Dene
Je n'ai pas encore choisi. La robe bleue de chez Versace ou la noire de chez Balmain ? Je ne veux pas la blesser. Je veux qu'elle comprenne que je suis là pour elle maintenant. Je suis si heureuse de la revoir. C'est étrange avec les enfants. Quand on se met à les aimer, c'est comme une blessure qui vous brûle le cœur. J'ai mis le temps c'est vrai. Au départ je ne l'aimais pas. Je la jalousais.
Rien de scandaleux. J'ai connu tellement de mères qui secrètement haïssaient leurs filles. Leur jeunesse, leur fesses hautes et leur seins fermes. J'en ai vu beaucoup qui se consumaient de rage en voyant leur petite balancer des jambes longilignes et appétissantes sous des mini jupes scandaleuses. Je les ai vu devenir grenouilles de bénitiers pour se donner une légitimité. Devenir dames patronnesses pour ONG en mal de reconnaissance. J'ai eu ma part de poses auprès d'enfants qui me sont étrangers et qui se pressent autour de moi comme si j'étais la source même de la vie. J'a eu mes verres pleins et mes bouteilles vides. Et cette jeunesse qui se baladait sous mon toit avec insolence et un naturel désobligeant. Je lui ai souhaité cent fois le pire. Je macérais dans mon dépit.
Non en fait ça n'a pas commencé comme ça. Pas tout à fait en tout cas.
Je veux dire que mon départ dans la vie était plutôt douillet. Un père Sigé Djiomé diplomate talentueux et totalement au service de son pays. Depuis les Etats Unis où j'ai vu le jour jusqu'au Royaume Uni où j'ai grandi, tout semblait fait pour accueillir le moindre de mes pas. Ma mère, Ema Biawane fille de ministre, ambitieuse et réfléchie m'a évité l'écueil de devenir une riche sotte. C'était mon modèle. Mon égérie. J'ai fait des études de gestion du territoire. Nous avions l'idée de mettre en place des structures qui pousserait le Numibiana vers le futur.
Mes parents sont numibiens. Numibiana, est un petit pays au sol riche et généreux, situé en Afrique sub-saharienne. Ma mère avait une peau d'une couleur brun doré et des yeux chocolat rendus uniques par les petites d'or en constellaient les iris. Son père était premier ministre quand elle a rencontré mon père, premier secrétaire du ministre des finances. Il est tombé sous le charme puissant de ses pépites. Je suis née avec les mêmes. Je pense que c'est pour ça que nous nous sommes reconnues.
Quand j'étais à la maison, je la suivais partout. Nous ne cessions de parler. Je l'imitais. Ces gestes, sa façon de marcher en caressant la terre du bout des orteils. Surtout quand elle sortait de voiture, on aurait dit une reine. le temps s'arrêtait et même les gens dans la rue se retournaient. Ema avait une aura magnétique . Et je baignais dans cette grâce. Rien en lui résistait. Ce qui me marquait c'est que tous lui donnaient avec plaisir, comme si c'était un honneur. Les serveurs et les hôtesses se pliaient en quatre, courant aux quatre vents pour satisfaire ses demandes. Quand elle était satisfaite les yeux de maman pétillaient, les pépites scintillaient et son rire déferlait dans la pièce et et c'est comme si le monde nous faisait un cadeau. Je faisais tout pour entendre ce rire. Quand elle se penchait sur moi et plongeait son regard dans le mien, il y avait tellement de fierté! Dans un film j'avais entendu l'expression mini-moi. J'étais son mini-moi, et elle le revendiquait. Nous étions heureuses ensemble.
Mon père n'avait plus ses parents, mais je voyais souvent mon grand-père paternel. Pémi Biawane, ancien premier ministre et grand-père extraordinaire. Il m'a introduit à l'hédonisme raffiné . L'art, l'architecture, le paysagisme, la gastronomie, la musique. J'adorais passer mes vacances avec lui. Il nous invitait avec maman dans les plus insolites restaurants. je me souviens d'un restaurant où ce qui se trouvait dans l'assiette était un piège. les sens étaient détournés. Le goût n'avait rien à voir avec ce qu'on voyait. des grappes de raisin au gout de fois gras? Un motte de terre au gout d'huître... Quelque fois des gens le reconnaissaient. Alors c'étaient soit des injures, soient des marques de déférence. Dans tous les cas , il restait élégant et respectueux. On m'a souvent accusé d'avoir hérité d'argent maculé de sang. Pour moi, mon grand-père était un homme d'une grande culture et d'une finesse exquise. Il m'a parlé des légendes de chez nous. Il m'amenait voir des sculpteurs locaux, me parlait de l'usage de certains bois, pour favoriser des énergies particulières. Maman et moi buvions ses paroles. Il disait que les pépites dans nos iris témoignaient de notre descendance mystique. Il est tombé malade et a fini par rejoindre son épouse en libérant un corps conquis par le cancer.
Mon père était de plus en plus absent. Nous ne nous en rendions pas compte. Son métier était très prenant. Il échappait à notre radar avec ses missions diplomatiques. Il a attendu la mort de grand-père pour annoncer à ma mère qu'il la quittait. Délicatesse ou peur des représailles? Nous nous retrouvions toutes les deux. Nous avons continué à avancer. Je collectionnais les masters et maman rayonnait de plaisir. Une panthère ronronnant auprès de son petit. Elle me disait sans cesse :
- Tu es une belle femme, dedans et dehors, tu mérites le meilleur. Ne te trompe pas mon ange , ne t'offre pas au premier beau parleur venu. C'est celui qui en fait le moins qui sera un plus.
Et puis un jour, son plus a franchi le pas de la porte. Ma mère a épousé un anglais, Robert Aeronwhite mania du secteur minier et enthousiaste à l'idée de participer à notre projet. J'ai tout de suite aimé Robert. Nous avons commencé à formé une famille solide . Il n'avait pas d'enfant et versait une copieuse pension alimentaire à son ex-femme. Il m'invitait parfois dans son bureau et m'expliquait ce qu'il faisait en me disant qu'il voulait que je sache comment tout fonctionnait. Il me considérait comme sa fille et me croyait tout à fait capable de travailler à ses côtés.Il était davantage un père que ne l'avait été Sijé.
C'est là que j'ai appris qu'il n'existe pas quelque chose comme être trop heureux. Parce que nous l'étions. Et que ça ne pouvait pas durer. Ils sont morts dans éboulement minier. Et en un jour j'étais passé de jeune fille riche et comblée à jeune fille riche et convoitée. Ma mère n'était plus là pour me protéger et je parlais à peine à mon père. Mais le fantôme parfumée de maman planait sur moi. Je suis tombée dans le bras d'un homme qui n'avait pas d'érection au vu de ma fortune. Serge était fils de famille comme on dit. Argent "propre" en abondance, domaines, avoirs fonciers et placements fructueux. Il ne manquait de rien. Et cerise sur le gâteau, c'était un artiste conceptuel doué, généreux et célèbre. J'avais tout de suite aimé son sens de l'humour. Il aimait être libre et ça se sentait. Il m'avait surprise dès notre premier rendez-vous. Des amis communs nous avaient organisé un blind-date. Il est arrivé avec un pantalon de toile légère à impression tribale, une chemise en lin froissée et des sandales. Pas de portefeuille. Pas très glamour. J'ai eu peur qu'il me fasse payer à la fin de repas.
Pendant le repas nous avions parlé de tout. Avec une telle aisance. Quand l'addition est arrivé, il a sorti une carte caviar de la poche de son pantalon. En me déposant devant chez moi, il avait tout de suite proposé un deuxième rendez-vous. Et c'est ainsi qu'il m'a séduite. Pas de calcul. « What you see is what you get ». Et je l'ai suivi en France.
Peu à peu, j'ai laissé mes projets d'urbanisme se fondre dans le lointain. Et j'ai commencé à m'intéresser à la promotion d'artistes. Bien sûr de Serge pour commencer. Nous étions inséparables. Et les regards qu'il jetait sur moi me faisaient prendre feu. Nos mains se rencontraient à chaque fois qu'elles se frôlaient. J'avais le sentiment que je ne me rassasierai jamais de lui. Et lui de moi. Je devenais très douée et très demandée dans l'industrie. Il était si fier de moi. Nous étions des enfants en diamants. De ceux qui ne se reposent pas sur la fortune de leurs parents mais se créent un nom, un empire.
Et Asana est venue au monde. Et elle me l'a volé.
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J'ai du manquer d'instinct.
Teen FictionAsana ne va pas bien. En tout cas pas vraiment. Elle se reconstruit, cloîtrée dans la forteresse de son appartement. Trouvera-t-elle le courage d'affronter les démons de son passée? Le beau docteur Makary lui donnera-t-il le courage nécessaire? C'e...