Chapitre 9

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Combien de temps est-ce que ça fait ? Elle tourne en rond dans la ville grise. Deux heures, peut-être. Elle retourne de nouveau dans l'allée du disquaire. Il fait nuit. Le visage de la punk fait surface dans son crâne : l'irritation se saisit de nouveau d'elle.

Elle se plante devant un mur, et frappe rageusement dedans. De nouveau, une douleur dans ses doigts. Elle observe ses phalanges égratignées. Il faudrait vraiment que j'arrête de faire ça. Elle se les frotte brièvement, et regarde autour d'elle.

La rue est presque déserte. Elle reprend sa route. Non, ça fait bien plus que deux heures. Son ventre gargouille. Elle repense à la réaction de sa mère : au fond, elle a envie de retourner chez elle, mais elle craint trop leur accueil.

Ils sont terriblement à cheval sur les valeurs chrétiennes. Les homosexuels, pour eux, c'est une aberration. Si seulement elle était capable de leur dire que c'est un simple malentendu, elle reviendrait sur ses pas... Mais comme ils ont découvert la vérité, elle est incapable de se cacher de nouveau.

Superbe coming-out, vraiment. Merci, espèce de punk mal rafistolée. Elle ne sait pas quelle mouche l'a piquée, mais elle a été particulièrement insupportable. Et elle en veut aussi à Alice, qui a divulgué son secret. A combien de personnes en a-t-elle parlé ? Elle préfère ne pas le savoir.

Quelqu'un l'appelle alors derrière elle. Elle se raidit. Quand on parle du loup... Elle se rend compte qu'elle se trouve près de la maison de son ancienne amie, et que celle-ci se tient juste devant son portail, et la dévisage avec surprise. « Il est vingt-et-une heure. Qu'est-ce que tu fais dehors avec ton sac de cours ? » Anna serre les dents. Ça y est, elle est au summum de son exaspération.

« Oh, rien, je me promène », ironise-t-elle. « Il se peut que ta chère amie, à qui tu as dit que j'étais lesbienne, m'ait coincée dans une rue, et que ma mère nous ait vues. Merci, Alice : maintenant, je suis dans une merde pas possible. »

L'intéressée écarquille les yeux. Le silence se fait quelques instants. Puis, elle pince les lèvres, et détourne le regard d'un air coupable. « Je l'ai juste évoqué », lâche-t-elle finalement. « Pas de ma faute si ça l'obsède autant. » Obsède ? « Et puis, j'étais choquée, moi. Tu peux le comprendre, ça. »

Non, pas vraiment. L'adolescente ne lui répond pas.

« Écoute... Je suis désolée si elle t'a mise dans une situation délicate. Mais il faudrait que tu rentres chez toi.

— Avec des parents chrétiens comme pas deux ? Tu veux qu'ils m'exorcisent ?

— Non... »

Elle pose brièvement ses prunelles brunes sur elle, et soupire.

« Bon... Tu as un endroit où aller cette nuit ?

— Non.

— Je vois... Je peux t'héberger, si tu veux. »

Elle plisse les paupières. « D'accord », lâche-t-elle finalement. Elles se dirigent donc vers sa porte d'entrée. Alice l'accueille dans le petit corridor. « Par contre, essaie de ne pas me sauter dessus. »

L'intéressée cesse tout mouvement. L'autre n'a pas le temps de lui jeter un regard surpris qu'elle fait déjà demi-tour, et part à grands pas. « Bonne soirée ! » crie-t-elle avec énervement avant de quitter définitivement les lieux.

Ça grouille vraiment de connards, ici, fulmine-t-elle. Le temps passe. Il se fait lent. Il traîne les pieds. Elle a envie de le pousser afin qu'il avance plus vite, mais elle ne peut rien y faire. Alors, elle grommelle dans son coin, et continue sa marche.

Puis, elle commence à se tranquilliser. Mais alors que le soulagement pointe le bout de son nez, on lui attrape brutalement le poignet, et on la plaque – encore ! – contre le béton. Cette fois-ci, c'est un jeune homme qui s'approche brutalement d'elle.

« Mademoiselle », dit-il d'une voix bourrue. Il s'avance encore, tant et si bien qu'elle se retrouve dans l'obligation de loucher pour le voir. « Vous faites quoi ici ? »

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant