Vaste salle silencieuse. Bureaux boisés, chaises grinçantes, murs blancs, tableau d'ardoise. Autour d'Anna, chaque élève se tait, griffonne... et c'est tout ce qu'elle a le droit de percevoir. Ils font face à leur sujet de mathématiques, en ce joli jour ensoleillé de juin. Les rayons vifs de ce début d'été s'amusent à chauffer les longs cheveux de l'adolescente, dont les yeux observent avec angoisse les exercices qu'elle doit réussir.
Toutefois, son coeur bat si vite, ses mains suent tant, que son cerveau se vide peu à peu des connaissances qu'elle a acquises durant ses longues heures de révisions.
Non. « On considère l'entier naturel A qui s'écrit /1x416 dans le système de numération de base sept », lui demande-t-on. C'est le premier énoncé, et je suis déjà paumée ?! « 1. Déterminer x pour que a. A soit divisible par six; b. A soit divisible par cinq. En déduire qu'il existe x tel que A soit divisible par trente. », continue-t-on. Cruels. Ils sont cruels. Peut-être que je peux... Elle fait nerveusement tourner son stylo entre ses doigts, les dents serrées. Simplement... revenir dessus plus tard... Et que les autres seront plus accessibles...
Et elle baisse son regard sur le prochain problème avec lenteur. Dès qu'elle voit la petitesse de l'énoncé, elle manque de s'étrangler sur place. Deux lignes ? Même pas deux lignes ?! Ses neurones encore éveillés tirent la sonnette d'alarme : ce type de présentation sent mauvais, très mauvais. Elle bloque tant sur sa taille qu'elle ne parvient pas à en lire le contenu.
Elle ne peut pas se décourager si tôt. Il y a potentiellement Madame Lenoix, au bout. Si elle échoue, elle ira aux rattrapages. Si elle les rate encore, elle redoublera, et l'Enfer se déchaînera sur elle sans répit. Je fais quoi ? Je fais quoi, bon sang ?! Elle jette un œil sur la pendule accrochée au mur.
Elle a passé dix minutes à se lancer pour étudier le sujet... lequel l'a ensuite tétanisée durant quinze minutes. Près d'une demi-heure vient d'être perdue à cause de son incapacité. Cette situation est si ridicule qu'elle en rirait jaune. Pourquoi le temps passe-t-il si vite ? Ça ne devrait pas être le contraire, quand on vit un désastre ?!
Non. Il ne faut pas qu'elle se laisse emporter. Même si sa potentielle ancienne enseignante a drastiquement changé son comportement durant la dernière semaine de cours, il n'y a pas qu'elle en jeu. L'université aussi l'appelle. Anna ne sait certes pas ce qu'elle va faire d'une licence de physique, mais qui ne tente rien n'a rien.
Concentre-toi. Elle prend une longue inspiration – et diablement saccadée. Ne panique pas. Elle ferme les yeux, masse ses tempes douloureuses, se retient de se filer deux baffes. Gigi l'a dit, que ça se passera bien. Fais-lui confiance. Gigi l'a dit. Gigi l'a dit...
Et Gigi a toujours raison ! pense-t-elle avec rage.
Alors, la lycéenne raffermit sa prise sur son crayon, et note un joli « Exercice 1 » sur sa copie. Elle se battra. Comme à la boxe. Bien qu'elle n'en ait plus fait depuis bien des semaines, cela doit revenir au même. Auparavant, elle affrontait des types : elle peut bien les associer aux mathématiques ! Quoique, cela reviendrait à les considérer comme ses ennemis, et...
« Et ton baccalauréat, tu as intérêt à l'avoir ! » s'écrie dans sa caboche la voix de Madame Lenoix. Oui. Pardon. Je m'y mets. Elle s'y met. L'équation différentielle qui l'attend, elle la lorgne de pied en cap, le nez et les sourcils froncés au possible. L'échec n'est pas une option, se rabâche-t-elle.
Et la bataille commence.
Elle se positionne face à ses adversaires avec fermeté, les mâchoires contractées. Qui attaquera le premier ? Ils ne bougent pas. Ils restent là, ils attendent. Cependant, ils envahissent son territoire, à elle. Alors, elle lève vivement son stylo, et fonce sur le premier, le plus dangereux.
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Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]
Romance1979. Anna est une lycéenne de Terminale C dans une petite ville de campagne. Sa famille et sa scolarité sont plutôt classiques ; néanmoins, elle a un secret qu'elle garde farouchement. Si son homosexualité est dévoilée, c'est tout l'équilibre fragi...