Chapitre 20

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Anna comme Madame Lenoix sursautent. La seconde s'écarte illico de la première, mais ne lâche pas sa taille. En réalité, elle s'y tient plus fermement dès que ses yeux bruns s'écarquillent en observant l'entrée, comme si c'est la seule chose à laquelle elle veut se raccrocher. L'adolescente suit son regard : son cœur rate un battement, la peur la frappe de plein fouet.

« Anna, débite sa professeure d'un timbre tremblant. Anna, il ne faut pas qu'on nous voie ! » L'intéressée n'arrive pas à esquisser un piètre mouvement. L'homme à la lourde veste noire et à la casquette bien représentative de la gendarmerie départementale se trouve juste à la porte, une main tendue devant lui.

La panique la frappe de plein fouet. Les pupilles de cet officier, elles inspectent la moindre tête tournée vers lui. Son nez se renfrogne à la vue de la populace variée regroupée ici : et alors que son regard se rapproche d'elles, la plus jeune se sent foudroyée sur place.

« Tu sais ce que je risque ? » martèle la voix de Madame Lenoix dans son crâne embrumé. « Ma carrière. » Elle serre les dents, et recule d'un bond... « Ma réputation. » ... entraînant la blonde contre elle au passage. « Auprès de ma famille et de mes amis et de mes collègues. » Son dos rencontre ce pan de mur à l'abri de l'intrus. Elle l'étreint son enseignante fort, plus fort, assez fort pour que ce poulet de ses deux n'en voie pas un centimètre.

« Anna ? » s'affole-t-elle. L'intéressée pose son crâne contre le bois derrière elle, son pouls battant à tout rompre. Battant à tout rompre, à cause de cette terreur, qui chasse au loin la résolution que la châtaine a prise. Non, elle n'est pas prête à protéger ses propres droits. Non. Elle n'est pas assez courageuse pour ça. Qu'a-t-elle pensé ? Elle reste une lâche impulsive.

« Laissez-moi passer ! Vous, vos papiers ! » Et merde...

« Et merde ! chevrote-t-elle.

— Vous n'avez pas le droit !

— Non, Anna...

— On est tranquilles ! Dégagez !

— ... on ne peut pas se cacher comme ça !

— C'est encore eux ?!

— Il fouinera, on paraîtra suspectes, il te demandera tes papiers...

— Ils sont cinq ! Ils sont cinq, écartez-vous !

— Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ?! » s'écrie la jeune fille.

Sa voix brisée est presque réduite au silence par le boucan explosant plus loin. Les paupières de Madame Lenoix s'écarquillent. « Ne pleure pas, murmure-t-elle. Tu sais... ça allait forcément arriver... Le propriétaire... » Mais elle secoue fébrilement la tête, les larmes aux yeux. « Je suis désolée, je vous ai retranchée dans une impasse, et s'il nous voit, vous êtes foutue, je ne peux pas... » Elle relâche son emprise ; ses genoux cèdent presque. Elle a merdé, encore. C'est de sa faute...

Encore.

Je suis... la pire enflure de ce monde. Une douleur vicieuse s'insinue lentement dans son coffre. Elle s'est salie. Elle ne devrait pas l'aimer, elle. Elle l'a salie aussi. Ce monde n'est pas fait pour cela, il ne peut pas accepter un amour pareil, qu'Anna a incrémenté entre elles deux par une malice lugubre. « Par les escaliers, dit-elle d'une voix blanche. Des pièces... là-haut. Vous pouvez y aller, vous... »

Elle la décale ensuite sur le côté, et inspire longuement, les yeux fermés. Elle n'a rien bu, elle est mineure, elle peut sortir sans se faire contrôler. ... Je suis mineure. L'horreur remplace ce tourbillon d'insultes qu'elle s'est accablée. Je suis mineure... et j'ai fugué... pour aller dans un bar gay... La majorité sexuelle, pour les relations homosexuelles, est à dix-huit ans...

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant