5- bien vite

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Parce qu'il y a un an jour pour
jour, j'ai appris le décès d'un
grand pillier.

Adrian.

Te décrire avec des mots simples ne serait pas la chose la plus facile à faire, parce qu'en réalité, tu valais bien plus que tous les mots réunis sur terre.
C'etait une amitié plutôt banale mais à la fois anormale. Tout simplement parce que normaux, nous ne l'étions pas. Et à mes yeux, notre unité sortait parfaitement du lot.
Parce qu'au fond, quand on y repense, nous n'étions que de simples enfants, lorsque que, pour la première fois, on s'est aperçus. Tu étais là, dans ce parc, tout en haut du grand bateau, triomphant d'être dans ce navire, le seul commandant. Et moi, j'étais arrivée, courant comme je ne le faisais jamais, et je t'avais observé.
Tu ne voulais pas que je monte, non. Ça se lisait dans tes yeux. Tu étais bien la haut, tu étais tout seul, et de là où tu étais, personne ne pouvait te dominer. Seulement, n'ayant auparavant aucune timidité, je suis montée, et tout au long de ton voyage je t'ai accompagné.

Au début, il était hors de question que tu m'adresses la parole. Nous n'étions que deux enfants, certes sur le même bateau, mais ne faisant pas parti du même équipage. Mais la petite fille que j'étais, avait décidé que les choses ne se passeraient pas comme ça, et je m'étais incrustée à côté de toi.
《Où allons-nous capitaine ?》 T'avais-je dis.
Tu m'avais regardé comme si je venais d'une autre planète, et tu ne me répondais guère. Mais il fallait croire que ta volonté était bien au dessus, vu que depuis cette mâtiné, on ne s'était plus jamais quittés.

Tu te souviens, c'est toi qui m'a appris à descendre du bateau par la grande barre. Celle que j'avais tellement peur de descendre. Tu me disais que comme ça, moi aussi je devenais capitaine et qu'ensemble, nous vainquerions tous nos adversaires.
Et c'est ce que l'on a fait, Adrian. On les avait presque tous combattus, mais il faut croire qu'il en restait un, et que celui-ci était insurmontable.

Ces vacances là étaient les premières de ta vie, et nous les avions guidé à notre manière, avec la mélodie que l'on créait. Tous les matins au même point de rendez-vous, une nouvelle aventure sous la dent.
Les cheveux au vent, on devenait les invincibles Adrian et Caroline. Nous n'avions peur de rien, et qu'est-ce que l'on rigolait bien.

Puis, à la fin, on a gardé contact. On s'est revu quelques années, mais le parc, ça ne pouvait pas durer une éternité. Alors on parlait à travers un écran, on trouvait le temps lent, et si la distance se calculait en plusieurs heures, nous étions proches avec nos coeurs.
Et dans mes souvenirs les plus fous et les plus flous, tu étais cette personne avec qui je passais mon temps. Cette personne qui dessinait ce sourire sur mes lèvres, celle qui savait panser mes plaies.
On s'était bien trouvés, et jamais je n'aurais pu imaginer qu'un jour, tout ça allait se terminer.

Tu devenais absentéiste, tu me disais que tu étais désolé, que si on ne se parlait plus, c'était totalement de ta faute, parce que tu n'avais pas le temps de te connecter. Et j'avais beau te répéter que ce n'était rien de grave, toi tu insistais sur le fait que ça l'était.
Et honnêtement, je ne t'en voulais pas. Parce que je savais que tu allais revenir et que tout allait rentrer dans l'ordre.
J'étais inconsciente, innocente, trop faible pour m'apercevoir que j'allais bientôt te perdre. Parce qu'en réalité, il était là notre dernier adversaire. Il était tout près, et moi, je ne savais même pas qu'il existait.

Dans ma tête, nous sommes toujours les invincibles, tu sais. L'époque des bateaux et des châteaux de sable est toujours là, tout près de moi et de mon petit coeur qui bat. Et tes paroles le sont aussi. Tous ces bons conseils que tu me donnais et cette joie que tu me livrais. Je ne les ai pas abandonné, et ô grand jamais je ne le ferai.

Parce qu'il a fallut d'un seul instant pour que tout change et ne soit plus jamais comme avant.

La dernière fois que je t'ai adressé la parole, c'était pour te dire que tu me manquais, et toi tu m'avais répondu que moi aussi, je te manquais et que bientôt tu serais de retour. Et si seulement j'avais été préparée à ce que tu ne reviennes jamais.

Ce jour là, une fille s'est connectée sur ton compte, et moi j'étais contente parce que tu avais vu mon message et j'avais l'espoir que tu me réponde. Je t'avais donc posé une question, et pour seule réponse j'ai eu: 《Ce n'est pas Adrian, il ne reviendra plus jamais.》
Je t'avoue que j'ai d'abord cru à une très mauvaise blague, et cette nuit là, j'ai mal dormis. L'idée de ne plus te parler me transperçait et j'étais impossible de l'imaginer.
Alors, le lundi je suis allée en cours normalement, toujours avec cette question en tête.
Et quand je suis revenu , je suis tombée des nus, parce que j'avais compris que je ne te verrais jamais plus.


Adrian est mort.


Voilà les paroles auxquelles j'ai eu le droit. Sans explications, sans m'y attendre, sans que je puisse comprendre. Je n'en savais rien, et j'avais été incapable de le voir.

J'ai beaucoup pleuré, ton décès était précipité, et de plus, j'avais du mal à réaliser. Du mal à croire que j'allais continuer ma vie sans toi, et que je ne te reverrai pas.
Et pourtant c'était vrai.

J'ai beaucoup parlé avec l'une de tes amie, mais jamais je n'ai osé lui demander pourquoi. En réalité, j'ai voulu ne faire confiance qu'à moi. Trouver moi-même le pourquoi.
Elle m'a confié beaucoup de choses, certaines m'ont piqué le coeur, parce que de ces révélations, je n'en savais encore une fois rien.
《Il t'aimait beaucoup tu sais. Souvent il me le disait. Quand il te parlait, il allait mieux.》
Et encore une fois, à l'écriture de ces paroles, je ne peux retenir mes petites larmes. Parce que c'est à ce moment là que j'ai compris. Compris pourquoi tu avais perdu la vie. Mais aussi compris qu'une part de moi, savait faire sourire une part de toi.

Tu étais malade, et pourtant, tu ne m'en avais jamais dit mot. Et apparemment, réciproquement, en se parlant, on soignait nos maux.
J'ai mené une sorte d'enquête, peut-être que la vérité je n'étais pas prête à la connaître, mais au fond j'en avais besoin.
Alors, j'ai relu tous nos messages, et j'en suis arrivé à la même conclusion: la maladie t'avait enlevé la vie.
Je ne sais pas laquelle, mais ce que je sais c'est que je m'en suis voulu. Voulu de ne jamais m'en être aperçu, de ne pas avoir pu profiter de toi au maximum.

Je t'ai écris de nombreux poèmes, tu as été ma muse en quelque sorte. Et je continu encore, parce que tu étais mon compatriote, mon ami commandant.

Et un an après j'en suis là, à t'écrire une lettre que bien sûr tu ne verra pas. Mais quand je regarde les étoiles, je vois ton visage. Ça me réconforte, ça me permet de rester forte.
De me dire que même si tu n'es plus là en apparence, tu ne m'as pas abbandonné pour autant. Parce que tu es là le soir, seul à briller dans le noir, et même si ton cœur a cessé de battre, tes yeux sont encore ouverts. Je les vois. Ils brillent la nuit.

Et même si des larmes perlent au coin de mes yeux, je sais que toi dans les cieux, tu es bien mieux.
On m'a souvent appris, que la vie ne tenait qu'à un fil, et que parfois, elle était même l'un de nos ennemis.
C'est vrai.

Et si aujourd'hui j'ai retenu une chose, c'est qu'avec moi tu étais vivant.
Et dans l'histoire, ma plus belle récompense est de savoir que je soignais tes maux,
Et que pour toujours je t'adresserai ces mots:

Je t'aime, capitaine. Tu changes de bateaux mais pas d'équipage, parce que même dans un autre endroit je serais toujours là, comme une bonne vielle camarade, à veiller sur ton étoile.

Je te dis au revoir mais pas adieu, parce qu'on se retrouvera un jour dans les cieux, Adrian.


Une fille à qui tu manques,
Caroline.


10 septembre 2018,
1 an après la mort de mon plus bel ami.

Les plumes d'un soirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant