Chapitre 27

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« Papa, chevrote Anna une énième fois. Papa, qu'est-ce que tu fais ?! » Mais le papa en question se contente de conduire sur cette route au blanc peu rassurant, entourée de champs. La châtaine connaît bien l'environnement. La moindre herbe, le moindre nid-de-poule lui est familier.

Ils sont en route vers leur maison, eux deux, eux seuls.

Depuis un quart d'heure, la panique frappe la jeune fille avec toujours plus d'intensité. Elle voudrait presque bondir vers le siège passager, mais Marcel pourrait perdre le contrôle du volant. Elle ne peut que tenter de l'apostropher, encore et encore et encore. Vainement, car il est buté comme un âne. Son regard pourrait presque mettre le feu à la neige qu'écrasent ses roues.

« Et maman ? On ne va pas la laisser ! Putain, mais qu'est-ce qu'il vient de se passer ?! Réponds-moi ! » crie-t-elle désespérément. Changement de discours, elle le voit se raidir. Il entrouvre ses lèvres sèches ; bloque ; contracte les poings sur son volant, à s'en blanchir les phalanges. « Ne joue pas à la contrariée, crache-t-il. On est mieux ici qu'entre ces deux fils de pute ! »

En entendant cela, Anna reste bouche bée. Mieux : plus aucune pensée, plus aucune question ne peut émerger de son pauvre cerveau balancé dans tous les sens. Après un long moment, et quelques secousses, elle s'abandonne aux grognements de leur moteur, et se rassied sagement sur la banquette arrière. A cet instant précis, elle doit être plus que livide.

« Y a des trucs que tu sais pas, et c'est tant mieux, jette-t-il. T'as intérêt à me croire, Anna, si tu veux pas finir comme ta mère.

— Quoi... ? souffle-t-elle. Qu'est-ce que tu veux dire ?

— T'as déjà vu la tronche de mes parents ? »

Elle cligne des yeux, confuse au possible. Ses parents, il ne les évoque jamais. Elle n'en a pas vu l'ombre. Ils sont morts, certes... Toutefois, elle n'en connaît rien. Et, à cet instant-là, tandis que la colère de son père le pousse à parler sans chercher une seule seconde à être correct...

« T'as pas besoin de répondre : non. Même pas en photo. C'était des campagnards, plus cons encore que tes grands-darons : Robert et Bernadette, c'est des couilles molles, à côté. Vraiment, des enfoirés de première, tu saisis ?!

— Oui ! Oui.

— Génial, alors ! tempête-t-il. C'est pour toi que j'ai décidé de jamais te les mettre sous le pif. Même à trois mois, t'aurais dégueulé. Pas foutus de... comprendre le moindre... truc, ils nous on bien mis dans la merde, avec leur sévérité à deux balles ! Et tu sais le pire ?! »

Il frappe son propre tableau de bord. Dès qu'Anna voit ses épaules trembler, son cœur se tord brutalement. « C'est que, moi non plus... Je n'ai pas été foutu de m'en détacher ! » hurle-t-il.

Un long silence tombe sur eux. Elle en grelotte, mais aucun pleur ne suit. Elle est trop médusée. Une nouvelle fois. « Et ta mère, là, c'est la même », reprend-il entre ses incisives. Son ton amer la soulage, aussi ironique cela soit-il. « Ses darons ont trop dépeint sur elle. Alors, on se taille, et on verra ce qu'on fait. Nadine... et Georges... »

Puis, il freine d'un coup : sa fille se prend en pleine face le dossier devant elle. « Putain de lièvre ! » éructe-t-il – et elle fait de même, en son for intérieur. Une main sur son front douloureux, les yeux fermés, elle maudit ce foutu lapin de tout son être. L'irritation dégage sa confusion. Elle braque ses deux prunelles ciel sur son père alors qu'il redémarre, d'autant plus enragé qu'avant.

« Bien, oui, lâche-t-elle. Nadine et Georges. Il vous aller chercher maman comme des super-héros ? » Rien. Quoi, je t'ai encore contrarié ? peste-t-elle, sérieusement sous pression. Tu crois que t'es le seul à te sentir mal, là ?!

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant