Chapitre 12 : Agnès

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- Je te remercie Agnès d'avoir pris du temps sur ta soirée, pour qu'on trouve une solution, mais il fallait caser cette interview !

- Pas de soucis Jerry !

- Passe un bon week-end !

- Merci toi aussi, et bonne soirée !

Je raccroche, et reprends ma tablette afin de sauvegarder les modifications, et les transmettre à Jerry. Au moment où je repose ma tablette sur la table basse de Clément, une sonnette retentit dans l'appartement. La sonnette du rez-de-chaussée doit être branchée à un ampli.

Je regarde l'heure, il est presque 19h, c'est bizarre que quelqu'un vienne à cette heure. Enfin peut-être pas, je ne connais pas les habitudes de Clément, ni de ses nouveaux « amis ». D'ailleurs, je me demande pourquoi ce mec au bar l'a appelé « Monroe » je vais devoir le lui demander. Et une question de plus ! Je devrais peut être les noter ! Il y'en a tellement ...

La sonnerie se fait de nouveau entendre. Et si cette personne voulait du mal à Clément ? Ne soit pas ridicule Agnès ! Et puis tu as pu voir par toi-même que Clément sait se défendre.

Je tourne en rond, et je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Je fouille dans mon fourre-tout pour en sortir ma bombe au poivre, et décide d'aller vérifier qu'il va bien. Il a laissé les deux portes ouvertes, mais quand j'arrive dans la salle de bain du rez-de-chaussée la porte de celle-ci est tout juste entrouverte. J'entends la voix de Clément mais aussi la voix d'une femme. Je m'approche pour essayer d'entendre ce qu'elle dit, heureusement pour moi la porte ne grince pas.

- Ouais, ouais, y'a surtout eut un élément déclencheur, alors tu la planques où ta colombe blonde ?

« Sa colombe blonde » ? Elle parle de moi, là ? Elle se prend pour qui celle-là ! La façon dont elle a posé cette question, me laisse penser que Clément et elle, ne sont pas simplement amis. Je sens de l'énervement et une pointe de ... jalousie dans sa voix.

Je risque un coup d'œil et je ne vois que son dos, c'est une fille de taille moyenne, elle a les cheveux coupés au carré et couleur noir corbeau. Elle est vraiment super mince et de dos, elle aurait pu passer pour une adolescente mais la maturité de sa voix trahit son âge.

Elle s'approche de Clément, et l'embrasse passionnément, sur le coup de la surprise j'ai failli laisser tomber ma bombe au poivre. Il ne la repousse pas, j'avais vu juste, ils ne sont pas de simples amis. Elle commence à descendre ses mains en direction de son caleçon. Je refuse de voir ça ! Je me détourne de la scène, avec un sentiment de malaise, et une étrange boule au fond du ventre. Il me faut quelques secondes avant que mes pieds se décident à m'obéir, je respire un bon coup avant descendre au sous-sol.

Clément ne craint rien, et n'a pas besoin de moi.

***

J'essaie de ne pas penser à ce qui se déroule à l'étage au-dessus. Est- ce qu'ils ... ? Agnès, Stop ! J'essaie d'oublier cette fille avec ses mains posées sur le torse de Clément. À chaque fois que j'y pense cette boule revient au creux de mon ventre.

Je me suis installée sur le canapé et j'ai sorti un livre, ainsi que mon lecteur mp3. Je ne voulais pas risquer d'entendre quelque chose qui ne me concerne pas, j'essaie de lire mais impossible, ça fait 6 fois de suite que je lis la même ligne. Je jette le livre sur le canapé de Clément. Je m'enfonce dans le coussin du dossier, et me contente d'écouter des extraits de ma comédie musicale préférée : Roméo et Juliette. Alors que j'écoute Tybalt chantait sa jalousie, je soupire. Je me dis que quelque fois, j'aimerai mettre mon cerveau sur pause, pour arrêter de ruminer comme en ce moment. J'entends un bruit sourd et régulier, je me demande vaguement si ça vient de ma musique mais je sais bien que non, je connais cette chanson par cœur. Alors j'enlève mes écouteurs, et je réalise que le bruit qui m'a interpellé vient du rez-de-chaussée.

J'hésite un moment, mais je finis par me lever pour aller voir. On dirait des bruits de chocs, et ils sont assez violents. Ils s'enchainent de plus en plus rapidement.

Lorsque j'arrive au rez-de-chaussée, je sors rapidement de la salle de bain, même si la brune est encore, là de toute façon, elle sait pour moi. Mais il n'y a plus que Clément tête baissé qui enchaine les coups de poings et les coups de pieds dans son sac de frappe suspendu. Il ne remarque pas ma présence, il tape frénétiquement un peu comme tout à l'heure dans le bar, tout à l'heure ... il s'est arrêté de lui-même, et de toute façon je crois que personne n'aurait pris le risque de le stopper. C'est la première fois de ma vie que j'ai eu peur de lui, et c'est ce qui explique ma réaction. Il ne comprenait pas que je veuille partir, ça l'a pris au dépourvu même, mais, et j'ai honte de l'avouer, cet homme qui se tient là devant moi, me fait peur. Encore maintenant quand, je le vois se défouler avec tant de rage sur son sac de frappe, j'ai beau savoir que c'est Clément, et que jamais il ne me ferait du mal, il m'effraie, je n'ai jamais vu ce côté si sombre de sa personnalité. J'ai l'impression d'avoir quelqu'un d'autre en face de moi, mais pas Clément. Il semble si différent du garçon auprès duquel j'ai grandi

Je cherche des similitudes entre Clément « l'adulte », qui se tient devant moi, et le Clém' de mon enfance. Là, à ce moment précis, quand je vois l'homme qui s'acharne sur ce sac de frappe, je ne distingue plus le petit garçon. Un peu comme si chaque coup envoyé dans ce sac, éloignait un peu plus mes souvenirs heureux de mon enfance et de mon adolescence avec lui. Coup après coup, cette image de ce garçon calme et toujours souriant se fissure, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le jeune homme torturé qui se tient devant moi.

Le voir comme ça me brise le cœur. Je m'avance vers lui, il ne m'a toujours pas remarquée.

- Clément s'il te plait, arrête...

Il ralentit les coups mais n'arrête pas pour autant, je m'approche de lui et réitère ma demande. Bien que consciente du risque de prendre un coup, je mets mes craintes de côté, avant de m'approcher suffisamment de lui pour pouvoir lui toucher le bras.

- Clément, je t'en supplie, arrête ... tu m'inquiète.

Lorsque mes doigts frôlent son bras, il se tourne brusquement vers moi, il semble dans un état second, comme s'il ne me voyait pas.

Il ne lui faut qu'une seconde pour me plaquer contre le mur, ce qui m'arrache un petit cri de surprise mais aussi de douleur. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Cette proximité me trouble un moment, avant que je me ressaisisse. Je sens son cœur battre la chamade dans sa poitrine, il est à bout de souffle. Il s'écarte de moi, ses yeux semblent avoir repris leur lueur.

- Agnès, je suis tellement désolé, je t'ai fait mal ?

Il parait perdu et troublé. Je le suis aussi mais malgré mon malaise je lui ouvre les bras. Il revient vers moi pour me serrer fort contre lui, il enfuit son visage dans mes cheveux, je referme les bras sur ses épaules.

Il me serre si fort que j'ai l'impression qu'il va m'étouffer, il se raccroche à moi comme à une bouée de sauvetage, je le sais, je le sens. Je savoure le réconfort de ses bras, qui m'avaient tellement manqué. Je le sens lâcher prise, alors à contre cœur, je desserre mes bras pour les laisser retomber le long de mon corps.

Il me regarde inquiet, ce n'est pas à lui d'être inquiet, il inverse les rôles !

- Ça va mieux ?

- Ouais, désolé Nes' je ne sais pas ce qui m'a pris.

Il passe sa main dans ses cheveux et pose ses yeux bleus sur moi, j'ai toujours adoré ses yeux.

- C'est à cause de la fille ?

- Tu l'as vu ? S'étonne-t-il

- Oui, quand j'ai eu terminé avec Jerry, j'ai entendu la sonnette et comme le passage était resté ouvert, je suis montée... et je vous ai surpris, je ne cherchais pas à vous espionner ... je savais même pas que tu avais une copine.

- Elle n'est pas MA copine.

Il me repousse et s'éloigne. Je le vois se diriger vers la salle de bain, et je l'entends descendre l'escalier. Mais qu'est ce qui lui prend ?

Juré ! Caché !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant