Trois inspirs.

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J'en ai fini avec le courrier.

Maintenant je fais le vide pour entendre. Quand on écoute vraiment, on finit par entendre . D'abord il y a un bourdonnement dans l'oreille. On ne sait s'il vient de l'extérieur où si il s'agit d'une sorte d'écho intérieur. un truc qui nous rappelle que nous sommes en vie. Vibrant de vie. Si on laisse s'installer ce bourdonnement, on commence à capter les battements tic-tac de l'horloge sur le mur, les bulles qui s'échappent en douce du thermos, le buffet qui rassemble ses molécules en craquant distraitement, le voisin qui claque la porte et l'ascenseur qui gémit.

Il y a aussi les voitures qui n'en finissent pas de défiler sur la route, les bus et les amis qui s'interpellent bien fort pour montrer au monde qu'ils ne sont pas seuls .Ils sont comme ces femmes dans les restaurants qui se sentant mises en danger par la présence d'autres femmes, plus belles , plus jeunes, mieux faites ,se lancent dans une sorte de suicide social: Riant plus fort que les autres dans une tentative parfois couronnée de succès d'attirer l'attention, de concentrer les regards sur leur personne, en se lovant dans ce sentiment, d'existence, Ce que la mère d'une copine appelait un rire de fente.

J'ai mis du temps à comprendre.

Jusqu'au jour où j'en ai entendu un. Je me suis sentie très mal à l'aise. C'était un rire un peu trop haut perché, un peu trop fort, une gorge un peu trop offerte, un étalage qui faisait pitié. Mais ainsi va le monde. Les hommes sont tellement simples et comme ils comprennent l'appel codé, ils se rengorgent et profitent de la brèche qui s'ouvre pour se glisser dans les petits papiers de la belle inquiète. Oui ça pourrait être drôle ce jeu de la séduction.

Tout ça pour quoi?

J'entends aussi les rires d'enfants, cristal naturel et pétillant. J'entends les relents d'émission de variétés, plus loin, le froissement des nuages qu'un coup de vent impétueux décoiffe, la seine dont les flots se courent après, fendue par le passage d'un bateau-mouche , Le sourire de la Joconde avec son bruit de toile cirée, et plus loin, la mer.

Alors, je souris et je m'installe dans son tumulte. Les vagues qui se frottent les unes aux autres, griffant au passage une plage docile. Je tends l'oreille et le vent se love au creux d'une grotte, il rebondit sur un ciré jaune presque fluo, pour finir par batifoler dans les cheveux d'une jeune fille au profil vaguement romantique. C'est beau, mais la vérité, c'est que le vent s'en fout, et la mer aussi. Ils ne font que passer. La beauté n'existe que dans l'œil de celui qui regarde. La jeune fille affiche sur ses lèvres bleuies par le froid, un sourire de parisienne. Il dit "j'ai compris". Comme je l'envie à cette heure! Elle va pouvoir écrire un livre en parisien, pour expliquer qu'elle a tout compris. Qui sera lu par des parisiens avides de tout comprendre et ravis de se voir offrir l'opportunité d'en parler. Le livre sera lu par ses mêmes parisiens, primé par d'autres parisiens, même par ceux qui ne l'auront pas lu. Des parisiens qui s'aiment tellement qu'ils créent des émissions de tévé de parisiens, des émissions de radio de parisiens. Les parisiens, suprême entité. J'en suis. Nous sommes comme une moisissure, nous pouvons quelquefois donner un goût fabuleux aux choses que nous touchons.

Mon esprit va plus loin. Il vogue vers les étoiles qui me disent "dégage". Je suis dans le flipper astral. Le galactique roller-coaster. Je suis heureuse.

Trois inspirs, j'ai vu les confins du monde.

J'ai beaucoup aimé.

Les rêves éveillés sont plus cool. Je peux les contrôler. Mais cette nuit, j'ai rêvé qu'un chat me pissait dessus. J'étais au sommet d'une montagne. Je le tenais dans ma main et je souhaitais le faire descendre, mais il s'accrochait le bougre. Et de peur et de rage, il se soulageait sur mon torse.

Mon rêve dans sa grande mansuétude m'a épargné l'odeur. Ce stupide greffier borné avait ruiné un rêve qui jusque-là évoluait plutôt pas mal .En général mes rêves sont raisonnables, logiques ce qui je sais est paraît-il impossible. Dixit le docteur Makary. Mes rêves sont gris ou plats. Ils ne me marquent pas. Ma vie est si pleine de chaos, mes rêves me reposent. Mais un jour, je me souviens m'être réveillé sur un éclat de rire. J'aurai aimé me souvenir de ce rêve-là. Bref, le chat me pisse dessus et je me demande quand il va s'arrêter. il se déverse sur moi comme une fontaine. Je suis si confuse que je ne sais plus ce qui m'inquiète le plus: Sentir la pisse ou être complètement trempée. Je me suis réveillée sans avoir la réponse.

Trois inspirs.

Il faut que je pense à me laver.

J'ai du manquer d'instinct.Where stories live. Discover now