Chapitre 11

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Uranie se réveilla dans un sursaut. Il faisait encore nuit. Elle parcouru la pièce du regard, se blottissant sous sa couverture pour calmer ses sueurs froides. Elle était toujours dans la maison abandonnée. Elle avorta un sourire et plongea sa tête entre ses mains, épuisée. Elle devait avouer qu'elle était heureuse. Elle s'était déjà pleinement habituée au fait qu'elle était morte. Cela témoignait peut-être de la médiocrité de sa vie, parce qu'elle n'avait pas réellement de choses à regretter de celle-ci.

Après avoir enfilé un pull immense de son placard, elle traversa le couloir. Il n'était que trois heures mais elle n'avait plus aucune envie de dormir. Son regard se perdit vers la porte de la chambre de Lucien. Elle sourit. Il existait. Par délit de curiosité, elle ouvrit la porte. Il était assis sur son lit. Uranie arqua un sourcil, entrant dans la pièce. Il ne dormait pas ?

« Lucien ?

Il leva brusquement les yeux vers elle. - Uranie ? Qu'est ce que tu fais là ? La sourire d'Uranie s'effaça. Sa voix s'était brisée. Il faisait peine à voir ; elle s'était encore empéguée dans une affaire ennuyante.

- Je ... Je me suis réveillée et j'arrivais plus à dormir alors ... Voilà. J'allais dans le salon et je voulais voir si tu dormais ou pas et j'ai vu que non alors ... Je suis rentrée.

- ... Je vois. Il resta silencieux un instant, respirant doucement pour retrouver son souffle et reprendre contenance. Cela fait, il se redressa et se leva de son lit pour rejoindre la brune. Tu viens de te réveiller ? On peut manger un truc, tant qu'à faire. » Uranie acquiesça à contre cœur. Elle n'aimait pas qu'on la dirige, mais elle avait vraiment faim.

Lucien installa la table tandis qu'elle faisait chauffer le lait du chocolat chaud. Un silence de plomb régnait sur la pièce. C'était rare. Habituellement, il habillait le silence de ses théories et l'ennuyait de ses bavardages. Le petit déjeuné préparé, il s'installa face à elle et croqua dans sa tartine, toujours muet. Lorsqu'il la reposa, il soupira et leva enfin le menton vers Uranie.

« J'ai rêvé que j'étais vivant, cette nuit. Toi aussi ? Il la toisa du regard, avalant une gorgée de chocolat. Uranie se crispa. Il avait l'air d'un mafieux un peu déprimant, mais soit.

- Oui, c'était bizarre.

- Et on s'est réveillé en même temps. C'est sûrement pas un hasard. Les trois autres ont aussi dut rêver.

- Les autres morts ? Peut-être. Elle avala sa dernière bouchée. Ça veut dire qu'on est tous réveillés en ce moment. Lucien acquiesça. Ils ne savaient pas vraiment comment traiter cette information. Uranie observa le silence se réinstaller et se racla la gorge, gênée. Dis-moi, elle était comment ta vie ? Juste pour savoir.

- Banale. Il haussa les épaules. Et toi ? »

Elle retint un soupir. Il se décrivait toujours comme banale ; c'était bien le pire terme. Cela ne l'avançait pas du tout, c'était rageant.

« La mienne était routinière. Lucien grimaça, lui portant un regard perplexe. Elle sourit. Ils étaient peut-être entrain de faire le concours de la pire description. Plus sérieusement, elle était pas ouf. J'avais pas si souvent que ça l'occasion de rire, mais j'avais jamais vraiment de raisons de pleurer, alors je suppose que ça allait. J'avais encore mes deux parents ensemble et mariés et j'avais une amie au lycée. Il hocha la tête. J'avais pas de petit ami, je te l'accorde, mais c'était par choix. J'aime pas l'être humain.

- J'ai remarqué.

- Euh, ouais. Elle plissa les yeux. Ça, c'était dans ses dents, visiblement. Et toi, vraiment ?

- J'avais une mère et plusieurs amis. Même un meilleur ami. Bref, ça allait aussi.

Uranie bailla. - Pas de père ?

- Nan. Il est mort quand j'étais petit. Elle acquiesça, légèrement embarrassée. Me regarde pas comme ça, c'est pas triste ! ... Tiens, imagine, t'as faillit avoir une petite sœur mais ta mère l'a avorté. Elle t'aurai pas manqué, tu l'aurais jamais vu. Bah moi j'ai un père avorté.

- ...

- Exemple nul ? Il soupira, rouge écarlate. Bon, retiens juste que ça me rend pas triste.

- Bah, ma mère est stérile ... Je suis adoptée ... Ça aurait juste pas été possible.

- Oh. »

Le repas se termina dans un silence des plus complets.

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