17. T'aurais quand même pu dire mon nom, juste une fois.

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« Je vais mourir

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« Je vais mourir. »

Pauline l'avait dit d'une voix étrangement calme.
Elle était assise sur le canapé de Merle.

« Je sais pas si je me rends bien compte », admit-elle.

Lui non plus.

Il tâchait de ne pas réfléchir, de se concentrer sur ce qu'il faisait. La main droite de Pauline était amputée du pouce et de l'index, les deux doigts affreusement arrachés par les mâchoires du mort qui l'avait attaquée. La blessure était déjà pénible à voir, la peau autour rouge et gonflée. Déjà infectée, aussi peu de temps après la morsure.
Mais Pauline ne souffrait pas pour le moment, pas trop. Pas encore.

Il s'était dépêché de la ramener chez lui, là où il gardait des analgésiques puissants en permanence. Il n'avait même pas pensé à l'amener se faire soigner par le Doc, avec tout le monde. Pauline était venue le trouver lui, alors c'était lui qui s'en occupait.

Ses pensées à lui se bousculaient, tantôt acérées, tantôt stupides.
Ils avaient fait l'amour plusieurs fois, sur ce canapé.

Son pansement n'était pas terrible, Rose aurait fait dix fois mieux, et plus vite.

« C'est pas fameux, marmonna-t-il, mais bon, toi aussi, tu viens demander ça au seul type qui a qu'une main, alors forcément...
- Ça me dérange pas.
- Ça t'a jamais dérangé.
- Bien sûr que non.
- Je me suis toujours demandé pourquoi. »

Il ne lui avait jamais posé la question, mais il était en train de comprendre que s'il ne le faisait pas maintenant, il n'aurait jamais de réponse. Mais avait-il vraiment envie de l'entendre ?
Il la vit hésiter.

« Mon mari, il était vétéran de guerre, il a servi en Irak, finit-elle par dire. Il a été blessé. Lui c'était la main gauche, pareil que toi, à peu près.
- Ben merde. T'as flashé sur moi parce que j'étais manchot ?
- Non, idiot, parce que tu me plaisais. »

Il comprenait maintenant pourquoi elle était aussi à l'aise avec son infirmité. Mince, c'était presque malsain, si elle fermait les paupières et se concentrait, elle devait quasiment pouvoir oublier que c'était lui. Il essaya de se rappeler si elle avait souvent fait l'amour avec lui les yeux fermés, et il se dit que ça servait à rien de penser à ça, que c'était se faire du mal pour pas grand chose.

Elle se mit à pleurer.
« J'aurais pas dû te parler de ça, pardon.
- C'est pas grave, c'est moi qui ai demandé après tout.
- Si. J'ai pas été correcte avec toi. Quand je suis arrivée ici, j'ai... mon mari, il me manquait tellement, tellement. »
Elle cacha son visage dans ses mains, dans ce qu'il en restait.
« Marc, mon mari, tu... tu lui ressembles un peu. Je voulais seulement me sentir bien. Juste un peu bien, de temps en temps, j'en avais trop besoin.
- Ben écoute, si t'as été bien, c'est l'principal, non ?
- Mais c'était pour ça... c'était pour ça... que je pleurais. »

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant