" Did you know that everything she ever does is for you ?"
Maroon 5 - Story
*
Il y a des années que je fais ça à la perfection. Cacher mes émotions. A la base, il n'est difficile pour personne de voir si je vais mal ou bien, parce que je me fous totalement de ce qu'ils peuvent voir. Seulement, si je suis intimement décidé à ne rien laisser paraître, là, il devient à coup sûr impossible pour autrui de lire à l'intérieur de moi. Si mon esprit a décidé de se fermer, il le restera jusqu'à ce que je sois le seul décisionnaire à ouvrir la bouche.
Soyons réaliste, c'est sans doute pour cette raison que ma psychologue vient de me faire sortir de son bureau après vingt cinq minutes de silence radio. Et quoique je veuille essayer de faire croire à quiconque, c'est loin d'être habituel. C'est elle qui me suit pour ainsi dire depuis l'accident de mes parents – ou presque – et je peux certifier qu'elle est la seule personne à me connaitre autant, presque aussi bien que moi-même, je crois. Ce qui veut aussi dire que lorsqu'elle me voit entrer comme ça, avec cet état d'esprit, elle sait par avance qu'il ne lui sera pas possible de tirer quelque chose de moi. Et puis quoi ? Elle est au courant de chacune de mes crises ou presque, ne pas être informé de celle d'hier ne changera rien au cours du monde. Je n'ai pas envie de parler de tout ça, de tout ce qu'il se passe en ce moment dans ma vie, c'est ainsi.
Après la séquence émotion que j'ai imposée à Azraël hier, je me suis surpris à baisser mes gardes plus encore en le laissant embrasser ma tempe. Celle la même sur laquelle il avait déposé ses doigts depuis le début de notre conversation. Et bien que ce ne soit qu'une paire de lèvres sur un monceau de chair pour clôturer le tout, lui comme moi savons qu'il y a eu plus que cela durant ces quelques heures qui auraient durées encore bien longtemps si le retour de ma sœur n'avait pas été trop rapide. Etre en contact avec lui, sans pour autant en être proche, me semblait à la fois rassurant et apaisant. Je sentais même renaître une part de vivacité enfouie depuis bien trop longtemps. Ça m'est vite apparu comme une évidence d'être assis dans mon canapé en pleurs, avec Azraël près de moi pour me réconforter et me tenir la main.
Lui dire tout ça aurait été briser notre jardin secret et je n'en avais clairement pas envie, le silence restait la meilleure solution. Je ne voulais pas parler, je ne l'ai pas fait, fin de l'histoire. Débattre la dessus aurait été une perte de temps sans nom pour nous deux. Plus encore quand je vois que quelqu'un est déjà présent dans la salle d'attente lorsque je sors de la pièce qui lui sert de bureau.
Partir maintenant, c'est prendre le risque de ne pas être en bon terme pour la séance prochaine. Je m'en voudrais tellement de ne pas l'avoir salué que je serais capable de m'en faire un ulcère la veille. Le souci, c'est que rester ici m'oblige à m'asseoir dans la pièce avec cette fille. Et le plus gros souci encore, c'est que je suis intimement convaincu de l'avoir déjà vu, mais que mon esprit refuse de se souvenir où et comment.
« Vous finissez tôt aujourd'hui. »
Sa voix est joviale et agrémentée d'un accent que je ne sais reconnaître. En quatre mots si simples, elle a su apporter à son visage des expressions que je ne connais plus depuis des années. J'en serais presque à me demander ce qui peut la pousser dans la salle d'attente d'un cabinet psychiatrique. Mais avant cela, je prends conscience d'un énième souci, comme s'ils décidaient de tous s'enchainer aujourd'hui.
« Comment cela, aujourd'hui ? »
Par quel exploit possible peut-elle savoir que justement, aujourd'hui, je sors plus tôt. Est-ce que c'est ici que je la croise chaque fois sans vraiment la regarder, et que c'est là la raison qui me laisse penser que son visage m'est familier.
« Ce n'est pas à toutes les séances que tu sors en avance, voilà tout. »
« J'avais compris, merci. Ce que je veux dire c'est... Comment tu le sais ? »
« Oh. Séraphin c'est ça ? Tu ne te souviens pas de moi. C'est vrai qu'on s'est peu vu, toi et moi. »
« On se connait ? »
Ma demande peu sembler froide et hautaine, mais il est évident qu'elle en sait plus que moi sur l'affaire et ça a le don de me rendre dingue. Putain, comment le monde entier peut-il savoir mon prénom alors que moi je ne sais jamais qui il est ? Comment est-ce possible que je n'arrive pas même à mettre un nom sur son visage quand elle sait le mien ? Exactement comme ça a été le cas avec...
« Azraël... »
Son prénom a quitté mes lèvres sans que je ne sache réellement pourquoi. Ça fait simplement deux énormes coïncidences que je n'accepte et ne comprends pas. Et si je le pouvais, j'interrogerais cette fille autant que possible, sauf que je n'ai pas la journée.
« Tu connais Azraël ? »
« Pardon ? »
« Bah tu sais, tu as... Dit son prénom. Et comme je le côtois régulièrement. »
« Il n'y a pas qu'un seul Azraël dans le monde, pourquoi est-ce qu'on connaîtrait le même ? »
« Sans doute parce qu'il ne peut pas en exister plus d'un seul dans les alentours. C'est certain. »
« Moïra ? Tu peux entrer je t'en pris. »
Sans me laisser le temps de la questionner plus que je ne le voudrais, Moïra donc, se lève et rejoint la porte du bureau de madame Alden. D'où est-ce qu'elle le connait ? Ils sont au lycée ensemble ? Surement. Parce que s'ils se voient régulièrement, quand est-ce que ça pourrait être d'autre ? Nous passons déjà nos soirées ensemble alors.
« Séraphin je crois que tu peux rentrer chez toi. On se voit la semaine prochaine, d'accord ? »
Répondre serait la meilleure solution pour l'énerver alors que j'ai refusé de le faire durant tout mon rendez-vous. Alors je me contente de lui offrir un quart de sourire et de me retourner pour quitter les lieux.
« Séraphin ? »
« Oui ? »
A ma grande surprise, Moïra ressort la tête du bureau et m'adresse un grand sourire, comme si elle et moi avions déjà un semblant de relation. Est-ce vraiment l'impression que je lui ai donnée ?
« A la semaine prochaine, j'espère. »
VOUS LISEZ
Sublimation
General FictionDans son sens le plus courant, la Sublimation est le passage d'un corps de l'état solide à gazeux. Séraphin est né humain, mais si le choix lui avait été possible, après la mort de ses parents, il aurait préféré devenir une étoile. Lycéen de dix-sep...