Jour 91

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"It's you that I could never live without."

Maroon 5 – The Air That I Breathe

*


Hormis Azraël, je n'avais jamais parlé autant de mots à une personne qu'à cette petite blonde en face de moi, et penser que c'est plaisant est presque normal pour moi à ce jour. Sur les conseils de mon petit-ami, j'ai laissé Moïra revenir vers moi et ai essayé de ne pas laisser mourir la discussion lorsqu'elle la fait. Aujourd'hui, après plus d'un mois de relations entre deux rendez-vous chez la psy, je peux dire qu'elle est ce qui se rapproche le plus d'une amie. Je ne sais pas pourquoi elle consulte, elle ne sait pas pourquoi je viens ici et je suis intimement persuadé que c'est mieux ainsi. J'ai plaisir à croire que nous nous parlons parce que nous éprouvons de la sympathie l'un pour l'autre, et pas seulement parce que nous sommes tous deux suivis par le même médecin. Nous n'avons pas tous les mêmes problèmes, les mêmes règles, les mêmes limites et il me semble que savoir la raison de notre venue ici changerait quelque chose à ce que nous avons construit. Nous avons appris à nous connaître en qualité d'Homme, et non de patients.

« Non mais Star Wars mec ! Comment tu peux trouver un film mieux que Star Wars ? »

« C'est dépassé comme truc, les effets spéciaux sont à pleurer et tu as vu ces sortes de... »

« Ça date des années quatre-vingt abruti, forcément que les effets spéciaux claquent moins que ceux du Seigneur des Anneaux. »

« Je m'en fous. Jackson a mis en place la meilleure saga cinématographique jamais réalisée, je n'en démordrai pas. »

« T'as le droit d'être con tu sais. »

« Et tu as le droit d'être une peste. »

En réalité, Moïra est le genre de personne qui habituellement m'exècre. Elle prend tout pour acquis, sourit tout le temps et m'a très rapidement parlé comme si j'étais son meilleur ami et qu'on se connaissait depuis des années. J'ai eu du mal avec cela au début, mais chaque fois que j'en parlais avec Azraël, il brisait ma carapace et me montrait comme j'appréciais ces choses là, au fond. Et une fois de plus, il avait raison.

« Je ne devrais même pas adresser la parole à un homme qui préfère le Seigneur des Anneaux à Star Wars tu sais. C'est contre mes principes. Mais tes boucles sont sympas, donc si tu me donne le secret on peut s'arranger. »

« Tu es toujours comme ça ? »

« Comment ? »

« Laisse tomber Moïra. Tout va bien. Même si tu aimes Star Wars. »

« Espèce de... »

« Mademoiselle Wysocki, c'est à nous. »

Sa tension croît d'un coup, comme chaque fois que son nom est appelé. Je n'ai pas encore réussi à savoir si c'était ses rendez-vous qui la faisaient tant se tendre, ou si c'était le fait qu'on l'appelle par son nom de famille. Mais je me le suis promis, jamais aucune question sur nos problèmes, nos séances. Jamais de questions personnelles. Et à ce stade, je suppose que ce n'est pas grave, tant qu'elle et moi vivons bien ces discussions sans queue ni tête que nous partageons.

« Monsieur Slade ? »

Tandis que je vois Moïra rentrer dans le bureau de notre psychologue commun, et que je réponds à son sourire chaleureux, je me tourne vers mon médecin avec un air suspicieux.

« Pourquoi Moïra ? »

« Pardon ? »

« Vous refusez toute trace d'amitié depuis des années Séraphin... »

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant