Mérite-le.

Chapitre 2

« À demain, Angelina.

- C'est ça, c'est ça. Te fais pas tuer en route. »

Uranie enjamba la marche du train pour traverser rapidement le quai de la gare. Tous les autres adolescents de la ville s'amoncelaient autour d'elle, rentrant chez eux. Elle accéléra donc le pas pour les devancer et marcher seule. Quel bordel. Uranie n'aimait pas vraiment la présence humaine.

Rapidement, elle coupa la ville par une large ruelle. L'endroit était anxiogène, mais elle n'y croisait jamais plus que deux retraités fermant leurs volets ou garant leur voiture. L'un d'eux la salua. Elle se contenta de lui répondre d'un sourire forcé joint d'un hochement de tête.

Sa clef cliqueta un instant dans la serrure et la porte s'ouvrit. Le couloir était propre et ordonné. Elle retira ses baskets et les abandonna sur le tapis à motif de l'entrée pour filer vers la cuisine.

« Il y a quelqu'un ? »

Sans réponse. Tant mieux, elle allait avoir la paix jusqu'à l'arrivée de ses parents. Sa sœur devait être à son cours de danse. Uranie enfonça deux tranches de pain dans le grille-pain et tira un tabouret pour s'asseoir en face. Bon. Elle avait survécu à la journée.

Son regard se perdit vers le seul miroir de la pièce et elle se détailla avec dépit. Son mascara partiellement avait échoué sous sa paupière inférieur, lui laissant deux petites taches noirs qu'elle effaça en frottant avec son index. Son rouge à lèvres aussi avait fait des siennes. À cause du déjeuner sûrement, il s'était grossièrement estompé. La majorité des pigments gisait désormais dans les ridules de sa lèvre inférieur, formant une mince ligne violette. Elle s'attacha rapidement les cheveux et releva le menton dans un soupir. Évidemment, pour couronner le tout, son front et les ailes de son nez luisaient.

Elle qui était si fière il y a quelques minutes encore, elle avait maintenant un peu honte. Merde, elle était dehors en ressemblant à cela. Ce n'était pas quelque chose qu'elle aimait ; montrer ses failles. C'était probablement bête de sa part, car ses failles, tout le monde s'en fichait. Il n'y avait qu'elle, pour remarquer tous ces détails.

Les tartines sautèrent, accompagnées d'un bruit de clochette agaçant. Uranie les observa. Elles étaient dorées mais pas brûlées.

Parfait.

D'un revers de main, elle les sortit et les jeta presque dans une petite assiette. Une couche de confiture dessus plus tard, elle pouvait les grignoter lentement, parcourant ses réseaux sociaux.

La fille de sa cousine marchait enfin, vidéo à l'appui. Son amie de primaire offrait au monde un selfie d'elle dans la chambre, quelque T-shirt traînant visibles derrière elle. Un autre se montrait en photo avec sa petite amie. La plus ennuyante partageait une photo du ciel plutôt médiocre. Uranie éteint le mobile et laissa l'assiette dans le lave vaisselle.

De leur misérables existences, pour sûr, elle s'en fichait aussi.

Lorsque sa mère arriva, elle monta dans sa chambre et grinça des dents. Bon dieu, ses parents avaient encore ouvert sa fenêtre pendant qu'elle était au lycée. À cause de cela, quatre petites mouches tournoyaient autour de la lampe. Si il y avait bien une chose que l'été et le printemps avait à envier à l'hiver, c'était l'absence de ces foutus insectes. Après avoir agiter ses bras pour les pousser vers l'extérieur, elle claqua la fenêtre et se laissa tomber sur son lit. Il faisait encore beau, dehors, alors c'était presque dommage de fermer si tôt. Tant pis. Ce qui n'était pas dommage, c'était qu'aucune de ces conneries ne virevoltait dans son champ de vision, maintenant.

Quand vingt heures arriva, elle commença à préparer son dîner. Elle devait bien admettre qu'elle n'aimait pas grand-chose, mais Uranie aimait cuisiner. Cuisiner, c'était pas mal. C'était apaisant, même.

D'habitude, elle ne cuisinait que pour elle afin de ne pas perdre de temps, mais cette fois ci elle n'avait pas bien dosée alors il y avait même de l'omelette pour plusieurs. Certainement pas pour quatre. On dirait bien que ses parents et sa sœur devront décider eux même de qui y aura droit.

Après avoir séparé sa part et l'avoir engloutie, elle traversa le salon au pas de course. Elle ne pouvait pas vraiment se permettre de traîner, car c'était certain qu'on allait encore lui reprocher encore de n'avoir fait à manger que pour elle.

« Il reste un peu d'omelette, décidez de qui a le plus faim ! » Uranie claqua la porte derrière elle.

Vingt-et-une heures. Il était l'heure de se laver, si elle ne voulait pas perdre de temps et se coucher après vingt-deux heures. Elle se levait à cinq heures et demi le matin, alors elle était forcée de s'endormir bien trop tôt pour avoir un sommeil acceptable.

Ce n'était pas agréable, mais Uranie n'aimait pas être fatiguée.

Elle alluma une petite enceinte portative. Celle-ci grésilla un instant avant de se régler aux musiques de son téléphone mobile, et ainsi, elle pouvait s'occuper de son bain.

« ♪♫ So Lemon Boy and me, ♪ we just gotta get along together. ♫ »

L'eau s'écoulait lentement dans la baignoire tandis qu'elle fredonnait. Le robinet d'eau continua même de s'égoutter après qu'elle l'ait fermé. Elle glissa à l'intérieur du bassin, soufflant dans la mousse. Prendre un bain se trouvait aussi sur l'étroite liste des rares choses qu'Uranie aimait.

Vingt-et-une heures et demi. Elle essora ses cheveux et se glissa hors du bain tandis qu'il se vidait lentement. La pièce s'était réchauffée à un tel point qu'elle n'eut pas froid. Elle attrapa son peignoir puis le sèche cheveux qui se lovait sous un grand miroir couvert de buée. Il résonna à travers la pièce, recouvrant la musique. Bien sûr. Uranie retint un soupire et éteint l'enceinte.

Dans un bâillement, elle s'installa sur le rebord de la baignoire et passa sa main dans ses cheveux trempés. Elle avait de la chance qu'ils soient courts.

Et soudain, elle aperçu son téléphone vibrer. C'était Angelina qui l'appelait. Elle se leva rapidement et marcha sur le tapi de pied de la salle de bain avant de perdre équilibre. Bien sur, le tapi glissa et elle s'éclata le dos contre dans la baignoire avant d'y tomber en peignoir.

En peignoir, oui. Ce fut la première chose qu'elle pensa : le peignoir va être trempé, mais ce n'est peut être pas le pire à propos de sa situation.

Voyez-vous, le bain était encore presque plein et son sèche cheveux encore allumé.

Uranie est partie ce jour là,

mais Uranie n'était pas une bonne personne, alors peu la pleurèrent.