Partie 1 - Chapitre 1

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Le projet MERCURE,

Rendez-vous le 1er Décembre,

Entre 11h et 13h,

Laboratoire EXP, bureau des admissions aux expériences,

Candidats nés entre le 1er janvier 2054 et 29 décembre 2054,

Compensation financière de 1Million de monnaie, si candidature retenue.

C'est ce que disait la petite annonce du journal national le 25 novembre 2070. Je venais d'en trouver un exemplaire dans l'une des poubelles du centre ville et je ne comptais pas le lire, juste le ramener chez nous pour alimenter le feu de cheminée du foyer central de notre maison.

Une maison était un bien joli mot pour désigner notre taudis. Une petite baraque de deux pièces au toit partiellement couvert et rafistolé avec des bâches, chauffée au papier et au bois. J'y vivais avec ma mère, ma petite soeur et mon petit frère. Nous partagions tous les quatre une chambre mais passions le plus clair de nos heures libres dans la pièce principale, la plus grande qui était un savant mélange de salon, salle à manger et cuisine. Mitoyenne à la chambre, une ridicule salle de bain composée d'une bassine dans laquelle on versait de l'eau préalablement bouillie, un miroir fissuré et un toilette qui fuyait régulièrement.

Elle était légèrement en périphérie de la ville, entre la banlieue pauvre et le bidonville, au sud-est exactement de ce que nous appelions la rosace des anges. C'était une boussole circulaire en cuivre incrustée dans les pavés de la place du centre ville. J'ai toujours aimé cette boussole, c'était comme un puit couvert d'une épaisse couche de verre dont les aiguilles tremblaient légèrement, preuve que la terre et la ville n'étaient pas entièrement stables ou que les essais militaires n'avaient pas cessé. 

Mes parents m'emmenaient dans la ville avant. C'était avant, avant que nous ne devenions pauvres, que nous ne quittions notre appartement de banlieue, avant.

Avant, aussi, il y a longtemps, j'avais un père mais il est parti alors je l'ai oublié et remplacé par le travail.

C'était difficile le travail, surtout à ce moment là. Les usines fermaient tour à tour, et celles qui subsistaient voyaient leur main d'oeuvre remplacée par les machines. Les champs disparaissaient, les fermes biologiques leur succédaient et les places du secteur tertiaire n'appartenaient plus qu'aux classes moyennes de moins en moins nombreuses mais surtout aux classes supérieures, ceux qui vivaient de leurs boutiques, commerces, bureaux ou cerveaux.

Il y avait bien l'armée, mais j'étais encore trop jeune pour y aller, mais c'était mon échappatoire. Je comptais bien m'y présenter bientôt.

Ma mère donnait du plaisir aux hommes, j'avais réussi à trouver, dans une usine, une place pas très légale en tant que garçon superviseur des teintures de pantalon et ainsi, je faisais en sorte que ma soeur et mon frère ne quittent pas l'école.

Moi, l'école, je n'y ai pas eu droit ou très peu. Ma mère m'y a inscrit jusque mes neuf ans, c'est dommage, j'aimais bien les cours et j'étais plutôt bon élève. Ma soeur puis mon frère sont nés et je lui ai dit que j'étais d'accord pour prendre un travail et l'aider, pour payer les courses, le bois, les choses dont nous ne pouvions pas nous passer pour vivre.

Cette usine, je la détestais. Un immense cube de béton sans fenêtres. Deux grandes cheminées crachaient une épaisse fumée blanche vingt-quatre heures sur vingt-quatre et les portes rouillées de l'entrée portaient les marques du temps. Plusieurs impacts de balles et des traces de brûlure témoignaient de la violence des combats il y a quinze-vingt ans de cela. Pour m'y rendre, deux possibilités, traverser la ville dans toute sa diagonale avec le risque de me faire arrêter par les militaires et coller à la caserne pour non respect des limites de quartier par classes ou alors, faire le tour de la ville par le périphérique ce qui rallongeait le temps de plus de deux heures. 

MercureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant