Chapitre 19

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Les lèvres – d'autant plus rouges qu'usuellement – de l'enseignante forment des mots étouffés par le tapage ambiant. Anna, elle, s'immobilise d'un coup, le cœur battant la chamade. Elle ? Ici... ? Paul a disparu de sa vue, elle ne tente pas de le chercher. Sa stupeur doit au moins égaler celle de Madame Lenoix, puisque cette dernière manque de lâcher sa bière.

L'homme à côté d'elle arque un sourcil, et la désigne du doigt. La professeure secoue frénétiquement la tête, il semble insister, elle lui sert un regard noir, il serre les dents, elle le repousse. Ses joues ont tourné à l'écarlate, et elle débite un flot de mots. La lycéenne n'arrive pas même à effleurer son ton. Le sang battant follement à ses tempes le lui aurait de toute façon interdit.

Et cet homme ? Qui est-ce ? Son compagnon ?! Et c'est que l'enfoiré pose une paume sur la tête de l'autre, manifestement peu ravi. Encore une fois, il montre Anna, et tente de tourner le visage de Madame Lenoix vers elle, une expression sévère collée sur son visage rectangulaire.

L'irritation pique la plus jeune. Il en est presque à la violenter ? Elle s'avance à grands pas, malgré les gestes frénétiques, si ce ne sont paniqués, de la blonde. Qui se tait finalement à l'instant où elle arrive à portée de voix.

« Eh ! » crie-t-elle au-dessus du chahut faisant rage autour d'eux. Elle se glisse entre les deux, les paupières plissées. Ses poings se contractent nerveusement. La température lui monte à la tête, elle se sent emportée par la situation, peu lui importe. La fureur qui rugit dans son coffre lui enlève toute notion de rationalité. « Un... Tu... ! » Rien de plus ne sort de sa bouche. Elle se contente de le fusiller du regard, les dents serrées.

De longues secondes sonnent à ses tympans sourds à tout autre parasite. Une bulle, autour d'eux trois. Finalement, l'homme plaque sa main contre sa face anguleuse dans un soupir agacé. « Sérieusement... Nathalie, vois les choses en face deux secondes », lâche-t-il. Puis, il tourne les talons, et les laisse plantées là sans un coup d'œil.

Immobilisme glaçant... vite balayé par les légers pas explosant aux oreilles d'Anna. A elle se faire volte-face : la Nathalie en question recule, et s'apprête à déguerpir elle-ne-sait-où. Le cœur d'Anna rate douloureusement un battement. « Attendez ! » s'exclame-t-elle. L'autre se retourne dans une stupeur troublée, Anna sent son poignet fin dans sa main. Elle baisse les yeux sur cette dernière : ils s'écarquillent vite. Elle l'a saisi par réflexe.

Oh, non... Les souvenirs de l'instant où Madame Lenoix l'a fait tomber devant son lycée la frappent de plein fouet. Si elle agit encore de façon impulsive, elle se distancera d'elle. Et l'équilibre fragile qui les lie, Anna ne le perdrait pour rien au monde. Elle baisse le menton, puis relâche sa professeure. « Pardon », murmure-t-elle. Néanmoins, l'intéressée ne bouge pas. Non, ses prunelles noisette la scrutent dans le moindre détail.

« Pourquoi... est-ce que tu es là, Anna ? » Elle déglutit difficilement. Le regard perçant, et l'inquiétude qui l'illumine, et la façon dont Madame Lenoix laisse ses lèvres écarlates entrouvertes, la secouent au possible. Elle ne parvient qu'à la dévisager, détourner ses yeux ciel, les reposer sur son interlocutrice, recommencer la manœuvre. Elle remarque ensuite, du coin de l'œil, que la blonde observe les alentours.

La culpabilité la frappe. Un « pardon » ne peut pas réparer le fait d'avoir gâché le rendez-vous duquel elle a été témoin. Elle tend donc la main, et la pose sur l'éPaule mince de l'autre. Cette dernière laisse lentement son bras retomber le long de sa hanche svelte. Pas un sursaut. Pas un mouvement de recul.

Pas un seul geste.

« Je suis désolée, chevrote de nouveau la lycéenne. Vous devriez peut-être aller le chercher, et... » Elle s'étrangle.

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant