Jour 213

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" Just give me one more chance to make it right, I may not make it through the night."

Maroon 5 – I Won't go Home Without You

*


Si trois mois semblent longs, laissez-moi dire que quatre sont pire encore. Mais c'est assez pour guérir. Avouer à tout juste dix-huit ans que j'avais en effet réellement essayé de me tuer a jeté un froid sur bien des personnes. Beaucoup ont cru que je ne me relèverais pas, que je n'arriverais pas à sortir d'ici. Au final, j'en sors vainqueur. Aujourd'hui est mon cent seizième jour d'hospitalisation. Le cent seizième et le dernier. Aujourd'hui, je retrouve enfin la liberté. Mes valises sont toutes prêtes et j'attends juste le départ.

« Séraphin ? Nous pouvons entrer ? »

Ils doivent bien être quatre à attendre devant ma porte et je rigolerais de leur refuser l'accès à la pièce. Sauf que si je le faisais, d'abord ils n'en tiendraient pas cas et puis, le jour où je quitte l'endroit, ce ne serait sans doute pas la meilleure chose à faire.

Le docteur Alden est là, juste derrière les médecins titulaires de l'établissement qui ont suivi mon cas. Et encore derrière eux, avec son mètre soixante à tout casser, j'aperçois les cheveux de ma sœur, ainsi qu'une faible trace de son regard. Il semble briller, pour la première fois depuis que je suis ici, et son ventre est plus rond encore que la semaine passée.

« Vous allez bien aujourd'hui ? »

« Matt m'a réveillé cette nuit, il hurlait encore que quelqu'un avait essayé de l'empoisonner. Mais à part ça, je vais bien, je crois. »

« Oui, il semblerait que ce soit loin d'être la première fois, nous allons trouver une solution pour cela. »

« Il semblerait aussi qu'à partir de ce soir, ce ne sera plus mon problème. »

« Toujours le même Séraphin. »

« Tu ne me revendiquerais plus comme ton frère si j'étais différent Calli. »

Les trois médecins rient, tandis que ma sœur se contente de hocher la tête. Au fond, je sais lire en elle qu'elle est peut-être plus heureuse encore que moi de me voir quitter l'établissement. Je sais qu'à l'extérieur je devrais encore affronter le regard des gens, mais je ne doute pas qu'elle ait déjà fait la morale à tous ceux qui me cherchaient des ennuis.

« Vous avez bien compris notre marché Séraphin ? »

« Prendre les doses correctes des médicaments prescrits, chaque jour, et sans faute. M'isoler si je sens un excès de colère trop important s'emparer de moi et appeler tout de suite le docteur Alden si je vais mal, jour comme nuit. »

« Mon numéro de portable est toujours le même Séraphin, sers-toi en à volonté. »

Le sourire de ma psychologue est sincère et je me demande si elle aussi n'est pas aussi heureuse que ma sœur et moi de me voir sortir.

« J'ai maintenu notre créneau horaire du jeudi après midi, Moïra est impatiente de te revoir. »

« Je crois l'être tout autant qu'elle. J'ai regardé Le Hobbit hier et j'avais raison, Peter Jackson est bien meilleur que Georges Lucas. »

« Évite de le crier trop fort, tu vas lui briser le cœur. »

« Il est temps qu'elle comprenne la chose. »

Et alors que nos deux rires s'élèvent dans la pièce, les titulaires ne savent plus quoi faire. C'est de leur devoir de remettre la discussion dans les rails, alors ils poussent légèrement Alden pour venir me faire passer une dernière batterie de petits tests.

La chose se fait dans un silence profond, et serein. Je fais ce qu'ils me demandent, quand ils me le demandent, et très vite, tout est en forme.

« Séraphin, il nous reste une question à aborder. »

« Oui ? »

Par avance, je sais laquelle cela va être et je rigole intérieurement en leur faisant l'un des sourires les plus innocents qui soient. Je suis malade, pas con.

« Nous sommes d'accord sur le fait que vous n'avez-vous pas vu Azraël dernièrement ? »

« Pas depuis plusieurs semaines monsieur. A dire vrai, ça doit bien faire trois mois. J'ai fini par comprendre. »

« Comprendre ? »

« Qu'il n'était pas réel... »

« Je suis désolé Séraphin, je sais que vous... »

« Je tenais à lui, c'est vrai, mais mon esprit m'a joué des tours. J'étais dans une mauvaise période et il a su m'aider à aller mieux. Mon subconscient à su m'aider. »

« C'est dur, mais surtout, gardez bien cela en tête. Azraël n'est qu'une illusion, d'accord, »

« Oui, je sais maintenant. »

« J'espère ne jamais vous revoir ici Séraphin, jamais plus. »

« Et je l'espère plus encore que vous, croyez-moi. »

*

Jamais je n'aurais pensé qu'un simple repas avec ma sœur puisse être si bon. Sa cuisine m'avait manqué et retrouver mon chez moi après quatre longs mois est une merveille. Peu de choses ont changé, si ce n'est la présence de Gwendal et des affaires de naissance partout. Ça va égailler la maison à coup sûr et c'est une très belle chose.

Complètement épuisé à cause des derniers jours, je salue les deux amoureux avant de leur souhaiter une bonne nuit. Et la mienne sera de même, j'en suis sûr. Loin des cris de Matt et retrouvant mes étoiles si chères. Je me jette sur mon lit à peine la porte refermée derrière mon passage et je souris en posant mes yeux sur ces points scintillants au dessus de moi. Azraël les adorait. Je suis sûr qu'il en est toujours de même. Même après tout ce temps sans être venu dans ma chambre.

« Alors ? On rêvasse, bébé bouclé. »

La peur m'envahissait, je l'avoue. Je craignais qu'il ne soit pas là et qu'il m'ait abandonné, mais entendre sa voix me fait fondre de bonheur.

« Az... Tu en as mis du temps à venir. »

« Tu es rentré depuis trois heures et tu as passé tout ton temps avec Calliopé. Et puis, on s'est vu avant hier. »

« C'était trop long quand même... »

« Tais-toi Rafa, je t'en prie. »

« Fais-moi taire. »

La sensation de ses lèvres sur les miennes n'a jamais été aussi bonne. Assis sur ce lit, tous les deux, j'ai l'impression de nous redécouvrir. Se cacher durant quatre mois fut trop long et jamais un couple ne devrait avoir à subir cela.

Très vite, on a compris ce que je devais faire pour quitter l'hôpital et ma rage contre les médecins a été difficile à gérer. Ils étaient les bases du complot contre notre histoire à Azraël et moi, c'était eux qui avaient tout manigancé. Mais ce soir, ce n'est plus grave. Pendant quatre mois, nous nous sommes battus pour nous et enfin nous nous retrouvons à l'abri de tous. A l'abri des détracteurs. A l'abri des conspirateurs. Le docteur Alden étant la pire de toutes, aussi gentille paraisse-t-elle.

Nous avons prévu de nous enfuir tous les deux, d'ici quelques mois. Le temps de laisser les médecins penser qu'ils ont réussi et qu'ils ont le dessus sur moi et, surtout, que tous soupçons sur Azraël soient évincés. Dans six mois, au grand maximum, notre départ devrait être prêt.

En attendant, nous allons profiter de chaque baiser, de chaque caresse, de chaque orgasme et de chaque mot que nous avons à partager. Parce qu'à deux, nous sommes plus forts que tout. A deux, nous sommes insurmontables. A deux, nous ne formons plus qu'un.

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant