Chapitre 24

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L'Église sonna trois heures.

Uranie se dégagea lentement de sa couverture. Elle était de retour. C'était bon d'être de retour. Fichu futur. Elle soupira et se redressa finalement, seule dans l'obscurité de la pièce. Pour une fois, elle n'entendait aucun bruit venant des autres chambres. Tout le monde était étrangement calme. Et finalement, un visage se dessina face à elle. Le temps semblait figé. Une tignasse grisâtre, des petits yeux noirs, de larges cernes ; elle soupira.

« Salut, Epiales... J'ai pas envie de parler. Il est trois heures du matin et j'ai passé un futur de merde, là ...

- Tant pis. L'esprit lui adressa un sourire pincé et alluma les lumières, sortant un petit carnet de son dos. Alors, Anastasia ! Uranie grimaça et Epiales aussi. Elle n'avait pas bossé son sujet un minimum, ou quoi ? Elle avait que cinq personnes à surveiller et elle n'était pas capable de sortir le bon prénom ? Euh, je veux dire. Uranie. Uranie Schwarz, 17ans, n°4, donc. Nous arrivons au Bilan des trois rêves. Quelle conclusion peux-tu en tirer ? Uranie la dévisagea, muette. Ne rends pas la chose difficile, vous êtes cinq, je n'ai pas que toi, il me reste les trois premiers. Alors, Uranie, dis-moi tout.

- ... Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Comment te sens-tu par rapport à la personne que tu étais avant ta mort ?

Elle se recroquevilla sur elle-même dans un soupir. - Tu veux m'entendre dire que j'étais une sale conne, n'est-ce-pas ? Epiales haussa les épaules. ... Oui, je ... Honnêtement, j'aurai pu faire les choses autrement ... J'étais probablement pas quelqu'un de bien, c'est vrai, mais ... Mais je ... Je comprends pas vos démarches, sérieux. Vous avez bien vu ? Les personnes autour de moi n'étaient pas mieux. Les petits cons qui font chier tout le monde, les gosses de merdes du lycée, cette connasse d'Angelina qui se moque de moi avec tout le monde ... Je comprends pas votre procès... On fait tous de la merde, pourquoi ça tombe sur moi ...

- Je n'ai jamais dit qu'ils avaient un bon comportement. L'enfant s'assit finalement face à elle sur le lit. Seulement, tu es morte, pas eux. Ils seront jugés pour leurs actes lorsque leurs vies seront terminées, pour l'instant, ce n'est pas mon boulot, dieu merci. De plus, je n'aime pas les excuses que t'inventes. Tout le monde est méchant avec moi alors je vais être méchante aussi ? Tu as quel âge ? Uranie claqua des dents. Epiales avait littéralement l'apparence et la voix d'une enfant de douze ou treize ans. Elle pouvait bien lui retourner la question. Bien, réfléchis la dessus. Je dois aller voir n°3, maintenant. La porte de ta chambre restera verrouillée tant que je n'aurai pas fini tous mes entretiens. »

Et en un instant, Epiales avait disparu. Uranie leva les yeux au ciel et se rallongea. En bref, c'était désormais plus que clair. Cette ville était en quelque sorte son jugement dernier. Elle n'était pas assez bonne pour le paradis et pas suffisamment mauvaise pour partir en enfer faire du ukulélé avec des meurtriers en séries et d'autres Adolphes. Ainsi, on faisait des tests sur elle, surveillait la façon dont elle y réagissait. En fonction, on voit si la personne devient meilleure ou s'enfonce dans sa connerie. Quelle merde.

Elle soupira. Quand est-ce que cela allait se terminer ? Le lendemain, dans une semaine, un mois ? Elle observa le plafond un instant. Le repos éternel, donc. Cela l'effrayait plus qu'autre chose. Si jamais cela n'était pas interdit, elle demandera à Epiales à être ressuscité ou réincarnée.

Bon. Il restait encore Lucien, Gabriel et Léna. Elle allait probablement devoir rester coincée dans sa chambre encore une bonne vingtaine de minutes, alors autant les rentabiliser. Elle se lava et se roula dans son peignoir pour engloutir son petit-déjeuner. La serrure de sa porte cliqueta enfin lorsqu'elle engloutissait sa deuxième tartine de beurre. Elle mima un sourire.

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant