Chapitre 30

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Midi. Gabriel était parti nager loin de la côte afin de ne voir personne et Léna, après avoir confessé plusieurs fois avoir eu des problèmes avec les drogues dures en tentant de poser une question à quelqu'un, bronzait désormais seule sur sa serviette à côté de Lucien, la mort dans l'âme. Un peu plus loin, plus épanouie que jamais, Lucy riait et discutait avec Uranie, qui pour une raison ou une autre, même si ce qu'elle racontait ne l'intéressait pas, ne pouvait se résoudre à mettre fin à la discussion, la voyant si heureuse. Lorsque la jolie rousse la salua et partit barboter un peu, elle fuit en vitesse pour s'allonger sur sa serviette. A côté d'elle, Lucien baissa les yeux vers elle un instant avant de commencer à tenter d'éviter une conversation. Bien sûr, Uranie intercepta son regard et lui sourit avant de se rapprocher de lui.

« Bon, c'était long, mais je suis contente d'avoir pu discuter avec Lucy. C'est une fille adorable. J'ai du mal à comprendre comment elle réfléchit, mais ça la rend attachante, j'crois bien. Elle soupira. Aah, j'arrive pas à croire que je suis vraiment en train de dire ça. Je veux dire, c'est vrai, mais je déteste les compliments...

- C'est cool pour vous.

- Et toi ? »

Le blond lui sourit et haussa les épaules. Uranie fronça les sourcils. Il allait vraiment éviter de répondre à toute question le concernant durant toute la journée ?

« Eh. Je peux savoir ce que ça veut dire «Lucien, lui, sera incapable de mentir. C'est déjà un bon début.» ? À quel point tu racontes des mensonges à tout le monde pour que ça soit ton pire défaut ? Je comprends pas... T'es probablement le meilleur ami que j'ai jamais eu. Je trouve ça un peu horrible que moi je te fasse totalement confiance alors qu'en parallèle le peu que je sais sur toi est apparemment un ramassis de mensonges. Elle leva les yeux au ciel. Niais mais honnète.

- ... Je t'aime bien aussi.

- Tu vas pas me répondre, hein ? T'es un putain de lâche. »

Uranie se surpris elle-même, un instant. Ce n'était pas forcément gentil, mais sa voix n'avait pas déraillé pour lui faire dire de belles choses pour autant. Elle se stoppa un instant pour réfléchir. Pourquoi est-ce qu'elle n'y avait pas pensé avant ? Comme toujours, ce qu'Epiales voulait, c'était avant tout les faire évoluer, même si sa technique était franchement foireuse.

Ce qu'Epiales attendait de cette journée, c'était tout simplement qu'ils soient enfin tous honnêtes avec eux mêmes et avec les autres, non ?

Bien, Epiales. Uranie. Qu'est-ce que c'est, d'être Uranie, qu'est ce que ça représente ?

« Je ne suis pas une bonne personne. Lucien se tourna vers elle, interloqué. Je sais pas prendre soin des gens qui m'aiment, ça a tendance à m'énerver ou me mettre mal à l'aise. C'est pour ça que j'évite mes parents et ma sœur. Je suis exécrable avec ma seule amie, Angelina, et pourtant j'ai osé penser que c'est une conne et être surprise, quand j'ai vu qu'elle avait réussi à s'épanouir en se séparant de moi et ne voulait plus de moi dans sa vie pour gâcher le bonheur qu'elle avait construit. Et je suis méchante avec tout le monde, je sais, mais les belles choses, les fausses bonnes intentions et les personnes trop lisses, ça me fait flipper, et putain c'est d'un ennui. Je sais que je suis pas parfaite, mais j'aime être Uranie Schwarz. Je suis pas fière de tout ce que j'ai fait, mais je regrette pas ma place au paradis.

Elle échangea un regard avec Lucien qui soupira et baissa les yeux. Lucy s'assit en tailleur face à eux deux, un air décidé collé au village.

« Je suis une pleurnicharde timide et indécise. J'aimerai bien l'être, mais je suis pas faite pour être bruyante ou attirer l'attention, en fait. Je sais que je me laisse marcher sur les pieds, que ça m'apporte souvent des ennuis de vouloir décevoir ou faire de mal à personne, mais je m'en fiche. J'ai pas envie de m'inventer un caractère, me faire croire que je suis forte et que j'ai envie de riposter, comme ça. Je suis pas une battante, j'aime le silence, la douceur, être seule ou juste avec un petit groupe dans notre petit coin, et je veux être gentille, je veux souhaiter aux gens le meilleur, même si je vais sûrement encore me faire marcher dessus. J'ai fait des conneries, mais je suis fière d'être Lucy Stéphane et tout ce qu'elle représente pour moi.

Le blond soupira. - Vous savez que vous êtes en train de faire tout l'inverse de ce que Epialès voulait qu'on fasse ? On est pas sensé s'enfoncer dans nos défauts, on doit travailler dessus.

- C'est vrai que mentir et faire l'autruche c'est tellement plus mature et responsable, Mister Escalier. Elle poussa un rire nerveux. Enfin, je dis ça, mais t'es sûrement pas réellement mort comme ça, hein. C'est à force de me détester et d'avoir peur des gens que j'ai commencer à les détester et à vouloir leur faire peur. La solution, c'est jamais d'oublier qui on est pour devenir une version trop belle, pas vrai et trop lisse de nous. C'est de s'accepter. »

Elle serra les poings et hurla intérieurement. Si seulement elle n'étais pas déjà morte, elle serait en train de mourir de honte.

« Et putain on dirait une citation inspirante sur un blog de mode, j'en ai marre de parler comme ça, vivement que cette journée se termine.

Léna pouffa. - Non, c'est bien, t'es bizarrement de super bon conseil. Ça te rend super. Le trio des cadets fit volte-face. Ils avaient totalement oublié que Léna bronzait à côté d'eux. Tu sais quoi ? À mon tour. Elle inspira profondément. Je suis pas ... normale. Être différente, m'être battue pour être la femme que je suis aujourd'hui, c'est la plus grande de mes fiertés. On m'en a foutu plein la gueule toute ma vie, on a toujours essayé de me dire qui je devais être, à quoi le ''garçon perdu qui se prenait pour une fille'' qu'ils voyaient en moi devait ressembler, mais jamais j'ai voulu les écouter, car moi je sais qui je suis. Et j'aime ressentir des choses, me sentir vivante. J'ai toujours eu cette foutue rage de vivre, même quand ça allait pas, quand j'avais envie qu'on me tue. Alors oui. Il m'est arrivé des trucs pas nets, mes parents m'ont même foutu à la rue et j'ai mal tourné. J'ai fait des choses dont j'ai pas le droit d'être fière, j'ai atteint le fond du gouffre avant d'arriver ici, mais je suis Léna Boulanger, et j'en suis heureuse. Je trouve ça génial d'être moi.

Uranie dévisagea Léna un instant. Elle n'avait aucune idée de ce dont elle parlait. Elle ne s'était jamais intéressée à elle, il fallait dire. - ... Qu'est-ce qu'il t'es arrivé, Léna ?

- Euh ... La jeune femme se referma machinalement sur elle-même. Discrètement, elle avait commencé à se caresser avec angoisse sa main gauche avec son pouce droit. Je crois que je suis pas encore prête à en parler, désolée ... En fait, j'ai commencé par- Elle se mordit violemment la langue. Epiales avait été claire ; le temps de cette journée, elle serait incapable de ne pas parler de son passé et ne pourrait s'empêcher d'y chercher des solutions. JE VEUX PAS ! S'il te plaît, c'est mon deuxième vœu, je veux que ma contrainte disparaisse, Epiales. Je suis pas prête. »

Un instant plus tard, le nuage qui contenait les informations de Léna s'évanouit dans le bleu du ciel. Uranie et Lucy lui adressèrent un sourire désolé et un silence embarrassant s'installa. Tout le monde traite son deuil à sa façon.

Mérite-le.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant