Grâce à lui [SM]

I don't even know your name

Il neige aujourd'hui sur New York. Les rues de la ville sont recouvertes d'une fine couche de poudreuse, lui donnant un charme complètement différent. Les décorations de Noël arborant la façade des bâtiments apportent la touche supplémentaire pour nous rappeler qu'il est l'heure de commencer la chasse aux cadeaux.

En compagnie d'Alex, je me rends au plus célèbre des magasins de New York : Macy's. Devant leurs vitrines joliment décorées, est amassée une foule monstre. Nous devons faire la queue pour entrer à l'intérieur du temple de la consommation.

Mes mains bien emmitouflées dans des gants en laine récemment tricotés par la mère de Mel, je réchauffe le reste de mon corps comme je peux. Sautiller est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas congeler sur place. La vague de froid qui s'abat depuis ces derniers jours sur la ville est vraiment virulente. Ma sœur m'a rapporté qu'à Toronto les températures étaient encore pires.

_Pourquoi les gens sortent quand il fait aussi froid ?!

Alex commence à s'impatienter. Attendre ne fait pas partie de ses qualités et pour le coup je le comprends. Moi-même je ne vais pas survivre indéfiniment. Le vent glacial me fige le visage, parler devient compliqué.

_Pourquoi est-ce que nous on est sorti par ce temps tu veux dire ?

_C'est toi qui m'y a forcé, moi j'aime pas Noël.

Le vigile, gardant soigneusement l'entrée du magasin, laisse passer une poignée de personnes. Par chance, nous nous trouvons parmi ces privilégier. Après avoir attendu plus de trente minutes dans ce froid, l'air chaud qui m'envahi me brulerait presque la peau.

_Noël est la plus belle période de l'année.

J'ai juste le temps de terminer ma phrase avant qu'une peluche de mon écharpe vienne s'insérer dans ma bouche. Très vite, je la retire pour ne pas avaler cette cochonnerie.

_Qui t'a raconté une connerie pareille ?

_Ma mère.

Alex ne se doute même pas de ce que représente les fêtes de fin d'année pour elle. J'hésite à parler de religion ou de fanatisme. Elle est arrivée à un stade très avancée de ce que Mel appelle « La folie des guirlandes ». Ma mère en met littéralement partout. A tel point que la maison est méconnaissable après ça.

Personne n'a le droit de s'occuper de la décoration. Il n'y a qu'elle qui en a l'autorisation et je ne parle même pas du sapin. Elle le traite comme si c'était une relique dont la valeur serait inestimable. Aucun droit de l'approcher à plus de deux mètres sauf pour y déposer un cadeau au pied, interdiction de le prendre en photo sous peine de le voir copié par les voisins, et enfin punition à vie voire plus si quelqu'un ose y accrocher une quelconque décoration.

Malgré que ma mère ait transformé cette fête en séjour dans un camp militaire, je l'apprécie énormément. Il y a des années, j'avais demandé au fameux Père Noël de me faire devenir chanteur. C'était là le seul et unique cadeau que je souhaitais avoir. Au final, j'avais reçu une caméra. Plus tard, elle m'a servi à tourner mes premières vidéos de reprises, qui elles-mêmes m'ont permis de devenir chanteur. Depuis ce jour, je crois en la magie de Noël.

­_Cette année, tu viens chez moi. Je ne te laisse pas le choix.

_Ne te sens pas obligé de m'inviter. Les Noëls de merde je connais, j'ai l'habitude alors ne prends pas pitié.

_Oh non, ne crois pas que c'est de la gentillesse. J'ai simplement envie de te voir dire à ma mère ce que tu penses de cette fête qu'elle aime tant.

_Tu m'emmènes donc à l'abattoir ?

Son air faussement choqué me fait rire. Je sais pertinemment qu'il n'a pas peur de dire ce qu'il pense. Pourtant, face à ma mère, il devrait se méfier. Il s'apprête à toucher une corde sensible.