Jour 13

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"Would you ever turn your head and look see if I'm gone cause I fear."

Maroon 5 - Tangled

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Comme s'il me donnait les informations de lui-même, j'ai l'étrange sensation que le parc n'est pas le lieu où je dois me trouver ce soir. Il est envahi de diverses âmes en tout genre et même la colline située en hauteur de celui-ci semble occupée. L'endroit ne devient petit à petit plus le mien et je ne sais qu'en penser. Peut-être que, comme mon livre, il a trop de fois été mon exutoire et que cela n'est plus suffisant aujourd'hui. Peut-être est-ce mon inconscient qui trouve ces excuses pour m'attirer vers un nouvel antre. Quelque chose d'à la fois nouveau et intimiste. Une caverne bien à moi, où je pourrais tenter de me ressourcer et de devenir, l'espace d'un instant, l'adolescent que j'aurais dû être. Celui qui pense à sa tenue prochaine, à l'équipe de football qu'il veut soutenir et au sexe. Je ne pourrais certifier vouloir penser aux filles, quand aucune d'elles ne m'a jamais attiré, mais dire que les garçons me font cet effet serait également mentir. En réalité, caverne ou non, j'ai peur de tout, et de tout le monde. Alors jamais ni femme ni homme ne m'a un jour attiré. La distraction la plus excitante de ma vie est la littérature. Et le dessin aussi, j'oubliais. Mais même dans cette catégorie, il y a bien longtemps que rien ne m'a assez inspiré pour que je reprenne mes outils en main. L'amour, que ce soit sous ses formes physiques ou artistiques, n'est simplement pas quelque chose pour moi. Je me suis rendu à l'évidence il y a de cela bien longtemps et n'en souffre pas. Ainsi va la vie, disent-ils.

A ce que je crois bon escient, je me retrouve à marcher dans une ville dont il me semble connaître tous les secrets et tout endroit susceptible de me plaire, sans essayer de m'intéresser à ce que la nature me cache sans nul doute. Je vois les mêmes routes que d'habitude, les mêmes arrêts de bus et les mêmes carrefours. Pourtant, bêtement, je continue ma progression entre la lueur des réverbères et celle de l'aurore, sous la douce brise de cet été indien. Je n'ai même pas peur de tomber sur Calvin ou l'un de ses sbires. Après tout, si je devais mourir, cela ne serait pas une si mauvaise nuit. Ma sœur me déteste, je me déteste, le monde me déteste. Personne ne pleurerait réellement mon départ, pas vrai ?

Voguant aux quatre coins de l'agglomération, je me prends à découvrir des odeurs et des couleurs que je ne soupçonnais pas en ces mois d'automne. Les végétaux sont parfois bien plus secrets qu'on ne le croirait et pourtant, eux, la planète entière en raffole. Que le monde est mal fait. Mes pieds accrochent le sol, le bout de mes chaussures râpent le goudron et bientôt, en relevant les yeux de la route, je prends conscience que ma bourgade à en réalité encore quelques secrets pour moi. Le dos voûté comme si le monde pesait sur mes épaules, je m'aventure dans ce recoin que je n'avais jamais aperçu avant et qui semble impossible à apercevoir de la route. Un sain d'esprit ne s'y aventurerait pas, il rebrousserait chemin, surtout à la nuit tombée, là où il est possible que réseau il n'existe pas. Mais ne me le répète-t-on pas assez souvent ? Je ne suis pas, sain d'esprit. Et à première vue, l'endroit me donnerait presque l'impression d'être vivant. D'apparence désert, il semblerait que la rivière qui traverse la ville vienne se déverser un temps soit peu ici même, amassée dans un lac plus imposant que je ne l'ai cru au départ. A des yeux sachant reconnaître la beauté, ce petit coin pourrait presque ressembler au paradis. Un ponton de bois passe au dessus de l'étendu d'eau, se moulant d'une rive à l'autre, alors que la beauté des fleurs parsemées ici et là vient répercuter le clapotis reposant et serein se faisant entendre. Visuellement, le paradis ne doit pas être si différent de cela. C'est certain.

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant