Partie 3 - Chapitre 4

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 Groupés, nous avons traversé la ville, anciennement au Canada, avant la guerre de 50. Chaque quartier se ressemblait. Toujours les mêmes étendues de sable, les mêmes ruines, les mêmes rues au bitume craquelé... Les mêmes mendiants allongés en état d'ivresse sous des bâches et des décombres. J'en venais à regretter notre cité et ses bidonvilles !

Nous avons rejoint la forêt, au nord de la bulle, celle que nous avions survolée et dans laquelle nous avions atterri quelques jours plus tôt.

C'était assez incroyable cette différence qu'il y avait entre le paysage au sud et au nord du dôme. L'un désert, l'autre verdoyant de forêts de pins et autres espèces d'arbres et végétaux.

— Une fois devant la porte, mes petits lapins, nous attendrons qu'il soit deux heures cinquante. A cette heure précise, les soldats présents sur la base feront un roulement, y compris les sentinelles, ce qui nous laissera une fenêtre de cinq minutes pour entrer et rejoindre l'avion de livraison sensé partir à trois heures, nous informa Herbert.

— Il dit vrai, confirma Noah, mais nous n'aurons pas cinq minutes, nous en aurons trois, rectifia le jeune homme.

— Trois ? s'égosilla Herbert.

— Les procédures ont changé il y a six mois, nous avoua Noah avec une pointe de désespoir dans la voix.

A l'arrière du groupe, une trentaine d'hommes tiraient des chars en bois sur lesquels étaient montées des mitrailleuses et autres armes lourdes. L'une d'elle était une espèce de canon en métal clair, avec une multitude de tubes transparents l'entourant.

— Stop ! a hurlé Herbert, en tête du groupe alors que nous arrivions à l'orée du bois que nous traversions. Devant nous, une prairie, puis de l'autre côté, des arbres plus imposants et les deux tours entourant le grand portail de la base aéronautique de la bulle. Cette base, j'étais à l'intérieur une semaine plus tôt et pourtant, j'avais l'impression que des mois, voire des années nous séparaient de ce moment. Je me souvenais de cette base. Elle était entourée de hauts grillages électrifiés et la seule entrée était un portail entouré de deux tours, un peu comme un château fort.

J'ai trouvé son hurlement stupide. Les soldats de la bulle qui faisaient office de sentinelles l'avaient potentiellement entendu.

— A partir d'ici, le terrain est truffé de mines, dans la forêt, des pièges ont été installés mais nous ne savons pas dans quel secteur, alors, nous allons traverser ce champ.

— Il est à découvert, fit remarquer Charly. Sol le foudroya du regard, comme si ce n'était pas évident.

— Merci le petit malin pour cette remarque inutile, ricana Herbert. Si tu veux passer par la forêt, je t'en prie, déclara Herbert en faisant un geste invitant Charly à passer par les bois, mais je ne pense pas que tu t'en sortiras... Ou peut-être sans un bras, ou une jambe..., minauda notre guide.

Charly frotta son long nez tordu et passa une main dans ses cheveux d'un air gêné. Il baissa la tête et assura qu'il suivrait Herbert.

— Bien ! Il sortit une feuille froissée de la poche intérieure de son manteau, la déplia puis l'aplatit du plat de la main sur le dos de Sol qu'il venait de tirer vers lui sans lui demander son avis. J'aurais préféré faire exploser toutes ces mines pour que nous ayons le champ libre mais cela nous ferait nous repérer beaucoup trop facilement.

« J'ai avec moi, un plan papier et une tablette. Dessus, toutes les positions connues et détectées par notre drone, le dernier repérage date d'hier. Malheureusement, il n'a survolé que la plaine et pas la forêt, les arbres y sont trop denses... Le point rouge, c'est la tablette, les points blancs, les mines. Mes petits lapins, il va nous falloir traverser en évitant les mines, il vous suffira de bien me suivre. Il sortit une espèce de tablette de la même poche intérieure et la compara à la feuille.

— Il vous suffira ? répéta Athéna en se moquant du ton enjoué de notre précieux guide. Oui, bien sûr, reprit-elle, vous êtes complètement fou ! Comment savez vous qu'il n'y a pas de mines de l'autre coté, dans les bois ?

Herbert se tourna vers elle et s'en approcha lentement. Il lui accorda un petit sourire pervers et lui caressa la joue de l'index. Elle recula mais il lui attrapa la gorge de la main droite. Je m'avançais pour calmer l'homme deux fois plus grand que moi, mais le type qui m'avait une première fois retenu dans la tour le matin même, empoigna mon bras et glissa la lame d'un couteau denté sous mon menton. Les autres se trouvèrent dans la même situation, même Kaya qu'un homme d'une trentaine d'années soutenait depuis notre départ.

— Toi, commença-t-il alors qu'elle serrait sa main autour de son poignet, le défiant du regard. Tu es une princesse légèrement trop revêche et rebelle, je trouves que tu l'ouvres un peu trop. Si tu continues de te montrer aussi audacieuse dans tes remarques, je te coudrai moi-même les lèvres. Il se pencha vers elle avec une moue plaintive. Et dieu sait que je ne voudrai, pour rien au monde, que ton joli petit minois soit abimé. Il se recula et lâcha le cou de notre amie. Athéna serra la mâchoire pour ne pas s'énerver et lui répondre.

— Etant donné que je veux que tu retiennes la leçon, c'est à toi que reviens l'honneur de traverser la plaine la première. J'ai besoin de savoir si les mines n'ont pas été changées de places, dit-il gaiement. En ce qui concerne les bois de l'autre côté, je sais qu'il n'y a pas de mines car les animaux y circulent librement.

Athéna soupira et empoigna la tablette que Herbert tenait dans son poing gauche.

— Non, je vais prendre sa place, dis-je avec assurance.

— Il veut que je commence, alors ses désirs seront réalisés ! s'exclama Athéna en me foudroyant du regard. Elle s'avança lentement jusqu'à la frontière forêt-plaine. Elle inspira profondément et posa le pied sur l'herbe fraîche et fleurie.

— Ne le fais pas, lui ordonna nerveusement Sol.

— Le temps presse, s'impatienta Herbert en tapotant une montre imaginaire. L'avion va partir..., ajouta-t-il en rejoignant Athéna. Avance donc plus vite princesse ! ordonna Herbert en lui donna un coup dans le dos. Elle observa la carte, puis la plaine et elle le traversa. Elle marchait avec précaution, mais avec une certaine rapidité. Je frissonnais à chacun de ses pas, craignant qu'elle n'actionne une mine. Elle traversa agilement la plaine et rejoignit la lisière opposée.

Je respirais enfin.

— Fais le chemin en sens inverse pour que nous puissions te suivre maintenant, demanda Herbert en chantonnant. Athéna s'exécuta et fut de retour fort rapidement.

Ares attrapa Kaya et la hissa sur son dos pour qu'elle n'ait pas à marcher. Adonis le remercia chaleureusement et nous suivîmes Herbert, en file indienne. Les armes, mêmes lourdes, furent soulevées par des groupes de quatre à six hommes.

C'était inespéré, nous étions tous sains et saufs en arrivant. Herbert respira un bon coup et se remit aussitôt en marche vers la base aérienne de la bulle. Je me demandai si quelqu'un nous avait déjà repéré, auquel cas, nous étions fichus. Une pluie de balles et de décharges électriques venant des armes ultras perfectionnées des soldats protégeant la zone, nous assailliraient dans les prochaines minutes.

— Ici, plus un mot, ordonna sévèrement Herbert. Il valait mieux l'écouter. Ses sbires se remirent en rang, fermant la marche et nous continuâmes d'avancer dans un silence de plomb.

J'avais l'impression, tant nos langues étaient liées, que le moindre de nos pas avertirait les sentinelles de notre présence. Le moindre craquement, hululement, piaillement, me faisait sursauter ou frissonner. Je ne voulais pas mourir cette nuit. 

MercureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant