Chapitre 9 : Agnès

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Je n'ai pas forcément envie de le suivre, mais il vient de me sortir d'un mauvais pas et il n'a pas l'air d'humeur à discuter. Alors, à contre cœur, j'attrape le casque qu'il me tend et le mets, il est  trop grand pour moi. Il prend place sur la moto, je grimpe derrière lui sans un mot. J'ajuste ma position de façon à ne pas être gênée pas mon fourre-tout, pour le coup je regrette un peu de le balader partout. Il démarre en trombe, je m'agrippe de mon mieux. Je me serre contre son dos et ferme les yeux. Il slalome entre les voitures, et il roule assez vite. Je ne suis pas super rassurée. Tous mes neurones se reconnectent enfin ! Ça c'est passé tellement vite que j'ai du mal à réaliser que c'est lui ! Il est là ! Je n'ai pas rêvé ! Je ne suis pas folle !

Il ralentit, monte sur le trottoir et s'arrête devant une petite maison. Il coupe le contact et met le pied à terre. Il me tend la main pour m'aider à descendre. J'ai à peine le temps de poser les pieds au sol, qu'il resserre sa prise autour de ma main qu'il tient toujours, il attrape ses clés de sa main libre et déverrouille la porte de la maisonnette. Il m'entraine à l'intérieur et claque la porte derrière nous. Je dégage ma main, il s'approche tout doucement et m'aide à ôter le casque.

Il jette le casque sur le canapé et retire sa veste qui finit au même endroit. Je le regarde faire incapable de détacher mon regard de lui. Pourtant, lorsqu'il pose ses yeux sur moi, je fuis son regard et reporte mon attention sur le lieu où je me trouve. C'est vraiment tout petit et très sombre, il n'y a qu'une seule fenêtre et elle est condamnée. Le coin gauche est composé du canapé sur le quel il a jeté ses affaires, dans le prolongement il y a un mini coin « cuisine », enfin, c'est un bien grand mot, pour un micro onde posé sur un mini frigo situé à côté d'un évier et d'un placard. C'est « minimaliste ». Juste en face du coin cuisine-salon, il y a un lit, donc c'est un coin cuisine-salon-chambre. L'autre côté de la pièce est coupé en deux, une partie est fermé, l'espace ouvert est composé d'un banc de musculation et d'autres appareils de torture dont j'ignore le nom, il y a aussi un sac de frappe suspendu au plafond par une chaîne. Visiblement tout le budget déco est passé dans l'attirail de sport !

Au moment où je termine mon inventaire des lieux je reporte mon attention sur lui, je ne peux pas m'empêcher de le détailler. Je vois bien qu'il a beaucoup changé, rien que sa carrure est impressionnante, avant il était sportif mais assez fin. Mais malgré tous les changements je remarque aussi les similitudes qui le relient avec celui qu'il était par le passé, le Clément que j'ai connu. Lui aussi me détaille des pieds à la tête, lorsque mon regard croise le sien, je le soutiens une seconde avant de me défiler, mes pieds n'ont jamais été aussi intéressants. J'ai du mal à le regarder dans les yeux, les miens me brûlent, je retiens mes larmes, c'est si irréel d'être ici avec lui. Je perds le combat, et une larme solitaire coule le long de ma joue. Je ne veux pas pleurer et encore moins qu'il me voit pleurer. Je lui tourne le dos et je me rapproche du fauteuil pour y déposer mon sac à côté de ses affaires de moto, il commençait à peser sur mon épaule. J'ai l'impression qu'aucun de nous deux n'est décidé à parler.

C'est Clément qui fait le premier pas, il s'approche de moi et m'attrape doucement le poignet, pour que je me tourne vers lui.

- Agnès, regarde-moi.

De sa main libre, il m'attrape délicatement le menton pour que je le regarde dans les yeux. Avec son pouce il essuie une larme qui a terminé sa course sur le coin de ma bouche. Je ne sais pas s'il arrive à comprendre à quel point je suis bouleversée. Je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe, j'ai envie qu'il me serre dans ses bras mais avant tout je veux des réponses.

-  Que s'est-il passé ?

Ma voix n'est qu'un souffle.

- Tu veux dire avec les gros bras de tout à l'heure ? Tu t'es simplement retrouver au mauvais endroit.

- Non ! Je parle de toi ! Qu'est ce qui t'es arrivé ? Je ne comprends rien ! Tu étais dans l'armée, tu as disparu, on t'a déclaré mort ... et aujourd'hui tu es là devant moi et tu traines avec des membres de... gang ! Ça ne te ressemble pas !

Je lève mes mains pour englober la pièce.

- Cet endroit ne te ressemble pas !

- Je ne peux rien te dire.

Quoi ? Mais c'est une blague ! Je ne peux pas accepter cette réponse ! Je refuse cette réponse ! Comment peut-il réagir avec tant de détachement, je sens que ma surprise se transforme en colère. Sérieusement c'est qui ce gros égoïste qui refuse d'expliquer pourquoi il a simulé sa propre mort ?

- Ah oui parce ce que c'est tellement plus simple, de se faire passer pour mort ! Que d'admettre qu'on a des ennuis, c'est quoi des dettes, la drogue ? Les deux peut-être ? Mais est-ce que tu as pensé à ce que pouvait ressentir ta mère ? Et Susie ?? Tu crois qu'elles méritent ça ??!

Il sourit, il OSE me sourire, mais quel salopard ! Je pointe mon index sur ses pectoraux.

-  Parce qu'en plus ça t'amuse, laisse-moi te dire que t'es un sal con ! Tu m'entends Clément Dumezt ! T'es un sale con !

Je me dirige vers la porte, je l'entrouvre mais il passe son bras au dessus de moi et la referme. Je le sens dans mon dos, il bloque la porte, je me retourne et j'essaye de le repousser. Peine perdue... il ne bouge pas d'un milimètre, il est beaucoup trop fort.

-  Laisse-moi partir !

Il me plaque entre son corps et la porte, je me débats ! Je le cogne avec mes poings sur son torse. Ça ne change rien ! Il plaque ses grandes mains contre les montants de la porte de chaque côté de ma tête. Je me fige, et lève les yeux vers lui, son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Il était déjà aussi beau, avant ?

Agnès, tu divagues ! Ce n'est pas le moment, ressaisis-toi ! Je me gifle mentalement.

-  Calme-toi ! Tout ce que tu as besoin de savoir c'est que je n'ai pas mal tourné, je m'drogue pas, et pour le reste c'est ... confidentiel, rien qu'en t'aidant tout à l'heure j'ai merdé, mais j'avais pas le choix ! Qu'est-ce que tu faisais là-bas ? Ce n'est pas vraiment le genre d'endroit où on trouve des filles dans ton genre.

- Dans mon genre ? Qu'est-ce que ça veut dire ça, exactement ?

J'aurai voulu répondre avec plus de mordant mais j'en ai été incapable. Je réfléchis à la révélation qu'il vient de me faire. Confidentiel, mais pourquoi ? 

Une fois encore ma réaction le fait sourire.

- C'est tout ce que tu retiens de ce que je viens de te dire !

Il secoue la tête, visiblement amusé, puis il poursuit.

- Ça veut dire qu'on n'en voit pas souvent dans ce trou des petits bouts de femme bien propre sur elles, comme toi, n'y voit rien de négatif. Tu ne m'as pas répondu, que faisais-tu là-bas ?

Sa réponse me fait rougir. C'est Clément, Agnès merde ! Pourquoi le fait qu'il soit proche me trouble autant ? Il tient toujours la porte fermée, je baisse les yeux, avant de me confesser. 

- Je te cherchais, je suis désolée mais je voulais te revoir après l'autre fois. Je n'ai pas arrêté d'y repenser. J'avais du mal à croire que ce n'était pas toi... je ne savais pas... j'ai cru devenir folle. Il fallait que je te retrouve, il fallait que je sache ... J'ai repéré ta moto sur le trottoir alors j'ai suivi l'allée dans laquelle tu étais entré l'autre fois, je ne voulais pas t'attirer des ennuis.

Il soupire et pose son front contre le mien. Je ferme les yeux appréciant ce contact. J'ai encore du mal à m'y faire ! Il est là ! Différent, mais en vie.

Mon meilleur ami est en vie ! Et c'est ça le plus important, non ?

Juré ! Caché !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant