez moi nos peu de meubles et ma mère qui pleurait.

-Wa que se passe-t'il ici? Maman on déménage? Pourquoi tu pleures comme cela?

-Le propriétaire vient de nous expulser!

J'ai senti le sol se dérober sous mes jambes. Je ne savais plus quoi dire, je balbutiais.

-Comment ça? Nous sommes expulsées? Pourquoi nous sommes expulsées.

Elle me dit que cela fait plusieurs mois qu'elle ne payait plus la location par fautes de moyens, qu'elle ne voulait pas m'inquiéter car elle espérait pouvoir régler cela.

J'avais mal mais bon, à cette époque c'était notre troisième expulsion. J'étais devenue blindée, je ne pleurais plus parce que nos bagages se retrouvaient du jour au lendemain sur le trottoir. Il fallait juste réfléchir à quoi faire pour affronter la situation.

-Maintenant où irons-nous encore une fois? Je ne veux pas aller squatter chez mes amies ou chez des tantes maman.

-Non pars chez ton père et moi je rentre dans ma maison familiale.

-Maman il n'y a même pas d'espace chez toi ou plutôt dans ta maison familiale. Quel espace vas-tu occuper là-bas?

-Je trouverais une solution. Sophia je suis épuisée de payer la location, Sophia je n'en peux plus. Je suis fatiguée de courir à gauche et à droite pour manger, me déplacer, payer la location. Je vais rentrer chez moi. Oui, c'est une honte pour une femme de revenir dans la maison de son père après 20 longues années de mariage. 20 ans sans avoir de toit pour elle et ses enfants, mais Dieu ne m'a pas donné de maisons que puis-je faire à part mettre de côté ma dignité et retourner là-bas.

-Tu veux que je retourne chez papa?

-Oui retourne chez ton père.

-Maman tu as oublié la manière dont on a quitté cette maison? Maman as-tu oublié que nous avions été presque expulsées de cette maison? Maman tu veux que j'y retourne? Comment vais-je faire pour regarder les gens en face? Partir et revenir comme cela après tout ce qui s'est passé, ça sera très dur pour moi.

-Non tu n'as pas le choix. Ne parle pas de dignité, nous l'avons perdue depuis longtemps. Tu sais ce qui doit être désormais ton combat? Faire en sorte que moi ta mère puisse la retrouver et que toi aussi tu puisses remarcher à nouveau la tête haute. Je sais que ce n'est pas facile, mais Sophia li diarr diarr rek leu, netali leuy moudiei. Nous ne resterons pas éternellement pauvres armes-toi de patience et d'audace, tu y arriveras.

L'audace serait de retourner chez mon père? Audace ou manque de vergogne? En même temps ai-je le choix? Ai-je le choix?  


Oser L'Amour Au Bureau (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant