Jour 94

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"Please talk to me, tell me everything, it's gonna be alright."

Maroon 5 – Hands All Over

*


Ça aurait pu être un samedi soir normal. Calliopé aurait été dans sa chambre, riant aux éclats en téléphonant à sa meilleure amie, alors que la cuisine aurait été sans dessus dessous comme chaque fin de semaine depuis des années. Tradition du week end chez les Slade, la vaisselle c'est le dimanche matin. Pendant ce temps, moi, j'aurais été perdu dans cette grande maison, partagé entre le désir de m'allonger sur mon lit avec un bon bouquin et celui insensé de fuguer à nouveau.

Sauf que depuis ces temps révolus, près de trois mois sont passés.

Ce soir, la cuisine est vide, ou presque. Sur la table il n'y a qu'une boite de pizza énorme, avec encore plus de la moitié de son contenu à l'intérieur. Il n'y a personne non plus dans la chambre de Calliopé. Enfin libre de pouvoir clamer à la population entière du pays qu'elle n'est plus célibataire, Gwendal l'a emmené dîner en m'assurant qu'il ne la laisserait pas rentrer ici avant demain matin, au plus tôt.

Quant à moi, qu'en dire ? Peut-être est-il déjà utile de préciser que je ne suis plus un homme partagé et qu'à mon tour, j'ai choisi ma voie. La fenêtre et la liberté qu'elle m'apportait lorsque je descendais par elle ne m'attire plus, et en cet instant précis, moins encore. En trois mois, j'ai grandi, mûri et commencé à guérir. Je le ressens, au plus profond de moi. Je ne suis plus la même personne qu'en début d'année. Je ne suis plus un adolescent, je suis en train de devenir un homme, ou quelque chose s'en rapprochant très vaguement. Car ce soir, je ne suis pas seul ; je ne le suis plus depuis deux mois.

Ces dernières semaines ont permis à toutes mes barrières de tomber et de laisser place à celui que j'aurais dû être depuis bien longtemps. Il m'arrive souvent d'y songer et c'est encore plus plaisant lorsque je le fais en sentant les doigts d'Azraël caresser doucement la base de mon dos, me faisant frissonner. Son autre main retient la mienne contre sa poitrine et je regarde tendrement nos doigts liés alors que se termine le film que j'avais glissé dans le lecteur. Je vogue dans un nouvel univers, en tous points différent du monde que j'ai toujours connu, là où tout va pour le mieux et où je suis enfin libéré et heureux.

« Tes mains sont froides. »

« Réchauffe-les. »

Nous sourions face à sa façon de glisser la chose, alors que nous savons tous deux qu'à la base, tout venait du film que nous avons regardé hier. Bêtement pourtant, je lie nos mains et les glisse contre ma poitrine tout en les frictionnant doucement. Son contact est euphorisant et je me plais à l'envisager directement sur ma peau. Je n'en ai plus peur, je crois.

« Tu penses pouvoir les lâcher ? »

« Pardon ? »

« J'en ai envie, moi aussi. »

Sa requête me semble au premier abord complètement incompréhensible, mais tout en le questionnant j'accède malgré tout à celle-ci et lâche ses mains déposant les miennes le long de mon corps. Je suis avide de compréhension.

« De toucher ta peau. J'en ai envie moi aussi. »

L'aurais-je pensé tout haut ? Je n'en suis pas convaincu, mais il ne peut y avoir d'autre réponse à ce qu'il vient de se passer. Autant ne pas essayer de réfléchir encore plus loin. La voix d'Azraël n'est plus qu'un doux murmure et l'éclat de ses yeux est plus profond que jamais. C'est un véritable maelstrom d'émotions qui me dévore et enflamme la totalité de mon être, quand bien même la chaleur de ses bras était déjà une véritable fournaise. Il n'y a aucune moquerie dans sa verve, aucune taquinerie dans son regard. Uniquement ce qui fait d'Azraël l'homme que je connais, une sincérité débordante et une pureté qui nulle part n'a sa pareille.

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant