Et puis je suis rentrée chez nous. Ce que je redoutais ne s'était pas produit. Mis à part Serge qui m'appelait maman avec l'expression d'un ravi de la crèche, tout roulait sans le moindre accro. Il se levait la nuit pour répondre à l'appétit impérieux de la petite mademoiselle et revenait se coucher pour me serrer contre lui presque sauvagement. J'adorais. Il était si heureux de pouvoir construire la famille dont il avait rêvé, que le cauchemar des semaines précédentes semblait s'être évaporé dans les vapeurs de la paternité. Il parlait de trouver une maison en Normandie pour offrir à Asana la possibilité de grandir en touchant la terre, la vraie. Depuis qu'il avait commencé à fréquenter lors de ses promenades au jardin botanique des mamans néo-hippies, il s'était mis en tête de créer une tribu qui vivrait en semi autarcie loin des affres de la ville. Cette idée ne me réjouissait pas du tout. D'autant plus que je venais de trouver la perle rare. Une amie m'avait parlé d'un jeune artiste Grec Phaéton Panakos. Il travaillait les toiles en ouvrant le canevas pour le remplir de fils et de matières organiques. Les toiles devaient être suspendue pour projeter une ombre qui faisait partie du tout. J'aimais ça. Il sculptait les espaces négatifs. Tout était connecter le rien et le tout.
La première fois que je l'avais rencontré il m'avait laissé une impression forte. C'était un jeune homme au teint de cuivre, grand et maigre, au visage bouffé par une barbe et une chevelure exubérante. Il n'avait rien d'une beauté mais ses yeux d'un vert presque phosphorescents plongeaient jusque dans mon âme et j'en redemandais. Il écoutait beaucoup. Marquait une pause avant de répondre à mes questions. Les mains à plat sur ses cuisses il figurait parfaitement une statue de jeune pharaon. Son sourire transformait tout. Il avait valeur d'acceptation. En sa présence je me sentais en paix. Il accueillait mes suggestions avec joie et se mettait au travail sans hésiter. Je sentais qu'avec lui comme je l'avais fait avec Serge il se passerait de grandes choses. Il aurait été très simple de se référer à Pénélope ou aux Parques, mais nous voulions quelque chose de plus universel, plus emblématique des mystères de la vie. L'araignée. Il passait des heures regarder les araignées ? Leur façon de traverser l'espace sans peur. Rapidité, retenue, équilibre. Toutes ses qualités venaient se refléter dans son travail. Pour un homme de vingt-quatre ans, il avait les qualités et la maturité de celui qui n'a plus rien à prouver. Et je pense que tout venait de sa fraîcheur et de sa soif d'apprendre.
Je passais du temps avec Asana. C'était un bébé souriant et très expressif. Lorsque je la tenais contre moi, je m'enivrais de son odeur. Son petit corps frêle et compact adorait les caresses et les chatouilles. Elle se tortillait joyeusement en en lançant des éclats de rire à travers la pièce. Il nous arrivait de faire la sieste ensemble. Elle ronflait légèrement, la tête posée sur ma poitrine et je retenais l'envie que j'avais de la serrer contre mon corps. Mais je ne voulais pas la réveiller. Serge parfois venait nous rejoindre. Il souriait bêtement en nous regardant. Son regard devenait vitreux. Il se projetais je le savais dans ce domaine familial sur lequel il régnerait en maître. Je ne pouvais pas m'empêcher d sourire. Après tout, j'avais la chance d'être l'épouse d'un homme que ma maternité n'effrayait pas et qui plus que jamais voulait constituer une famille.
Mon père est passé nous rendre visite. Il vivait en suisse avec sa nouvelle compagne. Une femme d'une quarantaine d'année médecin d'origine comorienne. Il avait l'air heureux. Sa première remarque fut pour les yeux noirs d'Asana. -Tiens ! Elle n'a pas les petites billes d'ambre chocolaté ! L'enfant jouait avec ses lunettes et en grand-père patient, il la laissait faire. Nous n'avions pas grand-chose à nous dire, mais j'étais contente qu'il ait fait le voyage. Le repas du soir avait été animé et joyeux. Serge s'était toujours bien entendu avec mon père. C'était un de rares soupirant qui n'était pas impressionné par son statut d'ancien premier ministre. Mon père l'vagit suivi dans son atelier à l'étage et j'étais allé coucher Asana. Je lui avais lu une histoire pendant que la lumière du soleil déclinait dans la chambre. La nuit raccourcissait. Mes jours avaient le parfum de la paix.
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J'ai du manquer d'instinct.
Teen FictionAsana ne va pas bien. En tout cas pas vraiment. Elle se reconstruit, cloîtrée dans la forteresse de son appartement. Trouvera-t-elle le courage d'affronter les démons de son passée? Le beau docteur Makary lui donnera-t-il le courage nécessaire? C'e...