Chapitre 8

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La petite rousse fixa un instant Uranie, tétanisée. Visiblement, elle était elle-même étonnée de connaître son nom. Uranie soupira et lui tendit la main, l'aidant à se lever. Celle-ci l'attrapa rapidement avant de tituber jusqu'à retrouver l'équilibre. Uranie arqua un sourcil, perplexe.

« T'es qui, au juste ?

- Je ... Je m'appelle Lucy... La brune grimaça. D'abord Lucien, maintenant Lucy ? Elle était tombée par erreur dans le paradis des porteurs de prénoms dérivés de Luc ? Tu ... Es vraiment Uranie ?

- Oui. Tu me connais ? Attends, t'es morte, toi aussi ?

- Je ne te connais pas, désolée... Mais je suis morte, oui ...

Uranie la dévisagea. - Mais, comment tu connais mon prénom, alors ?

- Il était inscrit sur un mur de l'église... »

Les deux adolescentes s'échangèrent un regard glacial. L'église. D'après Lucy, elle semblait surplomber la ville en son centre, en haut d'une multitude de marches écarlates. C'était son clocher qui sonnait chaque heure, Uranie l'avait déjà remarqué. Au cœur de celle ci, il y avait un mur d'un blanc immaculé. Il était fin, ne séparait pas deux pièces, comme si il avait été ajouté de force au bâtiment, s'il n'avait pas toujours été là.

« Dessus il y avait cinq noms ; «Célestin Boulanger», «Gabriel Blondel», «Lucien Guilhot», «Uranie Schwarz» et le mien. J'ai supposé que c'était la liste des gens présents ici, et Uranie était le seul prénom féminin en dehors du mien, alors quand je t'ai vu je me suis dit que tu étais forcément l'Uranie de la liste... »

Elles arrivèrent devant l'église après une demi heure de marche. Uranie ausculta le mur, curieuse. Comme Lucy lui avait conté, cinq prénoms y étaient listés. Juste à côté, sur la droite, des nombres. Il était inscrit dix-sept en face du nom d'Uranie et dix-neuf vers celui de Lucien. De toute évidence, cela représentait leur âge. Elle parcouru la liste du regard.

Ils étaient classés du plus âgé au plus jeune, de haut en bas. L'aîné du groupe avait 24 ans et la benjamine du groupe était donc Lucy Stéphane, quatorze ans. Celle qui marchait à ses côtés, de toute évidence. Uranie soupira, anxieuse. Elle n'arriva pas à retenir un frisson. L'avant dernière, c'était elle, Uranie Schwarz, 19. Elles étaient enfermées dans ce monde étrange avec trois hommes plus âgées. Même si Lucien lui avait semblait inoffensif, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir un mauvais pressentiment. Il n'y avait pas de loi ici, après tout. Si l'un d'eux avait de mauvaises intention, cela serait un jeu d'enfant pour lui de faire ce qu'il veut d'elle.

Elle attacha sa veste, avalant sa salive avec angoisse. L'une des raisons pour lesquels Uranie n'aimait pas les Hommes était qu'elle en avait souvent peur, même si ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait avouer. C'était plus facile de dire qu'elle détestait tout le monde, et de toute façon elle était trop bornée pour ne jamais avoir de conflit avec l'être humain, alors autant ne pas être en position de faiblesse et garder la tête haute.

Son regard dévia vers un texte sous les prénoms. Le jour et l'heure étaient gravés. Après chaque simple seconde, l'inscription se modifiait miraculeusement. Au moins, cela confirmait qu'elle n'était plus sur Terre, ce genre de choses n'y étant pas possible.

Elle retint un soupir, touchant le grand mur et sentant les secondes mouver sous son index. Sa vie sur terre était déjà loin. « Tu crois que ça veut dire quoi, tout ça, poil de carotte ?

Lucy lui lança d'abord un regard mauvais mais soupira et détourna le regard, un faux sourire aux lèvres. - Ne m'appelle pas comme ça, s'il te plaît, j'aime pas...

- Pas mon problème. Alors ?

- Je ... Je sais pas. »

Elles détaillèrent le bâtiment, à la recherche d'indices de la raison de leur venue ici. Contre toute attente, il n'y avait aucun symbole religieux. L'endroit n'avait d'une église que l'apparence. Il y avait bien un grand orgue au fond de la pièce et de larges vitraux, mais le bâtiment n'était pas en forme de croix chrétienne et les vitraux représentaient des êtres humains effectuant de simples gestes du quotidien. Elles s'avancèrent vers l'un d'entre eux, perplexes. Il représentait quelqu'un devant une télévision. Celui d'à côté était un homme dans sa chambre. Uranie frôla le vitrail par curiosité et grimaça lorsque celui ci grinça, s'entrouvrant. C'était une porte. Après avoir lancé un regard perdu à la dérobée vers Lucy, elle l'ouvrit. Celle-ci laissa place à un long couloir blanc. Les deux adolescentes stagnèrent un certain moment devant l'entrée, intimidées.

Lucy fut la première à ouvrir l'une des multiples portes du couloir. C'était une chambre. Elles affichèrent des yeux ronds. La deuxième pièce était une autre chambre. Il y en avait cinq, puis finalement un salon et une salle de bain. Quant aux portes se trouvant à leur gauche, elles étaient toutes verrouillées. La porte du fond du couloir était aussi barricadée. Cet endroit était définitivement angoissant et bien trop spacieux, en plus d'être uniquement blanc. De l'extérieur, l'église ne semblait pas si grande. Uranie passa sa main dans sa chevelure, mal à l'aise.

« Tu crois qu'on est dans un genre de paradis marchant par dortoirs de 5 personnes ?

- Non... »

Uranie dévisagea la jolie blonde, étonnée. Elle ne s'attendait pas à une réponse aussi claire et catégorique. Cependant, Lucie avait raison. Cet endroit était bien trop anxiogène pour se vanter d'offrir un quelconque repos éternel.

« Si tu veux mon avis, on est en enfer. Lucy lui offrit un sourire peu sûr, comme pour tenter de se rassurer elle-même.

- Pourquoi ... tu dis ça ?

Le sourire de l'enfant s'effaça tandis qu'elle fixait le mur. - Je ... Désolée si ça paraît méchant, mais on ne se connaît que depuis quelques heures et tu m'as déjà donné un surnom vexant et tu me parles mal ... Tu as peut-être blessé quelqu'un sans t'en rendre compte, de ton vivant ... Uranie resta de marbre, la dévisageant. Lucy se crispa. Elle était probablement entrain d'attendre qu'elle se rattrape. Euh ...

- Et toi, t'as fait quoi, Poil de carotte ? »

La fillette pâlit. Le regard d'Uranie avait changé. Elle était dressé face à elle, les bras croisés, l'air sévère. Elle était définitivement vexée.

« J'ai ... J'ai tué quelqu'un... Mais je peux tout t'expliquer ! »

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant