Chapitre 21

6 2 0
                                    

« Je ... je suis là ... rebonjour. »

Uranie mima un sourire anxieux. Dix-sept heures. Gabriel et Léna étaient seuls dans le salon. Ils avaient volé un baby-foot et y jouaient. Cette scène n'avait que peu de sens, mais elle restait drôle. La douce Léna était littéralement en train de liquider son adversaire, d'ailleurs.

« Bon retour, Uranie ! Si tu as faim, on t'a laissé un éclair au chocolat dans le frigo !

- Non, je ... J'aime juste ceux au café. Pardon. Je vous laisse. »

Et elle quitta la pièce. Les deux aînés s'échangèrent un regard interloqué. Ils ne connaissaient Uranie que depuis peu, mais elle avait beaucoup changé en peu de temps, non ? Elle n'était absolument pas aussi calme, polie et silencieuse lors de leur première rencontre.

De son côté, la brune se faufila discrètement dans la chambre de Lucien. Il dormait. Elle arqua un sourcil avant de prendre un oreiller et lui lancer au visage. C'est vrai qu'ils n'avaient plus réellement besoin de dormir. Ainsi, ils pouvaient probablement s'endormir sur commande pour faire passer le temps ou ne pas se coucher durant des jours entiers.

« Je peux savoir ce que tu fous ?!

Elle intercepta l'oreiller qu'il lui renvoyait. - Salut ! Il s'est passé un truc bizarre, il faut absolument que je t'en parle !

- ... Ça va ? »

La jolie brune hésita un instant avant de tirer la langue. Honnêtement, elle n'avait rien à lui répondre. Elle était morte et ces derniers jours tout allait de travers. Elle venait de rencontrer un esprit déguisé en génie de la lampe, aussi. Bref, tout allait de travers, vraiment.

« Epiales, c'est ça ?

- Oui, comment tu connais son nom ?

Il sortit son portable et lui tendit. Celui-ci affichait une photographie du grand mur de l'Église. - Ah, c'est là ou tous nos noms sont écrits. Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai vu ça cet après-midi. Regarde. Une colonne s'est rajoutée à côté de nos noms. On a tous trois. Et tout en bas, il y a le nom d'Epiales qui s'est gravé. On a vraiment des vœux... Tu en as utilisé un ? La brune fixa un instant l'écran avant de l'éteindre et de soupirer.

- Bien sûr que non. Elle faisait flipper. Je me suis enfuie, tu me connais. Il hocha la tête. Uranie était relativement lâche. Vexant. Soit. J'ai peur que ce soit des pièges, mais honnêtement, si je peux avoir un vœu, autant demander de revenir à la vie, nan ?

- Ouais. »

Ils restèrent silencieux quelque temps, immobiles. La discussion était morte, mais il n'y avait rien d'autre à faire que discuter, dans ce monde.

« Bon. Sinon, c'est quoi ton plat préféré ?

- C'est quoi cette question ?

- J'ai rien à dire, donc ... Voilà. Elle haussa les épaules. Les gens font connaissance comme ça. T'es vachement sur la défensive, tu en as conscience ?

- Ouais. Mais je te rappelle que la première chose que tu m'aies dite quand on s'est rencontré c'était que tu parlais mieux français que moi, suivi de «j'aime pas ton prénom», 'scuse de pas être à l'aise !

- Rooh, t'en as pas marre de tout dramatiser ! C'est pas la mort ...

- ...

- C'était pas un jeu de mots, promis. »

Lucien se contenta de lui tapoter la tête en retenant un rire. La lycéenne le dévisagea un instant avec mépris avant de s'allonger à côté de lui, concentrée sur son portable. Elle aimait bien Lucien. Lorsqu'elle était avec lui, elle se sentait apaisée. Il était plutôt étrange, alors il n'était pas vraiment bien placé pour la juger sur ses défauts.

Ils restèrent silencieux pendant plusieurs dizaines de minutes. Chacun était concentré sur son propre écran, mimant de l'intérêt pour le jeu stupide auquel ils jouaient. Au bout d'un certain temps, Uranie éteint son portable dans un soupir et commença à rouler sur le lit. Lucien retint un soupir et l'empêcha de l'écraser. Oui, voilà. Il avait raison, Uranie était clairement une enfant. Elle était incapable de rester en place lorsqu'on ne l'occupe pas.

« Eh, c'est bientôt la nuit. On va rêver de quoi, ce soir, tu crois ?

Il lâcha la jambe de la lycéenne et haussa les épaules. - On a déjà rêvé du jour de notre mort et du lendemain, alors pourquoi pas de la veille, cette fois-ci ?

- Tu crois ? Elle soupira. C'est nul. J'ai rien fait de fou, la veille de ma mort. Quel ennui. Si ça arrive, on essaie de se rejoindre pour aller braquer une banque, histoire d'au moins s'amuser ?

- Pas envie... Il fit mine de ne pas voir la mine boudeuse de la brune. Je pense que si on est ici parce qu'on était pas des gens exemplaires, c'est pour essayer de rattraper nos cas. On attend probablement de nous de devenir des gens bien, alors on va pas leur faire comprendre que ça sert à rien. L'enfer ça doit pas être si cool que ça, tu sais.

- Baah... Je crois pas en l'enfer ... Mais je ne croyais pas en la vie après la mort, alors tout est relatif. Je te donne un bon point.

- Merci, ça me touche. »

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant