Partie 3 - Chapitre 12

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 C'était un massacre. Aïna étouffa un sanglot et s'engouffra la première dans les galeries qui faisaient offices de rues.

De la fumée s'échappait des fenêtres, parfois même des flammes. Etonnamment, il n'y avait pas la trace d'un seul corps, pas une goutte de sang sur le sol rocheux ni dans le palais ou les rues. Nous déambulâmes un long moment dans les décombres car, la cité, elle, contrairement aux hommes qui l'habitaient, avait été massacrée. Le feu qui crépitait dans la plupart des habitations ne nous permit pas d'aller bien loin dans la fourmilière, où la chaleur était insoutenable et la fumée si dense que l'air était irrespirable. Le palais avait été légèrement moins abimé que le reste de la ville souterraine. Les chambres avaient été fouillées, les tiroirs retournés, les portes des placards arrachées et les matelas des lits éventrés.

Adonis parut soudain s'agiter et dévala plusieurs escaliers. Je savais où il allait... J'espérais que Le Clan n'était pas allé fouiller cette partie du palais. Tous le reste du groupe l'a suivi et nous rejoignîmes la salle qui contenait les cercueils de nos défunts amis.

Il n'y avait plus rien. La salle était vide. Les murs où étaient écrits les prénoms de nos amis, étaient les seuls vestiges de la pièce.

Sol jura plusieurs fois, Adonis resta debout, hébété.

Noah et Athéna réussirent à trouver quelques vivres. Nous avions peu d'espoir quant à la probabilité que Le Clan n'ait pas trouvé les femmes, hommes et enfants inaptes au combat. Nous rejoignîmes tout de même les étages inférieurs, nous enfonçant plus profondément dans les canyons, sous la terre. Cette partie de la fourmilière n'avait pas été attaquée, elle était intacte. Malgré tout, la population avait entièrement disparu. Comme si elle s'était volatilisée.

Où étaient-ils tous passés ? Comment était-il possible qu'il n'y ait aucune trace de sang ? Le Clan n'avait tout de même pas fait le ménage !

Nous remontâmes à la surface. Ce fut sûrement notre pire décision, une terrible erreur. Le vrombissement d'un moteur nous fit sursauter. J'étais certain que c'était un drone. Je me précipitais à l'abri, sous une serre. Tous me rejoignirent. Il y faisait chaud et humide, une odeur de terreau imprégna mes poumons et enivra mes sens. Cela faisait bien longtemps que je n'avait pas senti ceci... Je me rappelais soudain la soirée qu'Athéna et moi avions passée au laboratoire. L'odeur était exactement la même et j'en fus troublé. La serre était couverte de plantes grimpantes et deux des fenêtres du toit étaient ouvertes ce qui nous permettait de savoir si le drone s'éloignait.

— Ils procèdent toujours de la même manière. Ils vont nous traquer, tant qu'ils ne nous auront pas trouvés, ils ne cesseront pas, nous dit Noah.

— Nous ne pouvons rien faire, à part fuir, ajouta Zoë.

— Il en est hors de question. Pas tant que nous n'aurons pas trouver les cercueils ! s'agaça Adonis en secouant la tête de gauche à droite.

— Les morts, sont morts ! Nous ne pouvons plus rien pour eux ! Que veux- tu faire ! Le plus important est de partir ! le contredit Charly.

— Nous devons aller au Clan...

— Il est fou ! ricana Sol.

— Kaya...

— N'est plus ! le coupa de nouveau Charly.

— Cette tombe est tout ce qui me reste !

— Tu t'accroches au passé, ce n'est pas elle !

— Bien ! explosa Adonis. Il poussa Athéna de son chemin et se dirigea vers la porte vitrée de la serre.

Je me précipitai derrière lui mais c'était trop tard. Il ouvrit la porte et s'exposa au grand jour. La seule chose que je pus faire, c'était attraper la manche de son pull et le tirer à l'intérieur. Il n'eut aucun mal à résister. J'avais beau tirer de toutes mes forces, je n'arrivais pas à l'obliger à rentrer. Ares était déjà proche et essaya de m'aider sans sortir de la serre mais Adonis se dégagea aisément et avança plus loin dans les jardins en fixant le drone qui stationnait au-dessus des parterres de fleurs. Je me jetai sur lui pour le mettre à couvert sous les milliers de fleurs. S'en suivit une bagarre jusqu'à ce que nous roulions à l'abri sous un arbre. Malheureusement, je savais qu'il était trop tard.

Toujours allongés à l'ombre de l'arbre, dominant Adonis qui paraissait sonné par une mauvaise chute, je levais le poing. J'étais prêt à l'abattre en plein milieu de son visage. Mais j'étais comme bloqué. Je ne bougeais plus. Je soufflai un grand coup et baissai ma main tremblante. Je donnai un faible coup dans son épaule. Je me levai et fis le tour du tronc en marmonnant.

— Mais pourquoi as-tu fais ça ! m'emportai-je, impossible de contenir plus longtemps ma colère.

— Je suis désolé... Kaya...

— Est morte ! hurlai-je. Je l'ai tuée, j'ai senti la vie la quitter ! Elle a disparu comme Ambroise, Serena, les membres de l'autre groupe et des millions d'autres personnes ! Tu ne peux rien y faire !

Je tremblais de rage. Mon coeur me faisait souffrir de nouveau et je m'appuyai contre le tronc pour ne pas m'écrouler.

Adonis se releva et m'aida à m'assoir.

— Je suis désolé...

Je haussai les épaules.

— Cela n'a plus d'importance, ils vont venir nous chercher.

— Nous avons encore le temps de partir !

— Non ! intervînt Athéna que je n'avais pas vu arriver. Nous n'avons pas le temps. Ils sont déjà aux portes de la cité. Il ne faudra pas dix minutes pour qu'ils ne nous rejoignent. Nous n'avons pas de cachette ni de moyens de fuir. Même en quittant la cité, nous serions à découvert sur plusieurs kilomètres. C'est fini !

Athéna avait raison. Il fallut peu de temps au Clan pour arriver dans les jardins. Nous ne cherchâmes même pas à contre-attaquer ou à nous enfuir.

Une dizaine d'hommes en uniforme, une arme entre les mains, nous mirent en joue.

Chacun se rua vers l'un d'entre nous et nous attacha les mains. La corde était irritante, c'était inconfortable.

On m'ordonna de me lever et nous gagnâmes une plaine où cinq 4x4 militaires noirs étaient garés. C'étaient d'imposants véhicules disposant de trois places à l'avant et dont l'arrière était amovible. On nous fit y monter. A l'arrière se trouvaient deux petites banquettes face à face où nous fûmes forcés de nous assoir l'un à coté de l'autre, alternant un membre de notre groupe et un membre du leur. J'étais dans la même voiture qu'Athéna, Sol et Ares.

Nous ne montrions aucune résistance. Je n'en avais pas la force. A quoi bon !

Une fois installés, on nous passa un sac en toile noire sur la tête, pour que nous ne puissions pas voir où l'on nous menait.

* * * * * *

Le trajet fut plus court que le temps qu'il nous avait fallu pour nous faire attraper ! La voiture était constamment secouée. Nous étions balancés de gauche à droite comme d'avant en arrière. Les membres du Clan ne parlaient pas, nous étions seuls avec nos pensées.

Et c'était assurément pire que de les entendre rire de notre sort ou parler de leur repas de la veille car, dans ce silence, la seule chose à laquelle j'arrivais à penser était la mort, la façon dont nous allions être traités et la maladie qui me rongeait.

J'essayais d'évaluer le temps qu'il me restait à vivre mais c'était un exercice si déprimant que je me concentrais plutôt sur ma mémoire. J'avais beau y penser le plus fort possible, elle ne revenait pas. 


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Avant dernier chapitre... J'espère qu'il vous a plu ! Très bonne fin de lecture ! J'ai été heureuse de vous partager Mercure et j'espère que vous avez aimé le lire et que ce fut une agréable découverte de votre coté.

MercureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant