Jour 47

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"Now I know why my heart wasn't satisfied."

Maroon 5 – It Was Always You

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Lorsque je suis rentré du lycée ce soir, je n'ai même pas essayé de passer par le pont. J'ai simplement fait un détour, au cas où, il aurait pu être là, mais une fois de plus ce ne fut pas le cas. Je n'ai pas eu de nouvelles d'Azraël depuis une semaine. Chaque soir je suis allé dans notre endroit, attendant la plupart du temps jusqu'à ce que la nuit tombe, mais jamais personne n'est venu. Pas même Calvin, et c'est une avancée certaine également.

Malgré la colère et la déception accumulées, j'ai fini par comprendre que je ne lui en voulais pas. On ne s'est rien promis, il a une vie en dehors de moi et je comprends amplement qu'il ait des choses bien plus intéressantes à faire que venir ici. Il n'a pas à sacrifier l'intégralité de ses soirées pour un mec comme moi.

La seule chose que j'arrive vraiment à ressentir de tout ceci, c'est la peur. Une peur constante et si peu familière à celle qui me traverse le plus souvent. Une peur glaciale, infernale ; celle de l'abandon. Mon histoire ferait fuir n'importe qui, je m'en suis convaincu avec le temps. C'était déjà complètement fou qu'Azraël reste près de moi alors je n'avais rien à lui offrir, alors comment ai-je pu être assez naïf pour croire qu'il puisse revenir à nouveau après ça ? Je ne suis rien pour lui, pour quiconque, rien hormis celui que tout le monde fuit. Alors pourquoi pas lui ? Mon idée est là, figée, impossible à écarter, même l'espoir prenant tant de place commence à s'amoindrir. Une semaine c'est trop, bien trop. Il ne reviendra pas. Et ça me détruit de l'assimiler.

Alors lorsque que j'entends Calliopé frapper à la porte de chez nous, je ne prends même pas la peine de bouger. Je suis triste, je suis égoïste, je l'assume et je me fous du reste. Je me fous du fait qu'elle soit rentrée plus tôt du boulot, je me fous que ma clé soit sur la porte et qu'elle ne puisse l'ouvrir, je me fous de la laisser mourir de froid dehors. Mourrons tous ce soir. Elle du froid extérieur, moi de celui intérieur. Sauf que les coups se font plus forts, voire violents, et que mon cœur rate un battement lors du coup fatal. A l'entendre s'exciter ainsi contre ce bout de bois miteux, on croirait que c'est une question de vie ou de mort. Et sans le savoir, elle vient de me pousser un cran au dessus. Désolé grande sœur, mais pour la frayeur que tu viens de me causer, tu peux toujours te mettre le doigt dans la bouche pour voir si ça le réchauffe. Je ne descendrai pas ouvrir la porte, ni maintenant, ni dans dix minutes. Et pour être certain de ne plus entendre le bruit assourdissant qu'elle produit, je monte dans ma chambre à l'étage, m'étends sur le dos au dessus de mes couvertures et glisse mes écouteurs dans le creux de mes oreilles.

Les habitudes ne changent pas. Le premier morceau qui s'enclenche est un titre aléatoire. Je ne supporte pas de savoir à l'avance ce que je vais écouter et l'invention de ce mode est la plus belle des trouvailles pour un garçon comme moi. Et comme si mon portable était lié avec mon humeur, ce sont de douces notes de piano qui atteignent mes oreilles. La Valse Pure est une merveille musicale dont les mérites ne sont plus à attribuer. Si Chopin pouvait se rendre compte des sentiments ô combien nombreux que me transmettent ses morceaux, j'espère qu'il serait fier de lui. Chaque fois que ce doigté m'entoure, j'imagine des tas de danseurs étoiles s'exprimer sans un seul mot. J'aimerais bien voir un ballet, un jour, mais Calli n'a plus été en voir un depuis la mort de maman. C'est elle qui l'avait initié. Et si elle ne le fait pas à son tour avec moi, jamais personne ne le fera.

Des trois thèmes composant le morceau, il est évident que mon favori est le C, pour sa douceur et sa sensualité. Pourtant, à mon grand damne, il est le seul à n'être présent qu'une fois dans la composition, contre deux pour le A et trois pour le B. Comme si même Chopin avait su quoi faire pour m'emmerder. Et je sais parfaitement que c'est d'une débilité sans nom, d'ainsi nier la beauté des deux autres alors que les thèmes sont tous extrêmement similaires. Mais je ne peux m'empêcher de m'épanouir plus encore sur le C et de penser que s'il est le moins présent, c'est bel et bien pour me couper l'accès au bonheur.

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant