Chapitre 15 : Agnès

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Je baisse les yeux sur sa main, qui tient toujours mon poignet. Je sais que lui aussi pense à la première fois où nous avons dansé sur cette chanson, c'était il y a si longtemps...

Timidement, comme en écho au passé, j'enroule mes bras autour de sa nuque, alors qu'il pose ses mains sur mes hanches. Je n'ose pas lever les yeux vers lui, pourtant je sens son regard posé sur moi. J'écoute les paroles, et malgré mon niveau d'anglais, qui est loin d'être glorieux, je comprends les grandes lignes de la chanson.

Vers la fin de la chanson, Clément commence à fredonner les paroles :

If I could turn back time
I'll go wherever you will go
If I could make you ...

Il laisse sa phrase en suspens. Nous nous arrêtons, et je lève finalement les yeux dans sa direction. Son regard est si intense, si profond, que j'ai l'impression de mieux comprendre sa détresse et ses regrets, que s'il me les avait murmuré à l'oreille.

Le temps se fige, il n'y a que nous, aucune ex en furie qui se jette sur nous pour gifler Clément, personne, juste lui et moi. Je descends mes mains le long de son torse, sans pouvoir détacher mes yeux des siens, je suis perdue dans l'immensité bleue de son regard.

Le moment est parfait.

Mais c'était sans compter la foutue playlist de Clément qui bascule sur une musique complètement ridicule, dont j'ignore le nom. Mais c'est le genre de chanson sur laquelle ma tante  s'époumone une fois « pompette », après un repas de famille.

Il ferme les yeux, se pince l'arête du nez et se met à rigoler. J'explose de rire à mon tour.

- Qu'est-ce que cette chanson fabrique sur ton baladeur ?

- Je ne répondrai qu'en présence de mon avocat.

L'ambiance a gagné en légèreté, toute la tension qui s'était accumulé entre nous pendant ce slow, c'est évaporé. Ça fait tellement du bien de rire, de rire ... avec lui.

- Ma crédibilité vient d'en prendre un coup.

- Un petit peu, oui.

Je le taquine avec un petit coup de coude amical. L'alarme du four commence à sonner.

- C'est cuit !

Je me précipite vers le four, je l'éteins et ouvre la porte, Clément me tend une manique. Pendant que je sors le plat du four, il met la table. Je pose le plat entre nos deux assiettes, et je fais le tour pour m'installer à côté de lui.

- Bon appétit !

- Merci toi aussi

Je lui souris. Il commence à manger.

- Nes' c'est super bon !

Je souris en l'entendant utiliser ce vieux surnom.

- Oui, je sais.

Après quelques bouchées, je me décide enfin :

- Clém'...

Il ne lève pas ses yeux de son assiette, et soupire.

- C'est le moment où tu vas commencer à m'assaillir de questions, n'est ce pas ?

Je hausse les épaules.

- C'était prévisible, non ?

- Oui, je m'y attendais. Par contre, tu sais que je ne pourrais pas répondre à la plupart de tes questions ?

- Prévisible aussi... mais tu sais que tu peux tout me dire, je te suis redevable, après tout ... tu m'as déjà couverte pour un meurtre.

Il pose sa fourchette, et se tourne vers moi avec un aire mi-amusé, mi-agacé.

Juré ! Caché !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant