12. Une grande prison, c'est toujours une prison.

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Ce soir-là, c'était ciné-club

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Ce soir-là, c'était ciné-club. On en organisait chaque semaine. Les mercredis après-midi, c'était un film pour les enfants, et le soir, un pour les adultes. On utilisait des DVD et un rétroprojecteur qui envoyait l'image sur un grand mur blanc. Les soirées ciné étaient toujours de chouettes rendez-vous pour les habitants, c'était comme au drive-in, sans les voiture. Il y avait du pop-corn, les gens rigolaient, commentaient le film à voix haute. En été beaucoup s'asseyaient par terre dans l'herbe sur des couvertures et en faisaient un vrai pique-nique. Avec l'automne qui se déployait, les gens préféraient désormais venir avec leurs chaises, et quelques plaids avaient commencé à faire leur apparition sur les genoux ou les épaules des plus frileux.

L'idée de transférer le ciné-club dans un bâtiment pour l'hiver était à l'étude, mais encore fallait-il trouver l'endroit adéquat. Mais malgré les températures nocturnes qui baissaient, les spectateurs étaient toujours aussi nombreux.

Le Gouverneur ne manquait pas une seule séance. Il venait avec sa fille, qui regardait le début et s'endormait rapidement, et il la gardait dans ses bras jusqu'à la fin. La plupart du temps, les gens applaudissaient durant le générique de fin, après quoi la plupart rentraient chez eux, à l'exception de quelques couche-tard qui prolongeaient un peu leur fin de soirée au réfectoire, histoire de bavarder, ou de partager une partie de quelque chose — dames, échecs, cartes, jeux de société. Il s'était formé un petit club de passionnés du Trivial Pursuit, Milton en faisait partie.

« Il faut les occuper. »

C'était ce que Blake répétait souvent.

« Il faut donner des occupations aux gens. On vit dans un endroit minuscule, s'ils ont l'impression de tourner en rond sans rien faire, on va avoir des problèmes, et des problèmes, on en a déjà assez dehors. »

Merle était d'accord sur le principe, mais moins sur l'application. Si ça n'avait tenu qu'à lui, chaque habitant capable de tenir une arme aurait le choix entre faire le sale boulot comme lui ou dégager. Il ne voyait pas l'intérêt d'entretenir une bande de couards oisifs, à quoi ça rimait ? Qu'est-ce qu'il en avait à foutre qu'on lui repasse son linge, qu'on lui prépare des muffins et qu'on l'invite à participer à un foutu club de lecture ? Lui ce qu'il aurait voulu, c'est plus de personnes pour l'aider dehors.

Mais le Gouverneur voyait les choses différemment. D'après lui, il ne fallait pas forcer les gens. Chacun devait pouvoir trouver sa place dans la communauté.
Pour Merle, la place de quelqu'un incapable de se maintenir en vie seul, c'était au cimetière. Ce qui expliquait probablement pourquoi il n'avait jamais fondé et dirigé de ville, ceci dit.

Il regardait pensivement le paysage en fumant une cigarette. Pensivement mais attentivement, il prenait toujours ses tours de garde au sérieux. Des fois, il se demandait avec amertume s'il n'était pas le seul.

La saison des vers luisants était terminée, ce qui le rendait un peu mélancolique. L'été était de loin sa saison préférée, il aimait la chaleur, les journées très longues, les soirées douces, baignées dans les stridulations d'insectes, les frémissements rapides des chauves-souris fusant au-dessus de sa tête, les bruits divers d'animaux nocturnes. Il y avait eu de nombreux vers luisants dans la pelouse devant l'entrée de la ville la nuit, et ce qui était amusant, c'était que leurs lueurs attiraient les rôdeurs. C'était un drôle de spectacle de voir les morts déambuler de leur pas lourdaud après des points de lumière qu'ils étaient trop maladroits et imprécis pour saisir.
Ça les avait fait marrer, lui et ses gars, quand ils montaient la garde à la porte.

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant