61. Les aveugles, ça court pas.

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Le mois de janvier qui commençait tout juste était froid mais sec

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Le mois de janvier qui commençait tout juste était froid mais sec. Les gens à Woodbury avaient accueilli la nouvelle année de façon mitigée, certains, entrainés par le Gouverneur et son enthousiasme communicatif, y voyaient un symbole d'avenir, de renouveau, et n'hésitaient pas à considérer ça comme une sorte d'Année Zéro. D'autres, encore plongés profondément dans les affres du trauma et du deuil, avaient beaucoup moins bien vécu la période des fêtes, moment traditionnellement dédié à la famille, aux amis, au foyer, à la célébration de toutes ces choses qu'ils n'avaient plus.
Tout comme Noël, le Gouverneur avait fait en sorte que la soirée de la Saint Sylvestre soit pleine de faste et de joie, autant que possible. Comme à chaque fois, les gens avaient fait l'effort de se réunir. Il fallait bien recommencer à vivre, coûte que coûte.

Merle et Hazel, eux, avaient passé cette soirée ensemble chez eux, sans personne d'autre, simplement heureux et soulagés d'avoir encore quelque chose qu'ils pouvaient appeler un foyer, appeler une famille.
Lui, comme promis, ne quittait plus son pull-over. Il avait souvent trop chaud dedans, mais il s'en fichait. Il le portait la plupart du temps sans rien en dessous qu'un simple débardeur, tant il était peu frileux de nature. Heureusement, Hazel avait eu l'intuition de choisir pour son ouvrage une laine très douce qui ne grattait pas du tout.

Merle avait eu deux autres cadeaux. Une bouteille de très bon whisky de luxe de la part du Gouverneur, geste qu'il avait détesté. Et — présent plus inattendu — un livre de la part de Rose. C'était un roman, Black Boy, de Richard Wright. Il en fut assez ému, parce que c'était peut-être bien la première fois qu'on lui offrait un livre, et la préface disait qu'il s'agissait d'un immense classique de la littérature américaine. Un peu intimidé à l'idée que son amie l'estime capable de lire un truc aussi ambitieux, il se mit néanmoins à la tâche, et dévora l'ouvrage en une seule soirée. Ça racontait l'histoire d'un jeune Noir qui grandissait durant l'époque de la ségrégation. Forcément, ça parlait beaucoup de racisme, mais aussi de pauvreté, de misère sociale, d'enfance difficile. Il aima beaucoup ce livre.

Hazel, sans trop de surprise, fut couverte de cadeaux. Pas mal d'hommes de la milice n'avaient plus aucune famille à qui offrir quoi que ce soit et s'étaient rabattu sur elle pour se donner un tout petit peu l'illusion de faire un Noël normal, et les civils adoraient leur blanchisseuse et voulaient la remercier de son dévouement. Elle reçut plusieurs très beaux jeux de cartes, un jeu d'échecs, pas mal de chocolat et de douceurs à manger, quelques teeshirts cool ou mignons (à manches longues), un vinyle de Talk Talk de la part de Rose (qui avait de toute évidence soudoyé son grand ami Caesar pour l'obtenir), et eu des cartes de bons vœux, et des dessins de la part des enfants.

Plus inattendu, Shumpert lui fit une sorte de cadeau secret, qu'il lui apporta au travail. Il lui offrit une paire de baskets et un chronomètre pour ses séances de jogging, et aussi un truc totalement adorable : un chien en peluche qui ressemblait à son vrai chien (mais ça, c'était le cadeau pour Mist, expliqua-t-il). Shumpert avait fait des paquets absolument superbes, pliés à la perfection, avec du vrai papier cadeau, du ruban, une rosace sur le dessus, une étiquette... il se justifia en disant qu'il avait toujours aimé confectionner les cadeaux, bien plus que d'avoir à les choisir — activité qu'à l'inverse, il redoutait, ne sachant jamais quoi offrir. Hazel fut pourtant l'unique personne à qui il avait fait un cadeau cette année-là.

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant