Chapitre 24

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Une douce chaleur glisse sur le visage d'Anna. Ses paupières frissonnent ; son bras se met machinalement, lentement, laborieusement au travers de sa face. Dans son pauvre crâne embrumé, la confusion règne en maître. Peu importe. Elle aime ce brouillard réconfortant. Aucun de ses muscles ne lui répond : pourquoi ne pas se laisser de nouveau tomber ? Le monde tourne autour d'elle. Rien de mieux. Rien de mieux...

Toutefois, un sifflement agaçant parvient à ses oreilles. A ses dents de se serrer. Ce foutu bruit lui sort la tête de l'eau, sa tête pourtant si lourde. C'était agréable, bon sang. Et voilà qu'une douleur perfide naît dans son dos, et sa nuque, et son crâne en prime. Elle se réveille, réalise-t-elle. Sa main cherche sa lampe de chevet, à sa gauche. Elle rencontre une surface dure avec violence.

« Aïe ! » s'exclame-t-elle. Elle se redresse illico, et frotte sa pauvre paume. Un sofa, une cuisine jaune et blanche et familière, une silhouette agréable, se dessinent sous sa vue floue. ... Je ne suis pas chez moi. C'est le cadet de ses soucis. Elle a actuellement mal à l'auriculaire, dès le matin. Chiant. Elle baille un coup, et frotte sa nuque, le corps lourd.

Sa nuque, qui se souvient d'une tendresse récente.

Le cœur d'Anna rate un battement. Elle lève le menton, et bée face à une Madame Lenoix habillée comme si elle allait au boulot. Jupe patineuse à carreaux bruns, chemisier blanc, collants noirs. Même son carré blond est en place. Il ne manque plus que les bottes...

« Tu es réveillée ? » La plus âgée s'est tournée vers elle, et la transperce de ses prunelles noisette. Ses lèvres ne sont pas maquillées. Seulement d'un rose fin et naturel. Anna touche sa propre joue, pour rougir d'un coup. Elle se rappelle enfin des évènements de la veille. La dispute avec son père, Nadine et Georges qui ont changé de bord, le baiser chaste de la jeune femme se tenant devant elle. Elle a pleuré, ensuite, comme jamais elle n'avait pleuré avant. C'était douloureux, mais l'enseignante l'a accompagnée jusqu'à ce qu'elle tombe de fatigue.

Celle-ci finit d'ailleurs par sourire, amusée. « Va te falloir un coup de brosse. Il est onze heures, tu sais. » Elle lève une bouilloire, et grimace sous son poids. « Une boisson chaude ? »

Court silence. L'intéressée détourne le regard. « ... Un thé ? » Elle déglutit avec malaise.

« Si possible, ajoute-t-elle dans un murmure.

— Naturellement. J'ai appelé Nadine, elle viendra te chercher lorsque tu seras prête. »

Ses paroles la frappent en plein bide. La discussion avec mes parents... Elle passe ses doigts dans sa frange, l'estomac noué. Elle n'a plus grand-chose à perdre, mais l'angoisse la dévore déjà. Rien de plus normal, se dit-elle. Et puis, c'est elle qui a passé une soirée pourrie, pas eux. Les matraques des policiers...

« Le Lumière Rouge ! » s'écrie-t-elle subitement. Son enseignante sursaute.

« Hein, quoi ?

— Comment est-ce que ça s'est fini, là-bas ? débite Anna. La police... »

L'autre bloque un bref instant. Puis, elle se dresse sur la pointe des pieds, et sort une tasse de l'un de ses placards clairs. « Des gens se sont faits amener... Mais moins que ce qu'on craignait. Georges, lui... » Pause. « Il y est encore. En cellule de dégrisement, il paraît. Et il est accusé d'avoir agressé un policier. M'enfin, ils ont fini par partir la queue entre les jambes face au monde regroupé dans ce pauvre bar. Toujours est-il que, même lorsque Nadine y est allée... »

Elle sort un sachet de thé d'une boîte censée contenir des biscuits, et infuse le tout sur la table carrée et plastifiée trônant au milieu de la pièce. Laquelle est inondée par le soleil, remarque Anna au beau milieu de son inquiétude. Cela ne parvient pas à l'éloigner de la gravité des propos qu'on lui sert.

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant