Chapitre 22

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« I was so naive, i even let you in my home ♪♫ Took you out for dinner and let you wear my clothes ♪ I can't even brea- »

Elle éteignit la sonnerie dans un soupir, déjà blasée. Ce n'était pas son réveil. Vraiment pas. Où était-elle, cette fois-ci, dans un monde parallèle ou elle aurait survécu et décidé de façon totalement aléatoire de prendre comme réveil une musique qu'elle ne connaissait même pas ? Plus que sûrement. Elle jeta sa couverture loin du lit et se leva en grommelant. Face à elle, une maquilleuse, un miroir.

Uranie mima un sourire. D'accord, sa théorie était fausse. Elle n'avait ni maquilleuse face à son lit dans sa chambre ni cette apparence, en temps normal. Ses cheveux étaient vraiment longs et ses hanches plus larges. Par réflexe, elle chercha un calendrier du regard. Il y en avait un. Parfait. Donc, cette fois-ci, elle se trouvait exactement cinq ans plus tard, le même mois et même jour que sa mort. Le futur qu'elle aurait dû avoir, donc. C'était plutôt intéressant.

« Uranie, t'es levée ? »

Elle sursauta. Dans l'encadrure de la porte, un beau brun aux yeux océans lui arracha un sourire satisfait. Si elle avait survécu, elle aurait donc réussi à trouver un copain, finalement. C'était plutôt bon à savoir. Il n'était vraiment pas mal. Bien joué, Uranie du futur. Elle se leva en se recoiffant, soucieuse de sa coiffure au réveil. Le beau jeune homme la regarda faire avec ce qui lui sembla être une pointe d'exaspération et soupira.

« Aller, dépêche-toi de faire tes affaires, Livia arrive en début d'après-midi, je veux pas qu'elle te croise. »

Et soudain, il lui sembla qu'il faisait plus frais dans la pièce. Elle grimaça, refroidie. D'accord, elle arrivait pour la séparation, et il avait déjà une nouvelle petite amie. Elle aurait dû s'y attendre. Dans un soupir, elle attrapa les sacs qui gisait à côté d'elle et quitta la pièce. Par délit d'égoïste et volonté de déranger son futur ex-petit-ami, elle se doucha néanmoins, lui faisant perdre du temps. Aux alentours de onze heures, elle était enfin devant la porte de l'immeuble, un peu perdu. Et maintenant ? Elle observa ses pieds un instant.

Elle aurait dû lui demander ou elle était supposé aller, même s'il l'aurait trouvé bizarre. Après avoir erré quelques dizaines de minutes dans les rues, elle trouva finalement l'office du tourisme et demanda un plan. En sortant, elle se laissa tomber sur le banc d'un parc, engloutissant un croissant qu'elle venait d'acheter.

De toute évidence, elle était loin de chez elle. Pour être exacte, à environ deux heures de train. C'était loin, mais peu importe. En cas d'extrême ennui, elle rentrerait voir ses parents. Cela faisait tellement longtemps qu'elle ne les avait pas vu qu'ils commençaient presque à lui manquer. Elle attrapa enfin son portable, le toisa du regard. Il était verrouillé par un schéma. Super. Elle fit machinalement son schéma actuel et grimaça. Déverrouillé. Qui aime la routine au point de garder le même schéma pendant plus de sept ans ? Elle l'avait déjà depuis le collège ! Peu importe. Uranie fila dans ses contacts.

Seulement huit ? Son père, ses grands-parents maternels, son oncle, l'homme qui l'avait mit à la rue, le fix de chez ses parents, Angelina et une fille qu'elle ne connaissait pas. Elle réfléchit un instant, soupira.

« Allo, Angelina ?

- Allo ? C'est qui ? Désolé, je n'ai plus ton numéro, j'ai ... changé de téléphone il y a peu.

Uranie mima un sourire. L'excuse banale du nouveau téléphone. Le semblant d'amitié qu'elle avait eu avec Angelina était terminé, n'est-ce pas ? - C'est Uranie.

- Ah, Uranie ?! Ça fait quoi, depuis la Terminale ? Depuis la Terminale ? À peine le lycée terminé, elles avaient coupé contact ? Décidément, les amitiés de collèges et lycées ne sont qu'un ramassis de conneries. Uranie leva les yeux au ciel. Pourquoi tu m'appelles ?

- Comme ça. Je viens de découvrir que j'avais encore ton numéro, moi. Qu'est-ce que tu deviens ?

- Je ... Je viens d'emménager avec mon petit ami. On vit ensemble depuis deux mois. Concernant le reste, je fais des études pour devenir avocate et j'ai un chat qui s'appelle Noisette ? Je sais pas trop quoi te dire ... et toi ?

La brune hésita à raccrocher, vexée. Cette saloperie d'Angelina semblait s'être façonné une vie parfaite, dis-donc. Elle n'aurait pas du demandé, c'était prévisible et dégradant pour elle. - Moi, je suis toujours avec mon mec, écoute. On vit aussi ensemble. On n'a pas de chat, mais tout se passe bien quand même. Je suis contente que tout aille bien pour toi aussi, en tout cas ... Au lycée, t'étais inquiète pour ton avenir ...

- ... Désolée, Uranie, je suis occupée là.

- Ah, c'est pas grave, désolée !

- Non, c'est bon ... Dis-moi, tu pourrais ne pas me rappeler ? Comment dire ... Tout va bien dans ma vie, en ce moment, j'ai vraiment pas besoin que tu viennes tout foutre en l'air, comme d'ha- BIP»

Raccroché. Uranie mima un sourire. C'était prévisible. Avait-elle seulement réellement été amie avec Angelina, ou restait-elle ensemble seulement car elles étaient dans le même train et la même école ? Les derniers messages qu'elle avait échangé avec la fille qu'elle ne connaissait pas contaient une dispute dans laquelle celle-ci la traitait de «pauvre fille». Super. Elle était bien seule, visiblement.

Elle quitta le banc en y laissant son sac de vêtements. D'ici ce soir, elle serait de nouveau morte ; nul besoin de s'encombrer de choses inutiles. Ce futur n'avait rien de passionnant à lui offrir, alors autant griller toutes ses économies en mangeant n'importe quoi et en s'amusant un peu.

Il était déjà quinze heures lorsqu'elle quitta le premier fast-food qu'elle avait trouvé. Elle allait probablement retourner à la presque église à vingt deux-heures trente-trois, comme à chaque fois qu'elle faisait ce genre de rêve. Perdue dans ses pensées, elle traversa les rues en sirotant la fin de sa boisson. Et si elle se suicidait avant l'heure de sa mort, rentrerait-elle plus tôt ? Peut-être. Elle ne voulait pas essayer.

Sans vraiment savoir pourquoi, elle prit le premier train pour rentrer chez ses parents. C'était ridicule de perdre son temps à rentrer plutôt que s'amuser en ville, mais cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas simplement passé un après-midi chez elle à rien faire.

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant