Jour 40

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"I've fallen to the darkness, It's impossible to express."

Maroon 5 – Get Back in my Life

*


« C'est encore loin ? »

« Non. »

« Combien de temps ? »

« Une dizaine de minutes. »

« Tout ça ? Merde, j'ai mal aux pieds. »

« Tu vas arrêter de te plaindre ? On dirait un gamin. »

« Excusez-moi très cher. Je n'avais pas compris que vous étiez déjà si hautement placé dans la société. »

« La ferme. »

Lorsque je suis passé près du ponton en sortant du lycée, je dois avouer avoir eu peur. Qu'il m'ait mentit, qu'il ne soit pas là, qu'il ait songé à m'abandonner à nouveau. Pourtant, en foulant le sol en bois, j'ai eu l'immense plaisir de voir sa masse de cheveux au bord de l'étendue d'eau et mon soulagement n'en a été que grand. Je m'étais à peine arrêté que déjà il me suivait, souriant, avec cette étincelle indéchiffrable dans le regard – partagé entre la joie de me voir et la fierté de me montrer qu'il était bel et bien là aujourd'hui. Du moins c'est ce que j'y ai vu, peut-être parce que c'est ce que j'espérais y voir. Mais peu importe, ce qui compte, c'est qu'il ait été là malgré tout ce que j'ai pu imaginer aujourd'hui ; je me raccroche à cette idée depuis que mon regard a croisé celui de Calvin ce matin

« Séraphiiiiiiin ! »

Le côté enfantin qui ressort de lui dans un moment pareil est adorable. Ça en agacerait beaucoup de l'entendre demander trois fois par minute si nous sommes bientôt chez moi, mais je me surprends à rire chaque fois le plus sincèrement du monde. Je ne savais plus réellement ce que cela signifiait, je n'avais plus personne avec qui partager la chose en dehors de ma sœur et bon sang que c'est bon de retrouver une telle sensation de bien-être.

C'est seulement lorsque je me retourne avec un énorme sourire aux lèvres qu'Azraël comprends où je veux en venir. En voyant la maison, son visage s'illumine à son tour et je pouffe de le voir réagir ainsi face à une chose si simple. Malgré le quartier, Calliopé et moi habitons dans une maison plutôt imposante bien trop grande pour nos deux pauvres âmes, mais dont nous ne nous séparerions pour rien au monde. Nous avons grandis ici, en périphérie de la grande ville, et tous nos souvenirs se rapportent à cette bâtisse. Pourquoi devrions nous nous en débarrasser sous prétexte qu'elle est immense et que nous ne sommes qu'un duo ? Ce n'est pas comme si nous avions un loyer à payer, alors.

La porte franchie, j'invite l'imbécile heureux qui me suit à entrer et le laisse s'imprégner de l'intérieur quelques secondes, alors que son regard se porte partout autour de lui. Mon sac se retrouve bien vite jeté au sol, suivit de mes chaussures. Uniquement. Je me rends seulement compte aujourd'hui qu'Azraël n'a jamais de sac avec lui. Il ne doit pas habiter loin et s'en débarrasse avant de venir au lac, je suppose.

« Fais comme chez toi, installe toi au salon si tu veux. »

« On ne va pas dans ta chambre ? »

Aux oreilles de n'importe qui, ça aurait paru anodin. Et en soit, sa question l'était. Je n'ai pas à sembler surpris qu'il me demande ça si naturellement, alors que la plupart des adolescents se réfugie dans leur chambre lorsqu'ils invitent des amis chez eux. Et ce n'est pas que je n'ai pas confiance en lui – pas vraiment – mais ma chambre est le seul endroit dans lequel je me sens protégé et à la fois celui dans lequel je suis le plus vulnérable. Tout de moi y est révélé, absolument tout, et je suis loin d'être prêt à le laisser en franchir la porte. Peut-être qu'un jour ça arrivera, un jour prochain ou lointain, mais pas maintenant. Pas maintenant.

SublimationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant