Chapitre 22 : Agnès

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« C'est juste un au revoir »

Cette dernière phrase tourne en boucle dans ma tête. J'essaie d'y croire, mais le ton employé par Clément ne me donne pas beaucoup d'espoir. Je ne regarde pas la voiture qui s'éloigne, j'ai juste entendu le moteur rugir alors qu'il démarrait en trombe, faisant crisser les pneus. Je lutte contre mes larmes alors que je passe la porte de mon immeuble. Je monte les escaliers comme dans un état second. Une larme solitaire coule le long de ma joue, je l'efface d'un revers de main.

Je me répète que ce n'est pas la fin, qu'au contraire, ce n'est que le début. Malgré toute ma bonne volonté, je n'arrive pas à positiver la situation. Certes Clément est en vie, mais il n'est pas en sécurité. Et si je le perdais encore ? Je ne pourrais pas le supporter.

Ces derniers jours ont été riches en émotion, mais ce sentiment d'incertitude quant à la situation de Clément est oppressant. Il ne veut rien me dire, il veut me protéger ! Mais me protéger de quoi ? Et, de qui ? Je crois bien que ce sont toutes ces interrogations qui vont me tuer.

Mes pensées, mes inquiétudes, tout ça se mélangent dans ma tête. Je me sens impuissante et ça m'énerve. Arrivée devant la porte de mon appartement, j'ouvre mon fourre-tout pour y trouver mes clés.

Je ne les trouve pas. Bien évidemment ! Je ne trouve jamais rien dans ce bordel !

- Putain !

Rageusement, je balance le contenu de mon sac sur mon tapis d'entrée. Je m'accroupis devant ce bric-à-brac, je fouille, et retourne le tout. Je les déniche enfin ! J'ouvre ma porte, et commence à remettre mes affaires en vrac dans mon fourre-tout, j'en balance certaine dans mon appartement, c'est puérile, mais ça défoule.

Je trouve le morceau de papier sur lequel est noté le numéro de Clément. Je m'effondre, vaincue. Une larme coule sur ma main, puis deux, puis trois. J'essuie mes joues, elles sont trempées de larmes, je ne me suis même pas rendu compte tout de suite que je pleurais. Heureusement que je suis seule, j'ai vraiment l'air d'une folle.

- Est-ce que ça va ?

Je lève les yeux vers mon voisin de palier qui m'observe depuis l'escalier. Je ne réponds pas, je ne le peux pas. Il s'avance vers moi et se baisse pour m'aider à ramasser mes affaires, il saisit un paquet de mouchoirs qu'il me tend.

Je le remercie d'un hochement de tête. J'essaie de m'essuyer les yeux le plus discrètement possible, même si ça ne sert pas à grand-chose. Le mouchoir en papier est taché de mascara noir. Super, en plus d'avoir l'air d'une folle, je ressemble à un panda. Je finis de rassembler mes affaires en silence et me relève, il fait de même. Jeremy me regarde d'un air inquiet.

- Dure matinée ?

J'acquiesce, avant de me justifier.

- Oui, c'est un peu les montagnes russes émotionnelles dernièrement.

- Je suppose que perdre ses clés, c'était la goutte de trop ?

- On peut dire ça.

Je lui adresse un léger sourire. Je ne vois pas quoi dire d'autre alors je m'approche du seuil de mon appartement, lorsqu'il m'interpelle.

- Hé 4A ! Enfin Agnès, je.. Hum, enfin ce n'est peut-être pas le bon moment, mais je me disais que... si tu veux te changer les idées... enfin ça pourrait être sympa de boire un verre un de ces soirs... tous les deux.

- Euh oui pourquoi pas. Je lui réponds en rougissant soudainement intimidée par sa présence.

- Lundi je bosse tard mais mardi ?

J'hésite une minute avant de répondre. J'entends d'ici Laurie et sa théorie farfelue qui consiste à ne jamais accepter la première date mais d'en proposer une soi-même.

- Plutôt mercredi, si ça te va.

- Ok pas de problème, je passerai te chercher vers 19h30.

- Je ne sais pas à quelle heure je rentre, c'est en fonction de la quantité de travail.

- Si tu préfères, envoie-moi un message et je passe te prendre là-bas ?

J'opine, nous échangeons nos numéros, il me lance un sourire de star, pendant une seconde j'oublie tout, je me ressaisis avant de baver sur le carrelage du pallier.

- A mercredi alors.

Il me salue avant de rentrer chez lui, je fais de même. Je garde un œil sur le palier maintenant désert avant de fermer doucement la porte. Je m'y adosse et me laisse glisser doucement.

J'aimerais prendre mon téléphone, appeler Laurie et tout lui déballer. Je n'ai jamais eu de secret pour elle. Mais là, je ne peux pas me confier à elle sur ce que je vis avec Clément ou Monroe... qui qu'il soit aujourd'hui. Je pourrai lui raconter pour Jeremy mais elle me harcèlera pour aller faire du shopping en prétextant qu'il me faut la tenue parfaite pour ce rencart, mais ce n'est même pas un rendez-vous. C'est juste deux voisins qui vont boire un verre, mais ça elle ne voudra pas l'imprimer. Et puis, au final quel intérêt de blablater pendant des heures sur Jeremy alors que je ne peux pas aborder le sujet qui me brûle les lèvres. Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté d'aller boire un verre avec lui. Bon ok, si je sais il est à tomber, et plutôt sympa, et si ça peut m'aider à ne pas penser à Clément toute la semaine, ce n'est peut-être pas plus mal.

Je reste là, assise par terre contre ma porte d'entrée jusqu'à ce que mon estomac me ramène sur terre. J'ai les jambes engourdies. Je me lève ou du moins j'essaie avec une grasse toute relative. J'ai faim, mais pas le courage de cuisiner, et j'ai aussi besoin d'une douche.

Je m'approche de mon congélateur pour en sortir une pizza surgelée au poulet et poivron, je règle le minuteur et le thermostat de mon four, puis j'enfourne mon repas.

Pendant le temps de cuisson, je prends une douche rapide, j'essaie de me détendre, mais dès que je ferme les yeux ce sont ceux de Clément que je vois.

J'enfile un pyjama, de toute façon, je n'ai pas envie de m'habiller et ce n'est pas comme si je comptais ressortir de chez moi aujourd'hui. J'attrape mon dîner, et un plaid avant de m'installer bien confortablement devant ma télévision. En zappant je tombe sur une rediffusion de la première saison de Desperate Housewives.

Je passe le reste de mon dimanche, avachie sur mon canapé, partageant mon temps entre les moments de déprime, où je reste à regarder dans le vide pendant un temps incertain et les quelques autres moments où le sommeil me traine vers ce passé qui n'était que mensonge. Je revis encore et encore le moment où j'ai appris la mort de Clément. Mon portable sonne pour m'annoncer que le lundi matin est arrivé, je n'ai presque pas dormi. J'essaie de cacher le dégât causé par ma nuit cauchemardesque, mais sans grand succès. Je respire, il faut que je domine cette peur qui me tord le ventre. Je me concentre sur le peu de certitudes qu'il me reste, Clément est en vie, et je refuse de le perdre à nouveau.

***

Bonjour à tous !

Nouveau chapitre après une trêve hivernale, Désolée pour cette période sans chapitre.

Merci à ceux qui sont au rendez-vous malgré l'attente !

Juré ! Caché !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant