Chapitre 28

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« Bon.

- Bon.

- Bon. »

Les deux collégiennes esquissèrent simultanément un sourire crispé et gêné. C'était la première fois de leurs vies qu'elles se retrouvaient à vraiment devoir discuter seules ensembles et elles n'avaient aucune idée de comment amorcer cela. Le fait qu'elles avaient été toutes les deux tuées par la même personne et transpercées par la même arme aurait put créer un lien entre elles si leur meurtrière n'était pas Lucy elle-même. Cela expliquait le fait que, même si elles étaient assises l'une à côté de l'autre, Mélanie avait établit une distance d'un bon mètre entre elles deux, cela dit.

La petite rousse soupira. « Tu sais que ... Même si je voulais te tuer, je ne pourrais pas ? Je veux dire, t'es déjà morte.

- Je me demande à cause de qui.

- ... Ouais, c'est vrai. Elle se rapprocha légèrement d'elle, laissant cependant une distance de sécurité. Elles avaient tout aussi peur, l'une que l'autre. Dis, là on est à la plage, mais ... Tu viens d'où ? T'étais au paradis ?

Mélanie lui lança un regard hargneux. - Nan, j'étais dans une ville labyrinthe bizarre, avec d'autres gens.

- Oh. Lucy laissa échapper un sourire mesquin. Elle non plus, elle n'avait pas eu le droit au paradis. Dieu merci.

- Pourquoi tu voulais me voir ? Tu comptes t'excuser ou pas de m'avoir buté ?

- J'aurai jamais ressentit le besoin de mettre fin à ta vie si t'avais pas foutu la mienne en l'air, alors baisse d'un ton. »

Elles se regardèrent toutes deux avec deux yeux ronds et Lucy grimaça. Même elle, elle ne se connaissait pas un tel aplomb. Ce devait être le fait qu'elle avait passé trop de temps avec Uranie, dernièrement.

« Je veux dire, je suis désolée d'avoir fait ce que j'ai fait. J'aurai pas dû mettre fin à nos deux vies, c'était pas la bonne solution, mais alors pas du tout ... Mais tu te rends compte de l'état de détresse dans lequel j'étais pour arriver à penser que c'était la seule chose à faire pour m'en sortir ?

- Ça va ! Arrête de parler comme si j'étais la pire des connes ! Tout le monde se foutait de ta gueule au collège, j'étais pas la pire. Moi, du coup, ça me faisait rire, mais c'est pas comme si je te harcelais, quoi.

- Ah, si c'était drôle, ça va alors ?

- Non ! Je sais que c'était pas bien et je suis désolée, mais je t'ai jamais foutu la tête dans les toilettes ou jeté tes affaires par la fenêtre, j'ai juste du te faire de trois blagues, tu crois pas que tu prends un peu trop ça au sérieux ?

- Tu me faisais constamment des croches-pieds, tu m'as foutu de la purée dans les cheveux à plusieurs reprises, tu riais à chaque fois que je passais à côté de moi, t'as dit à tout le collège que je puais, t'as-

- C'était des blagues ! Enfin ... Je sais pas ... Tout le monde le disais déjà, je te signale ! Pour moi c'était pas grave ...

- T'es une ordure !

- Non ! Je ... Et puis moi aussi on m'a déjà fait un croche-pied, c'est pas la fin du monde !

- Oui mais moi c'était tous les jours, putain ! T'es conne ou tu veux pas comprendre ?!

- Écoute je m'en fou ! Pourquoi tu m'as appelé ?! Tu veux qu'on soit copine ?! »

La rousse resta muette. Mélanie avait raison. Elles ne s'étaient jamais entendues, n'avaient jamais été proches. Elle n'avait jamais été aimée d'elle et n'avait jamais réellement voulu qu'elle l'aime. Elles n'avaient pas vraiment grand choses à faire ensembles non plus. Mélanie était juste une adolescente irresponsable parmi tant qu'autres avec qui elle n'avait rien à faire et avec qui elle ne tombera jamais d'accord. Pourquoi est-ce qu'elle avait gâché un de ses trois vœux juste pour lui parler ? Elles n'avaient rien à se dire, cette discussion n'allait nul part.

Mélanie arqua un sourcil. « Tu m'écoutes ?

- Non... Non bah non, t'as raison... J'aurai dû demander à voir mes parents, accomplir quelque chose que j'aime ...

- Hein ?

- Je suis vraiment désolée. T'as raison, je sais même pas pourquoi j'ai voulu te voir. Je suis sensée me préparer à tirer un trait sur mes erreurs faites dans ma vie pour mieux vivre la prochaine et moi je t'appelle ... C'était stupide.

- Bon, si même toi t'en as conscience, laisse-moi partir !

- ... D'accord.

- Vraiment ?

- Bah, oui, c'est ... Ça sert à rien, retourne dans ton district réfléchir à ton comportement, on a rien à se dire. Je peux pas te forcer à te remettre en question si tu décides pas de le faire par toi même. Epiales. L'esprit apparu en baillant. Tu peux la laisser rentrer chez elle ?

- Déjà ? Si tu veux. Un dernier mot à lui dire ?

- Euh, je .... Fais attention à toi dans ta prochaine vie, Mélanie. »

Elle disparut. Lucy sourit avant de fondre en larmes. Une page se tournait. Face à elle, Uranie surgit de l'eau comme un genre de monstre du marais. La rousse avorta un cri de terreur et la jolie brune eut un rictus suffisant et amusé.

« T'étais là, donc. On se demandait où t'étais passée, poil de carotte. Ça va, t'as finit de parler avec ton ptit bourreau ?

- Va te faire voir, Albator. Cette fille a foutu ma vie en l'air, t'as pas le droit de formuler ta phrase comme si c'était drôle.

- Un sèche-cheveux a foutu ma vie en l'air, c'est pas forcément mieux.

- Le sèche-cheveux t'as harcelé ?

- Beaucoup. Uranie adressa un sourire mesquin à Lucy qui leva les yeux au ciel. Viens t'amuser avec nous, Miimé. Je suis désolée, je sais bien que nos morts ne sont pas comparables, je suis pas stupide. Elle lui tendit la main. On s'amuse bien avec les autres.

- ... Elle l'attrapa, bien qu'un peu méfiante. C'est qui, Miimé ?

Uranie rit, nageant devant elle pour rejoindre le groupe qui discutait plus loin allongé sur le sable. - C'est la compagne d'Albator.

- Hein ? Elle leva les yeux au ciel et hésita entrer pester ou rire. Comment tu sais ça, t'as vraiment regardé Albator, en fait ?

- Bien sûr, tu me prends pour qui ? La fillette arqua un sourcil. J'ai pas eu une enfance si ouf, alors j'ai regardé pas mal de dessins animé en tout genre.

- ... Moi je suivais que Magical Doremi, honnêtement.

- Ah ouais ? C'était pas mal, avant qu'elles se mettent à faire de la pâtisserie ou je ne sais quoi, et quand le bébé est devenu ado en trois épisodes ... J'ai pas trop compris.

- Non, mais en fait, Flora, c'est un bébé qui naît de la fleur royale, ce qui est super rare, donc elle est ultra spéciale, et -

- Attends, je me plaignais juste, j'ai pas dit que je voulais comprendre !

- Uranie ! Elle soupira. Pourquoi a chaque fois que j'ai l'impression que tu commences à être sympas, tu me déçois plutôt rapidement après ?

- Ma préférée, c'était la violette. Elle servait pas à grand-chose, mais elle était classe.

- Tu m'écoutes pas, hein ... »

La petite rousse arqua un sourcil tandis qu'Uranie riait en clamant que non. C'était peut-être très stupide et inutilement optimiste, mais elle avait comme l'impression qu'Uranie tentait de la détendre et de lui remonter le morale. C'était un peu étrange comme constat, mais elles n'avaient définitivement pas des personnalités compatibles, ne pouvaient pas parler deux minutes sans se disputer et n'avaient absolument rien en commun à raconter, mais elle aimait bien cette connasse d'Uranie. D'une certaine façon, elle lui donnait envie d'être plus forte, juste pour pouvoir répondre correctement à ses railleries et réussir un jour à la faire taire.

Si elle avait su qu'elle lui ferait ses adieux le lendemain, peut-être qu'elle aurait essayé à s'imposer face à elle plus tôt.

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant