Chapitre 43 : Monroe

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Garder les yeux ouverts, c'est ce que m'a conseillé Ava, et ça me trotte dans la tête pendant toute ma session d'entrainement. Au fond, je sais que ça commence à craindre, mais pour le moment, je dois me contenter de faire bonne figure.

J'ai pas le temps de finir mes séries, comme je me suis pointé en retard, mais ça valait tellement le coup ! Je me grouille de prendre une douche, et de me rhabiller. Je rejoins Bart, qui m'attend devant la salle, une clope à la main.

- Tu devais pas arrêter cette merde ?

- J'essaie d'arrêter nuance, mais c'est juste impossible quand tu passes ton temps avec des fumeurs.

Il me répond, mais ses yeux restent fixés ailleurs, je suis son regard, et remarque une berline bleue nuit garée de l'autre côté de la rue.

- Y'a un problème avec cette caisse ?

- J'ai comme l'impression de la voir partout.

- C'est la même ? Tu crois qu'on nous suit ?

En disant ça, je repense illico à ce que Ava vient de me confier, d'un autre côté y'a Jeremy aussi qui doit trainer dans le secteur mais il ne serait pas assez con pour nous filer au train. Enfin j'espère, Bart secoue la tête en signe de négation.

- Honnêtement, j'en sais rien, c'est une bagnole assez rependu, idem pour la couleur, pas de signe distinctif, rien. Je me fais peut-être un film, mais on va vite le savoir j'ai noté la plaque.

- Ouais, vaut mieux assurer nos arrières.

Je grimpe en bagnole avec Bart vu que je suis venu à pied, on fait un détour pour aller manger un truc vite fait, avant de faire ce pour quoi Tino nous paye.

Tout le long du trajet, je garde un œil dans le rétroviseur, aucune bagnole en vue, J'ai pas l'impression qu'on soit suivi à moins que Bart les ai poussé à être plus vigilant. Quoi qu'il en soit, je compte bien rester sur mes gardes.

Une fois, n'est pas coutume la journée s'est passé s'en encombre. De retour, au Jabba, je fais un tour d'horizon, surveillant les voitures garées à proximité, je vois bien que Bart fait la même chose, d'un signe de tête, il me fait comprendre qu'il n'a rien repéré. Une fois à l'intérieur, nous ne perdons pas de temps, et filons la tune à Royce, et la commande à Mac.

Ces derniers temps, j'évitais de m'éterniser mais ce que m'a dit Ava m'a fait réagir, toute cette histoire avec Agnès m'a rendu moins attentif, et je suis certainement passé à côté de certaines choses.
Du coup, quand Bart me propose de boire un verre, j'accepte, et pour me faire « pardonner » mon manque de disponibilité je propose de payer la première tournée.

Il va se poser, et je me dirige vers Jack, si je veux des infos, y'a pas mieux.

- Salut Jack !

- Hé Monroe, ça fait un bye !

- Ouais je sais, je ...

- T'évitais la petite brunette ? Tu peux pas me la faire à moi j'ai bien vu que vous vous évitiez.

Je rigole et passe ma main dans mes cheveux, feignant d'avoir été découvert.

- Bah t'en fait pas les femmes c'est toujours compliqué à comprendre. Qu'est-ce que je te sers ?

- Deux bières.

Il se retourne pour prendre les deux verres, et commence à servir les bières.

- C'est carrément calme, non ?

Jack hausse les épaules et pose la première bière sur le comptoir.

- Il est encore tôt.

J'essaie de creuser un peu plus, mais je ne récolte rien de plus qu'un regard noir. Il pose le second verre sur le comptoir, et me répète la même connerie, il y a quelques semaines le Jabba était plein à craquer à n'importe quelle heure de la journée.

Bien sûr à cette époque-là même les petites frappes qui bossait pour les chefs de secteur squattait ici, puis ça a changé, et là, le Jabba est de moins en moins fréquenté, bientôt il sera aussi désert qu'une boucherie dans une ville de végétarien !

Je le remercie, et les verres à la main je rejoins Bart. Installé à notre table habituelle, il a le regard noir et fixe une porte à l'étage.

- Qu'est-ce qu'elle t'a fait cette porte ?

- Molly y est avec ce connard de Firenze.

Il boit une gorgée avant de continuer.

- Depuis qu'elle me fait la gueule il la colle comme pas possible.

- Tu veux toujours pas me dire ce qui s'est passé ?

- J'ai couché avec Laurie.

- Ça je le savais. T'as pas été assez bête pour le lui dire quand même ?

- Non ! Bien sûr que non, le pire c'est que de base je voulais même pas le faire, j'étais venu voir Molly ..

- Et elle « bossait » ?

- Ouais... J'en suis pas fière, mais j'ai pété un câble, elle aussi. J'avais du rouge à lèvres dans le cou, bref on s'en fout de ça. On a tous les deux gueulaient.. et j'ai été trop loin... maintenant elle refuse de m'adresser la parole.

- Et toi ?

- Quoi moi ?

- T'as encore envie de lui parler ?

Il soupire.

- Franchement, ça me fait chier qu'elle soit avec un autre, mais d'un sens je me demande si tout ça, c'est pas juste de la poudre aux yeux, la fille avec qui je couchais depuis tout ce temps, avec qui je pensais vivre un truc, avoir une relation, cette fille-là n'existe pas... c'est juste une illusion, une image qu'elle donne.

- Et avec Laurie ?

Nouveau soupire.

- J'en sais rien, j'aime bien ce que j'ai vu de sa personnalité, au pieu c'est ouf, mais j'ai pas l'impression que je pourrais la connaître vraiment, cette nana c'est fort Knox. Et même c'est pas comme si on avait vraiment le choix, comme ça vite fait, ça passe, mais j'ai pas envie de la mettre en danger, elle mérite pas ça.

Cette phrase est un écho direct à mes propres doutes, à la seule différence que je connais Agnès, et que côté sentiment, mon sort est scellé depuis bien longtemps.

***

Nous finissons notre troisième tournée, et la soirée est déjà bien entamée. Molly est redescendu depuis un moment déjà, et elle fait son petit numéro, autant pour les quelques clients présents, que pour attirer l'attention de Bart, qui tente de ne rien laisser paraître mais je sens bien qu'il est à deux doigts d'exploser quelques nez.

- Tu me ramènes ?

Je dois le relancer deux fois pour qu'enfin il accepte de décrocher son regard du numéro de Molly.

- Ouais cassons-nous d'ici.

Il part comme une balle, je le suis à travers les tables du bar, je salue rapidement Jack, et Booba, et suis Bart à l'extérieur.

- Aucun commentaire. Ok ?

J'acquiesce, la route jusqu'à mon appart ne m'a jamais paru si longue, le silence est total. Je n'aime pas tellement l'idée de laisser Bart dans cet état, mais je le connais assez bien pour savoir qu'il se calmera tout seul, je ne peux rien faire pour lui, là tout de suite.

Je sors de sa bagnole, il m'adresse un signe de tête et se casse, je m'approche de ma porte d'entrée, en examinant la rue à droite puis à gauche. Toujours pas de trace de la berline. La rue est quasi déserte, il n'y a qu'une femme qui marche, d'ailleurs je me demande comment elle fait, perchée sur des talons aussi hauts.
Je l'observe rapidement, et je sens que quelques choses clochent. Je reste dos à la rue, surveillant dans sa direction du coin de l'œil, la main dans ma poche comme si je cherchais mes clés, je garde mon balisong à proximité au cas où.
Le bruit de ses talons sur le trottoir résonne dans la rue, je surveille ses pas, elle s'approche, et s'arrête à ma hauteur.

Juré ! Caché !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant