Chapitre 14

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On toqua à la porte d'Uranie. Elle soupira à son visiteur d'entrer et Gabriel apparu. « Uranie ! Il est vingt heures, on va peut être manger d'ici une heure, t'as un truc que tu veux en particulier ? »

Ils se regardèrent dans le blanc des yeux. Uranie s'essuya les lèvres d'un revers de main, son plat de pâtes au pesto sur les genoux. Avez vous déjà oublié ? Uranie aimait faire à manger, mais uniquement pour elle et suffisamment tôt pour prendre son bain et se coucher à vingt-deux heures. Mais bon, Gabriel n'était pas du même avis. Son plat fut confisqué jusqu'à ce que tout le monde soit servi et elle resta assise dans un coin de la table du salon en attendant que la casserole de pâtes des trois autres hôtes soit prête, punie. Règle de la maison : Pas d'individualisme, quitte à être coincé ensemble, autant essayer de ne pas s'isoler. Uranie ne la connaissait que depuis peu, mais elle haïssait déjà cette règle avec une immense passion.

Le dîner terminé, elle resta en retrait et observa Lucien et Gabriel débarrasser la table et Lucy glisser les assiettes dans le lave-vaisselle. Elle n'aimait pas vraiment non plus ce genre d'organisation basée de l'entente et la coopération. Cela n'avait jamais marché ainsi chez elle. Peut-être que la solitude n'était pas si mal, après tout. D'une certaine façon, si elle retournait dans la maison abandonné, elle pourrait toujours parler avec Fonty. C'était mieux que rien ... Si vivre ici devenait éreintant, elle avait un échappatoire.

« Euh, je vais faire des courses pour demain ... Je mange pas de céréales, moi ...

Le brun acquiesça. - Tu veux de l'aide ?

- Non, merci, j'ai des bras pour porter les sacs et un cerveau pour choisir les articles... Il masqua une grimace de surprise et s'éloigna, lançant un rictus d'incompréhension à Lucien. Le blond haussa les épaules.

- Ah, attends, Uranie ! La brune se retourna, méfiante. Intérieurement, elle pria pour ne pas avoir deviné ce que Lucy s'apprêtait à dire. Je viens avec toi, il me faut des céréales ... Et elle avait juste. Elle était coincée avec la meurtrière.

- Euh ... Ouais ? Lucien, Tu viens aussi ?

- Nan, c'est bon, j'ai tout, bonne nuit. Merci d'avoir précisé. »

Uranie bouillonna intérieurement. De quel droit lui affichait-il un sourire comblé et la remerciait d'avoir eu la gentillesse de penser à lui ? Elle voulait juste qu'il vienne pour ne pas être seule avec la tueuse couleur carotte. A quel point était-il idiot pour ne pas déchiffrer son regard insistant et apercevoir tous les signes qu'elle lui envoyait ? Les Hommes étaient véritablement idiots ; Elle quitta l'Église, la mort dans l'âme et Lucy aux basques.

Le supermarché le plus près était à un dizaine de minutes de l'Église. Elles marchèrent côtes à côtes dans la nuit, silencieuses. A mi chemin, Lucy prit finalement la parole après s'être gorgée de courage.

« Uranie, tu as dit à Lucien que j'avais tué quelqu'un ?

La brune se crispa. - Nan. D'une certaine façon, elle n'avait pas à s'inquiéter. Avec un peu de chance, sa théorie était exact et il était impossible de se blesser. Lucy ne pouvait pas lui faire du mal. Sûrement. J'aurai dû ?

- Je ... Je ne sais pas. Merci. La fillette mima un sourire, attachant sa veste pour mieux supporter la fraîcheur nocturne. Je sais pas ce qui m'a pris de te dire ça hier. J'étais terrifié.

- Moi aussi, hein.

- Oui, oui, bien sûr. Elle laissa échapper un mince rire cristallin. J'ai pas eu la chance de t'expliquer comme tu es partie ... Et je ne t'en veux pas, hein ! J'aurai fait pareil ! Uranie acquiesça faiblement, dissipé. Elle n'était pas sûre de se soucier de si elle lui pardonnait ou non d'avoir agit ainsi. Bref, j'ai vraiment tué quelqu'un, mais ça n'est arrivé qu'une fois et c'était le jour de ma mort. Je le regrette et ce n'est arrivé que parce que je n'arrivais pas à trouver d'autres moyens pour m'en sortir. »

Uranie arqua un sourcil sans pour autant relever les propos de la collégienne. Tuer quelqu'un avait été pour Lucy le seul moyen de s'en sortir. Cette phrase voulait tout et rien dire. Elle avait peut-être été kidnappée de son vivant, ou avait vécu en pleine guerre. C'est vrai que c'était une question à laquelle Lucien et elle n'avaient jamais pensé. Ils étaient cinq ici, mais venait-il tous de la même région, du même pays ? A priori, ils parlaient tous la même langue, alors ils ne s'étaient pas attardés la dessus.

« Uranie ? La brune se redressa brusquement, sortie de ses pensées. Je sais qu'on ne se connaît pas trop et que je t'ai laissé une mauvaise impression, mais ... On est les deux plus jeunes et les seules filles, alors on devrait s'entraider, non ?

- C'est-à-dire ? Uranie plissa les yeux. Elle n'avait plus de serviettes hygiéniques ? On a ses règles après la mort, d'ailleurs ?

- Tu sais, je continue de penser qu'on est dans un endroit bizarre. J'ai tué quelqu'un, on peut pas être au paradis. Mais ça a pas l'air d'être l'enfer. On doit être dans une zone neutre, là où vont les gens qui ne mérite ni le paradis ni l'enfer.

- Ouais, ça me paraît possible. Ou tu veux en venir ?

- Tout le monde ici a dut commettre au moins un crime de son vivant, non ? Je suis contente qu'on soit regroupés, mais et si les garçons étaient dangereux ? »

La petite rousse avala sa salive, fixant Uranie avec angoisse pour tenter d'anticiper sa réaction. Elle tentait le tout pour le tout. C'était risqué de s'isoler avec Uranie et de lui dire ça sachant qu'elle pourrait être pire que les garçons, mais tant pis. Elle avait un caractère suffisamment mauvais pour blesser les gens sans le vouloir, alors il y avait de grande chance qu'elle soit ici pour cela. Si sa théorie était avérée, Uranie était jusqu'à découverte des pêchés des autres la plus inoffensive. Bref, elle misait tout dessus.

« Je ... Tu ... Et Uranie bégaya. Mais Lucien, Il... »

Elle ne savait pas quoi répondre. Depuis son arrivée, elle avait désignée Lucien comme inoffensif, mais il était totalement possible qu'il ai aussi tué quelqu'un. Elle ne l'avait jamais vu énervé, après tout ; cela change parfois une personne du tout au tout. Quant à Gabriel, il était arrivé dans la matinée, Lucy ne le connaissait pas vraiment plus qu'elle. Il pouvait être n'importe qui. Était-ce vraiment sûr de dormir à l'Église avec eux ?

C'était incroyable. Il y a quelques heures, elle priait pour rester seule avec Lucien et ne plus jamais croiser Lucy ou les autres, maintenant elle avait peur de tout le monde ici.

Témoin de son silence, la rousse soupira. « Tu sais, après je m'inquiète peut-être trop pour rien ... Je veux dire, j'ai passé la moitié de la journée seule avec Gabriel, si il avait voulu me faire du mal il l'aurait fait quand on était seuls ensembles ... C'est pareil pour toi et Lucien, je suppose ... On devrait juste se méfier de Célestin ...

- Bah ... Je ... T'as sûrement raison ... Il y a pleins d'autres délits moins grave que le meurtre. Peut-être qu'ils volaient, qu'ils se battaient souvent, qu'ils se droguait, qu'ils rackettait quelqu'un ou harcelait quelqu'un ... »

Lucy la dévisagea, complètement consternée.

« Oh. Donc c'est super rassurant. On est peut-être coincées avec un drogué qui doit être en manque ou avec un harceleur. Gé-nial.

- Oui, bon, je cherche des solutions ! Et puis techniquement même si ils ont déjà harcelé quelqu'un, c'est pas pour autant qu'ils vont le faire ici ! Elle baissa les yeux vers la fillette. Bon, t'es rousse, soit. Mais il y a que les cons qui se moquent des roux de nos jours ... T'inquiète.

- .... Elle lui adressa un regard mauvais. Tu m'as appelé Poil de Carotte hier.

- Je vois pas le rapport. Toi t'aurai pu m'appeler ... Albator ?

- Là c'est moi qui voit pas le rapport !

- On est tous les deux bruns ! Et toi et Poil de Carotte êtes tous les deux roux ! »

Lucy pesta silencieusement, ignorant désormais la brune. Elle avait tout misé sur le fait qu'il fallait qu'elle s'entende avec Uranie dans l'hypothèse où les garçons étaient dangereux, mais elles étaient tous simplement incompatibles.

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